Le Sénat vote pour la quatrième année d’internat en médecine générale dans les déserts médicaux

Le Sénat vote pour la quatrième année d’internat en médecine générale dans les déserts médicaux

Disposition forte du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, l’allongement de l’internat de médecine générale à quatre ans, exercée en priorité dans les déserts médicaux, a été adopté au Sénat.
Guillaume Jacquot

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Une étape supplémentaire est franchie en vue de l’allongement d’un an de la formation des internes de médecine générale. Les sénateurs ont adopté, dans la nuit du 9 au 10 novembre, l’article 23 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Ce dernier ajoute une année supplémentaire au diplôme d’études spécialisées de médecine générale. Au cours de cette ultime année, les internes seront en stage de « pratique ambulatoire », c’est-à-dire en médecine non hospitalière, « sous un régime d’autonomie supervisée ». Ces stages devront s’effectuer « en priorité » dans les territoires où l’offre de soins est insuffisante ou difficilement accessible. La réforme heurte de nombreux internes, une intersyndicale accusant notamment l’exécutif « d’instrumentaliser les médecins en formation pour répondre à moindres frais ».

François Braun veut dissiper les craintes d’une obligation d’exercice dans les déserts médicaux

Au texte du gouvernement, adopté sans vote via le 49.3 à l’Assemblée nationale, les sénateurs ont préféré inscrire les modalités de la proposition de loi Retailleau, adoptée au Sénat le 18 octobre dernier. Très proche dans ses modalités, le texte sénatorial se veut « plus abouti » et plus précis. Et selon sa rédaction, il ne s’appliquera pas aux étudiants qui ont débuté leur internat au moment de la publication de la loi.

Rapidement, le ministre de la Santé a tenté de déminer le terrain sur l’une des mesures phares de son projet de loi. « Je veux vous rassurer, il s’agit bien sûr d’une réforme pédagogique, qui est souhaitable, qui était d’ailleurs souhaitée par les étudiants en médecine il y a encore peu de temps, et qui améliorera la réponse aux besoins de santé de demain. » François Braun a également assuré qu’il n’y aurait « pas d’obligation d’exercice dans les territoires sous-denses », autrement dit les déserts médicaux. « Ça n’a jamais été le cas. Il y aura simplement une incitation plus forte pour leur faire découvrir ces territoires, que la plupart ne connaissent pas. »

« Est-ce que c’est réellement une année supplémentaire de formation ? »

L’assurance du ministre d’un « nombre conséquent » de maîtres de stage – 14 000 l’an prochain – et le besoin de faire découvrir la pratique ambulatoire à des internes placés dans les hôpitaux, n’ont pas levé les doutes d’une partie de l’hémicycle. « Est-ce que c’est réellement une année supplémentaire de formation ou une mesure de lutte contre les déserts médicaux qui ne dirait pas son nom ? Car c’est précisément le point de blocage avec les étudiants », a souligné la sénatrice (RDSE) Véronique Guillotin. L’écologiste Raymonde Poncet-Monge a dénoncé un « dévoiement de la formation des futurs médecins ».

Le groupe socialiste, républicain et écologiste aurait aimé, quant à lui, que cette année de stage soit plutôt reconnue comme une année de professionnalisation. L’un des orateurs du groupe, Bernard Jomier, a en outre souligné que le texte laissait « persister des ambiguïtés ». « Ce n’est pas faire insulte au gouvernement de dire que cet article n’est pas stabilisé et qu’il a été introduit dans la précipitation de l’histoire des délibérations, et de la proposition de loi Retailleau, bien évidemment. »

Autre médecin très présent dans les débats, Daniel Chasseing a expliqué que le principal problème de la colère des internes contre le déploiement dans des déserts médicaux résidait dans la rémunération proposée, environ 2 000 euros, alors qu’ils détiendront une thèse. « Pourtant, ce sont des gens qui sont médecins, qui sont diplômés […] Ce ne sont plus des étudiants, ils doivent être payés comme des remplaçants. » À raison de dix consultations minimum par jour et de 20 jours de travail par mois, le sénateur de Corrèze a fait les comptes : ils devraient toucher plutôt 5 000 euros. Le ministre de la Santé a reconnu que ce sujet était « délicat », une hausse de la rémunération des docteurs juniors risquerait de se répercuter à plusieurs niveaux, sur d’autres profils. À 5 000 euros, ils pourraient gagner plus que des praticiens hospitaliers, selon lui.

L’amendement du gouvernement, pour permettre le stage en milieu hospitalier, n’a pas été intégré

Pour désamorcer la crise avec les internes, le gouvernement était d’ailleurs prêt à faire évoluer le projet de loi. Il avait déposé un amendement précisant que le stage pouvait également être réalisé en « milieu hospitalier », à titre dérogatoire. L’amendement est cependant tombé automatiquement, après l’adoption de l’amendement de la commission des affaires sociales qui contenait une rédaction globale. L’exécutif pourra le soumettre à nouveau en nouvelle lecture, en cas d’échec (probable) de la commission mixte paritaire entre les deux chambres du Parlement.

Cette tentative de modification avait, en tout cas, reçu un avis défavorable de la part de la commission des affaires sociales du Sénat. La présidente Catherine Deroche (LR) a cependant expliqué qu’un exercice mixte pouvait être préconisé, avec un groupe de quatre médecins, chargé par le ministère de se pencher sur l’organisation de cette quatrième année. « Ce qu’il faut, c’est que ces étudiants qui sont en quatrième année soient sur le terrain, encadrés par un maître de stage, qu’ils découvrent ce qui est différent. Car ils sont essentiellement à l’hôpital, dans des conditions difficiles », a expliqué la sénatrice. « S’il y a ce mal-être des étudiants, il est plus lié aux conditions des études hospitalières qu’à un exercice qui pourra se faire en ambulatoire, où là rapidement je pense qu’ils trouveraient leurs marques. Et ils verront que dans ces territoires, qui ne sont pas des territoires épouvantables, ils pourront avoir un épanouissement de cette belle profession de médecin généraliste. »

Plus tôt, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias était intervenu contre cet amendement gouvernemental. « Ce que vous êtes en train de créer, c’est une nouvelle catégorie de supplétifs de l’hôpital, qui est en banqueroute. »

Au cours des échanges, la commission des affaires sociales, comme le gouvernement, ont affirmé qu’ils avaient « concerté », en amont de leurs textes. François Braun a affirmé qu’il a débuté ses rencontres avec les syndicats étudiants en décembre 2021, au moment où il épaulait Emmanuel Macron pour la préparation du volet santé du programme présidentiel. « Lorsque j’ai rencontré à cette époque l’ensemble des représentants des internes de médecin générale, ils étaient tous favorables à cette quatrième année de médecine générale. »

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