L’affaire remonte au printemps, lorsque l’UFC-Que Choisir avait saisi le tribunal en référé d’heure à heure, une procédure accélérée permettant d’obtenir rapidement une décision. L’audience, initialement prévue en juillet, avait finalement été reportée. L’association souhaite obtenir des mesures conservatoires : retrait du marché, rappel des produits et interdiction de la mention « eau minérale naturelle » tant que les conditions ne sont pas clarifiées. De son côté, Nestlé Waters, propriétaire de la marque, assure à nos confrères de l’AFP « rester déterminé à contester » l’action en justice, rappelant agir « sous le contrôle des autorités ». La décision du tribunal sera mise en délibéré le 18 novembre.
Des pratiques contestées
Début 2024, des enquêtes de la cellule investigation de Radio France et Le Monde ont révélé que Nestlé Waters avait eu recours, durant plusieurs années, à des traitements interdits, tel que des ultraviolets et du charbon actif, sur ses sites d’embouteillage. L’entreprise justifiait ces procédés par la nécessité de « garantir la sécurité sanitaire » des eaux. Or, la réglementation interdit toute désinfection susceptible de modifier les caractéristiques d’une eau minérale naturelle.
L’UFC-Que Choisir dénonce également un risque sanitaire réel. « Sans mesures correctives, un jour un consommateur pourrait tomber malade », avertit Maitre Macchetto, avocat de l’association à l’AFP. Des analyses avaient déjà relevé, à plusieurs reprises ces dernières années, des contaminations par des bactéries d’origine fécale, dans l’eau Perrier notamment après de fortes pluies. Nestlé reconnaît des cas « ponctuels », tout en affirmant que « ses produits ont toujours pu être consommés en sécurité ».
L’avocat pointe par ailleurs un affaiblissement des moyens de protection. L’entreprise a remplacé ses filtres de 0,2 micromètre par des filtres de 0,45 micromètre, jugés « moins efficaces ». Selon Radio France, Nestlé Waters compte justement s’appuyer sur ce changement pour sa défense. « On vient étendre le champ de votre saisine, ce n’est pas la même technologie », a pointé à l’AFP Maitre Yann Utzschneider, avocat de Nestlé, arguant que les filtres utilisés au moment où l’UFC-Que Choisir a intenté son action en justice ne sont plus utilisés.
Pressions politiques et enquête parlementaire
Le scandale des eaux minérales ne se limite pas au seul volet judiciaire. Le Sénat a publié, le 19 mai dernier, un rapport accablant dénonçant les liens étroits entre l’État et Nestlé Waters, accusé d’avoir utilisé pendant des années des systèmes de filtration frauduleux. La commission d’enquête a formulé 28 recommandations, dont la création d’un « chef de file » interministériel, la mise en place de groupes départementaux de suivi des eaux embouteillées et un meilleur étiquetage des techniques de traitement. Des propositions de loi sont en préparation.
L’UFC-Que Choisir maintient la pression
Au lendemain de la publication du rapport sénatorial, l’UFC-Que Choisir dénonçait qu’« aucune mesure n’a été prise contre le géant Nestlé pour garantir, sans délai, la protection des intérêts des consommateurs ». À cette même occasion, l’association annonçait trois nouvelles actions en justice, dont celle de ce mercredi, afin que la responsabilité de la multinationale soit pleinement reconnue.
En mai dernier déjà, Nestlé avait dû, sur injonction de la préfecture du Gard et en concertation avec la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), lancer une vaste campagne d’information auprès des consommateurs. Plus de 6 000 points de vente ont affiché un message précisant que les bouteilles de Perrier portaient la mention « eau minérale naturelle » alors qu’elles pouvaient ne pas répondre à cette définition.
Aujourd’hui, l’UFC-Que Choisir espère que la justice ordonnera en urgence le retrait temporaire de Perrier du marché et la suspension de son étiquetage trompeur, en attendant la décision des autorités sur la nouvelle demande d’exploitation déposée par Nestlé en juillet dernier.