Les mutuelles vont coûter encore plus cher. +3,4% d’augmentation moyenne des cotisations en 2022, +4,7% en 2023, +8,1% en 2024, +6% en 2025… Après plusieurs années de hausse, les tarifs des complémentaires santé devraient encore grimper en 2026, selon les acteurs du secteur. Répercussions de mesures réglementaires, vieillissement de la population… Les organismes spécialisés évoquent plusieurs paramètres pour justifier cette nouvelle évolution. L’instauration d’une nouvelle taxe d’un milliard d’euros sur les mutuelles, prévue dans le budget de la Sécurité sociale bientôt de retour au Sénat, pourrait également influer à long terme sur le montant des cotisations à régler chaque mois par les assurés.
Transferts de charges vers les complémentaires
Dans le détail, ce nouveau relèvement en 2026 ne dépend pas des mesures actuellement en débat au Parlement. En effet, les prix pour l’année à venir ont déjà été fixés par les mutuelles. Selon les complémentaires santé, cette progression s’explique en partie par le résultat des transferts de charges de la Sécurité sociale vers les assurances santé. « Tout cet aspect réglementaire (…), ça a forcément des répercussions soit immédiates, soit différées, soit lissées sur plusieurs années », explique à Public Sénat Olivier Moustacakis, directeur général du comparateur d’assurances Assurland. « À chaque fois qu’il y a des taxes supplémentaires ou un transfert de charge, quand il y a des remboursements de la Sécu qui basculent du côté complémentaire santé, forcément, ça se retrouve dans les cotisations. »
Dispositif 100% santé, baisse de la prise en charge par la Sécu de certains soins dentaires, révisions des règles de remboursement sur le transport sanitaire… En réaction aux réformes impulsées par l’exécutif ces dernières années, les mutuelles se plaignent régulièrement de l’extension des dépenses de santé à couvrir par leurs soins. D’autres raisons, plus structurelles, les contraindraient aussi à monter leurs tarifs. Le vieillissement de la population en est une, tout comme « les évolutions des technologies médicales », avec des « appareillages qui coûtent de plus en plus cher », énumère Olivier Moustacakis. En prenant en compte ces différents aspects, l’expert table sur une hausse moyenne de « 3 à 4 % » en moyenne des cotisations en 2026. Mais ces tarifs fluctuent beaucoup selon les profils des assurés, leur âge ou leur lieu de résidence.
Réintroduction d’une taxe d’un milliard d’euros par le gouvernement
Face au discours des mutuelles, le gouvernement, lui, estime que le secteur n’en fait pas assez, tandis que le déficit de la Sécu est attendu à plus de 24 milliards d’euros l’an prochain. Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), il a donc réintroduit une taxe sur les mutuelles. Déjà prévue dans d’autres termes par Michel Barnier il y a un an, la mesure, d’une portée d’un milliard d’euros, n’avait finalement jamais été mise en place en raison de la censure de son gouvernement. À l’époque, l’ex-négociateur du Brexit avait entre autres planifié une plus grande participation des assurances santé au remboursement des médicaments et des consultations. C’est ici que se joue le débat : là où les complémentaires assurent n’avoir pas pris en compte dans leurs tarifs pour l’année 2025 ce changement initialement prévu, l’exécutif assure que cela a bien été le cas.
Dès janvier dernier, la ministre Catherine Vautrin, alors en charge du portefeuille du Travail, de la Santé et des Solidarités, avait d’ailleurs prévenu de sa volonté de taxer les mutuelles pour cette raison. « Les mutuelles ont déjà augmenté et l’État leur demande la restitution de cette somme », avait-elle exigé, lors d’un entretien sur BFMTV. « Est-ce qu’on peut laisser les mutuelles augmenter d’une somme qui n’a pas à être compensée, puisque nous ne déremboursons strictement rien ? » Le prélèvement présenté dans le cadre de ce nouveau PLFSS s’inscrit donc dans le sillage de cette logique.
D’abord supprimée du budget de la Sécurité sociale par les députés en première lecture, la mesure a été rétablie par le Sénat mi-novembre. La droite et le centre ont soutenu cette réintroduction. Le choix d’une suppression « revient à protéger les marges des complémentaires plutôt que le pouvoir d’achat des assurés », avait ainsi dénoncé lors des discussions le sénateur RDPI Xavier Iacovelli. La gauche, elle, s’était opposée à cette taxe, craignant un risque d’« augmenter le coût des mutuelles », comme évoqué par la sénatrice socialiste Annie Le Houérou. Une enveloppe de 100 millions d’euros supplémentaires, d’abord imaginée par le gouvernement, n’avait toutefois pas été réinscrite dans le texte. Lors du retour de ce dernier à l’Assemblée, les députés se sont cette fois prononcés en faveur du dispositif, d’une courte majorité (151 voix contre 131).
Potentielles répercussions sur les tarifs en 2027
L’ensemble du PLFSS a été adopté au Palais-Bourbon mardi 9 décembre, à l’issue d’un vote serré. Mais le texte, ainsi que cette mesure, doivent encore être examinés une ultime fois par le Sénat, puis de nouveau par l’Assemblée nationale. Si cette taxe venait à être définitivement approuvée, elle « sera[it] un des éléments pris en compte sur l’évolution des tarifs à la hausse » des cotisations pour les assurés, indique Olivier Moustacakis. En revanche, son incidence sur les tarifs n’interviendrait donc qu’en 2027. « Les tarifs sont déjà adoptés pour 2026, donc il n’y aura pas d’impact immédiat », a développé Eric Chenut, le président de la Mutualité française, auprès de France 2. « Mais comme toute TVA, quand les taux augmentent, il y a une répercussion à terme sur le coût des contrats. »
En plus de la hausse en 2026, une autre augmentation des prix pourrait donc intervenir pour les assurés en 2027. Pour éviter un tel scénario, les députés ont voté une disposition prévoyant une négociation entre les différentes complémentaires santé avant le 31 mars prochain. L’objectif ? Créer les « conditions tendant à ce que le montant de la contribution instituée (…) ne soit pas répercuté sur les cotisations d’assurance maladie complémentaire », à la fois pour les « exercices en cours » mais également pour ceux « à venir ». Difficile pour le moment d’envisager cette issue, tant les différentes mutuelles ont exprimé depuis mardi leur désapprobation d’une nouvelle taxe. Dans un communiqué de presse, la Mutualité française a ainsi évoqué « un triste jour pour notre modèle social et la couverture en santé de la population ».
Autre point qui fait grincer des dents côté complémentaires santé : l’ajout d’un amendement en deuxième lecture du député (PS) Jérôme Guedj, visant à bloquer les prix des mutuelles en 2026. Adoptée, la proposition a été vivement critiquée par la droite. Un point de vue partagé par Olivier Moustacakis. « En l’état, dire que le gouvernement va bloquer les augmentations, c’est sûr que c’est anticonstitutionnel », souligne le spécialiste. « C’est un marché libre, les assureurs font ce qu’ils veulent. » Là encore, la mesure devra néanmoins être confirmée lors des prochaines étapes budgétaires au Parlement.