Laboratoires : le Sénat s’oppose à « l’ultimatum » du gouvernement et limite la ponction à 2023

Laboratoires : le Sénat s’oppose à « l’ultimatum » du gouvernement et limite la ponction à 2023

Les sénateurs ont dénoncé la « baisse pérenne » des tarifs des actes remboursés que le gouvernement veut imposer aux laboratoires de biologie médicale. Lors de l’examen du budget 2023 de la Sécurité sociale, la Haute assemblée a profondément corrigé les modalités de l’économie demandée.
Guillaume Jacquot

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Voici deux semaines que le bras de fer se prolonge entre les biologistes et le gouvernement. Après avoir protesté en stoppant la remontée dans le fichier national des tests covid-19 (le SI-DEP), les laboratoires de biologie médicale menacent d’entrer en grève reconductible à compter du lundi 14 novembre.

La raison de leur colère ? Un article inscrit dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, qui ouvre la voie à une économie annuelle de 250 millions d’euros à leurs dépens, en raison de la hausse de leurs marges. Les débats autour de cette disposition, ce 8 novembre au Sénat, ont probablement été suivis de près par les syndicats. Les sénateurs, encouragés par leur commission des affaires sociales, ont sensiblement modifié la copie du gouvernement.

« Il s’agit donc là d’une proposition qui n’est rien d’autre qu’un ultimatum », résume la rapporteure générale

Jusqu’ici, selon le projet de loi, un arrêté devait fixer une baisse pérenne de cotations des actes de biologie médicale non liés à la covid-19, à défaut d’accord avant le 1er février 2023 entre l’Assurance maladie et les biologistes médicaux. Cette baisse devrait dégager 250 millions d’euros d’économies pour l’Assurance maladie dès l’an prochain.

« Il s’agit donc là d’une proposition qui n’est rien d’autre qu’un ultimatum, dont l’issue est une diminution du remboursement des actes de biologie, qui affecterait tous les laboratoires, quelle que soit leur taille et quelle que soit leur activité », a dénoncé la rapporteure générale de la commission des affaires sociales, Élisabeth Doineau (Union centriste).

De 2020 à 2022, l’Assurance maladie a versé près de 7,3 milliards d’euros aux laboratoires, au titre des tests contre le coronavirus. Les sénateurs n’ont eu aucun état d’âme à maintenir un effort de 250 millions d’euros aux laboratoires d’analyses médicales, mais ils ont souhaité limiter la ponction à 2023 seulement, refusant une « mesure pérenne et ferme de régulation ». De plus, la contribution exceptionnelle s’appliquera uniquement sur le chiffre d’affaires réalisé en raison de la crise sanitaire, à savoir le remboursement aux laboratoires pour le dépistage du covid-19 en 2021. Et non sur les autres examens.

Une progression de la rentabilité des laboratoires

L’exécutif est resté sur sa position. « La solution proposée par le gouvernement n’est pas sortie tout à fait du chapeau puisqu’elle a été négociée avec la Caisse nationale d’Assurance maladie et les syndicats de biologistes », a justifié Jean-Noël Barrot. Le ministre délégué chargé de la transition numérique reste convaincu de l’utilité d’une « solution plus durable », plutôt qu’une contribution éphémère version Sénat. Selon lui, le chiffre d’affaires des laboratoires est passé de 5,1 milliards à 9,4 milliards d’euros entre 2019 et 2021, le taux de rentabilité dépassant désormais les 30 %, contre 16 % en 2019.

« Les chiffres ne nous semblent pas être la simple résultante de l’épisode de covid-19. Il y a bien une tendance, notamment à la concentration dans le marché des biologistes médicaux, qui va conduire assez naturellement à une progression de la marge, qui appelle donc des efforts complémentaires », a-t-il ajouté.

L’étude d’impact, annexée au projet de loi, évoque d’ailleurs le scénario d’une contribution qui se reproduirait sur plusieurs années. Selon le ministre, « les efforts ne sont pas imposés, ils sont négociés ».

« La solution du gouvernement pourrait gêner des petits laboratoires »

Lundi soir, une réunion à l’Assurance maladie a fait l’effet d’une douche froide pour les syndicats de biologistes. Venus discuter d’une ponction limitée à 250 millions d’euros, comme prévu dans le budget de la Sécurité sociale, mais « sur la seule année 2023 », ils expliquent avoir au contraire reçu « une nouvelle proposition de rabot plus salée encore que celle envisagée initialement » : 280 millions l’an prochain, puis 322 millions par an jusqu’en 2026.

Dans les rangs du Sénat, l’amendement de la commission des affaires sociales a le mérite d’être « beaucoup plus juste ». « Il y a une imposition sur un surplus de gains, mais on peut espérer que le covid-19 ne va pas générer autant de dépenses. La solution du gouvernement pourrait gêner des petits laboratoires, car elle se perpétuerait dans l’avenir », a mis en garde le sénateur Daniel Chasseing (Les Indépendants).

Sénatrice du Doubs, Annick Jacquemet (Union centriste) a déclaré en séance avoir été contactée ces derniers jours par des laboratoires situés en milieu rural. « Ils sont très inquiets par ce qui est prévu par le gouvernement. Ils ont de gros investissements à faire pour rester au niveau et rester compétitifs avec les gros groupes de laboratoires. »

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