Pénurie de médicaments : « Nous sommes devenus trop peu chers par rapport à d’autres pays », estime Xavier Bertrand

Auditionné par la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments, l’ancien ministre de la Santé, Xavier Bertrand a axé son raisonnement des prix relativement bas pratiqués en France.
Simon Barbarit

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Après Marisol Touraine ce matin, c’est un autre ancien ministre de la Santé qui était auditionné par la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments. Xavier Bertrand occupait ce poste entre 2005 et 2007 puis entre 2010 et 2012.

En 2011, l’actuel président de la région Hauts-de-France était à l’origine d’un plan d’action destiné à lutter contre les pénuries de médicaments en renforçant les obligations des distributeurs et en contraignant les industriels à mieux anticiper les risques de ce phénomène.

« Progressivement renforcées ces dernières années, les mesures prises, n’ont de toute évidence, pas suffi à endiguer l’aggravation des pénuries », a relevé en préambule, la présidente de la mission d’information, Sonia de la Provoté (centriste) rappelant qu’entre 2500 et 3000 médicaments étaient actuellement concernés par le risque de pénurie.

L’occasion pour l’ancien ministre de dresser un bilan de son action passée et de définir des pistes pour remédier aux problématiques actuelles.

Dans un rapide propos d’introduction, Xavier Bertrand a rappelé l’adoption de la loi médicaments, fin décembre 2011 « qui a permis de changer un certain nombre de choses sur la disponibilité des médicaments », selon lui.

« Il faut accepter sur un certain nombre de produits matures, une nouvelle forme de tarification »

Depuis le début de leurs travaux, en janvier dernier, les membres de la commission d’enquête ont relevé que si les causes des pénuries étaient multifactorielles, la question du prix était centrale. La France est réputée pratiquer des prix relativement bas sur les médicaments, ce qui rendrait le marché hexagonal moins attractif. « Mais on a constaté que les pays où les médicaments sont plus onéreux comme la Suisse, ils souffraient des mêmes pénuries. Donc on voit bien que les choses ne sont pas si simples que ça », a souligné la rapporteure communiste de la commission d’enquête, Laurence Cohen. Toutefois, la sénatrice s’est interrogée sur « la faiblesse » de l’enveloppe de l’Ondam (L’objectif national de dépenses d’assurance maladie) consacrée à l’achat de médicaments. Et pointe « l’équilibre entre les produits matures dont les prix sont bas et les produits innovants dont les prix sont hauts », comme générateur de pénuries.

Pour répondre à cette dernière interrogation, Xavier Bertrand a repris les termes de sa déclaration faite au Sénat en 2011 au moment de l’adoption du projet de loi de financement de la Sécurité sociale « J’ai toujours eu coutume de dire que j’avais demandé beaucoup d’efforts à l’industrie du médicament […] J’avais dit qu’on ne pouvait pas continuer à ce rythme-là et on a continué », regrette-t-il.

Xavier Bertrand embraye alors sur une deuxième question des élus qui porte sur la relocalisation de la production de médicaments sur le continent Européen. « Si on veut qu’il y ait une nouvelle relocalisation, Il faut accepter sur un certain nombre de produits matures, une nouvelle forme de tarification qui profitera à des PME sur le territoire national […] Si c’est une mesure large qui cible aussi les grands labos, ça ne fonctionnera pas, ce n’est pas ce qu’ils ont en tête. Ça doit être très clairement ciblé ».

« La politique du médicament est faite à Bercy avec des raisonnements comptables donc de court terme »

Le CEPS (Comité économique des produits de santé) qui fixe les prix des médicaments est pointé du doigt par le président de région. « Le fond du problème, c’est la dichotomie insupportable entre le ministère de la Santé et Bercy. La politique du médicament est faite à Bercy avec des raisonnements comptables donc de court terme. Donc on n’a pas de logique d’investissements », regrette-t-il avant d’ajouter : « Tant qu’on n’a pas une définition de la stratégie fixée par le ministère de la Santé, le médicament sera encore une fois la variable d’ajustement ».

Le sénateur LR, Alain Milon approuve. « Il faudrait que dans le CEPS, le ministère de la Santé soit dominant. Or, pour l’instant, c’est Bercy qui est dominant dans la composition des fonctionnaires représentants les ministères ».

« Nos médicaments sont 40 % moins chers qu’en Suisse »

Pour Xavier Bertrand, la « question du prix est fondamentale » dans les causes de pénuries de médicaments. « Nos médicaments sont 40 % moins chers qu’en Suisse, 33 % moins chers qu’en Allemagne, 18 % moins chers qu’en Italie. Nous avons des labos qui ne sont pas par nature des philanthropes. Où est-ce qu’ils mettent le médicament en priorité ? Là où c’est le plus rémunérateur pour eux […] Nous sommes devenus trop peu chers par rapport à d’autres pays. Nous sommes allés au-delà de l’os en la matière », estime-t-il.

Plus loin, il insiste. « Les Allemands ont augmenté de 50 % les prix pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et ce ne sont pas simplement les dernières innovations. Ça ne règle pas tout mais ils sont plus attractifs ».

« Ça ne pose aucun problème aux riverains de voir des extensions de sites industriels »

Il préconise de « rétablir une nouvelle politique de prix et de cibler les questions de rémunération des laboratoires en fonction des médicaments qu’on aura estimé comme stratégiques et en fonction de la nature des entreprises qui sont de nature à accueillir ces relocalisations ». Et Xavier Bertrand en est certain. « On est capables de prendre des mesures protectrices de l’environnement », notamment pour les médicaments issus de la chimie. « Je le vois dans la région de Sanofi et aussi avec AstraZeneca dans le dunkerquois, ça ne pose aucun problème aux riverains de voir des extensions de sites industriels », assure-t-il.

Reste la question des stocks. « Une PME ne peut pas financer les stocks. C’est au niveau de la puissance publique européenne que la question doit se poser », estime Xavier Bertrand avant de conclure : « Si on veut de la souveraineté industrielle en matière pharmaceutique, il faut un bonus souveraineté ».

 

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