Paris : Manifestation des Medecins Liberaux
Manifestation des medecins generalistes et internes en medecine generale ce mardi 14 fevrier 2023 a l'appel de tous les syndicats de medecins liberaux afin de protester contre la loi Rist actuellement en discussion au Senat et reclaamer une hausse des tarifs. Paris, FRANCE - 14.02.2023. Photographie de Chang Martin / Sipa. Demonstration of general practitioners and interns in general medicine this Tuesday, February 14, 2023 at the call of all unions of liberal doctors to protest against the Rist law currently under discussion in the Senate and to demand an increase in consultation rates. PARIS, FRANCE - 14.02.2023. Photograph by Chang Martin / Sipa.//CHANGMARTIN_SIPA.39609/Credit:Chang Martin/SIPA/2302151819

Pourquoi la proposition de loi Valletoux sur l’accès aux soins cristallise la colère des médecins ?

Les médecins libéraux sont en grève dans l’attente de nouvelles négociations sur leurs tarifs. Ils se mobilisent aussi pour dénoncer la proposition de loi Valletoux qui entend s’attaquer au problème des déserts médicaux. Ce texte, adopté par l’Assemblée nationale avant la pause estivale, doit être débattu au Sénat à partir du 24 octobre.
Romain David

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Les médecins ne décolèrent pas. Le mouvement de grève reconductible lancé vendredi par l’intersyndicale des libéraux se poursuit ce mardi 17 octobre. Les professionnels réclament la réouverture de nouvelles négociations tarifaires avec l’assurance-maladie. La précédente salve de discussions, en février dernier, a échoué à aboutir, cinq syndicats sur six ayant rejeté la grille tarifaire proposée par la Caisse nationale de l’assurance-maladie (Cnam). La lettre de cadrage des futures négociations a été présentée par le ministère de la Santé en fin de matinée, son contenu pourrait en partie déterminer la poursuite du mouvement.

En partie seulement, car figure aussi dans le viseur des syndicats la proposition de loi du député Horizons Frédéric Valletoux sur l’accès aux soins, qui sera discutée en séance publique au Sénat à partir du 24 octobre. Preuve de l’attention que les parlementaires portent à ce long texte – passé de 11 articles à 41 après adoption par l’Assemblée nationale le 15 juin – le Palais du Luxembourg, qui a beaucoup travaillé sur la question des déserts médicaux ces dernières années, a dégagé dans son calendrier quatre jours de débats pour procéder à son examen.

Rééquilibrer la charge entre public et privé dans la permanence des soins

Soutenu par l’exécutif, ce projet de loi présente une série de dispositifs incitatifs à l’installation de médecins dans les zones sous-dotées, sans toucher directement à la liberté d’installation. Il introduit toutefois plusieurs mesures, dont les contours précis devront encore être fixés par voie réglementaire, sur l’organisation et la permanence des soins dans les territoires, et qui sont perçues par les syndicats comme une menace contre l’exercice libérale de la médecine. Trois points, en particulier, soulèvent les inquiétudes de la profession.

L’article 3 lie par défaut les professionnels de santé à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Créées en 2016, les CPTS ont pour mission de coordonner les soins de proximité sur une même zone géographique. Actuellement, le rattachement d’un médecin à une CPTS se fait sur la base du volontariat. Il existe environ 800 CPTS en France. L’objectif de cette mesure est de pousser les soignants d’un même territoire à mieux travailler entre eux.

L’article 4 est sans doute celui qui cristallise le plus d’inquiétude. Il touche à la permanence des soins, avec la volonté de rééquilibrer le dispositif entre secteur privé et secteur public. Si cette partie du texte est adoptée en l’état, le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) aura la possibilité de contacter certains établissements de santé publics mais aussi privés pour leur demander de participer « dans des conditions déterminées par voie réglementaire », à la permanence des soins. Il s’agit d’alléger la pression sur l’hôpital, souvent la seule structure à accueillir des patients la nuit ou les week-ends dans certains territoires.

Faire baisser les dépenses liées à l’intérim médical

Autre pierre d’achoppement : l’article 7, qui concerne le recours à l’intérim médical. Il interdit aux médecins, professionnels de santé et personnels socio-éducatifs en sortie d’études, de passer des contrats d’intérim avec les établissements de santé et médico-sociaux, mais aussi avec les laboratoires de biologie médicale. Une disposition similaire figurait déjà dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, finalement censurée par le Conseil constitutionnel.  Les Sages avaient estimé que cette interdiction n’avait « pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ». En clair, cette mesure a été considérée comme « un cavalier social », sans objet dans un texte de nature budgétaire. De là sa réinscription dans un projet de loi ordinaire.

Depuis plusieurs années déjà, le gouvernement cherche à limiter le recours croissant aux contrats de courte durée dans les établissements de santé. Un recourt qui sert également de béquille, à grands frais, à la pénurie de soignants. Le coût de l’intérim dans les hôpitaux serait passé de 500 millions d’euros en 2013 à 1,4 milliard en 2018, selon une étude d’impact réalisée par le gouvernement.

Une « attaque du modèle libéral » pour les syndicats

La confédérations des syndicats médicaux français (CSMF), qui fédère une centaine de syndicats de médecins, avait évoqué une « véritable déclaration de guerre » après l’adoption du projet de loi Valletoux par les députés en juin dernier, dénonçant dans un autre communiqué des mesures de nature « coercitives ». « Attaque du modèle libéral » pour Avenir spé, le texte est également décrit par ce syndicat représentant les spécialités médicales et médico-chirurgicales comme un ensemble de « contraintes et obligations qui stigmatise l’ensemble des spécialistes libéraux ».

Au Sénat, c’est la secrétaire de la commission des Affaires sociales, Corinne Imbert (apparentée LR) qui a été désignée comme rapporteure sur cette proposition de loi. La sénatrice, pharmacienne de profession, est habituée aux textes polémiques : c’est également elle qui avait travaillé comme rapporteure sur la proposition de loi pour une « amélioration de l’accès aux soins », dite loi « Rist », à l’origine, là encore, d’une importante levée de bouclier dans la profession.

Partager cet article

Dans la même thématique

Pourquoi la proposition de loi Valletoux sur l’accès aux soins cristallise la colère des médecins ?
6min

Santé

La soutenabilité de l’Assurance maladie en péril : « Nous avons besoin, dans notre pays, que les gens soient moins malades »

Arrêts maladie, remboursement des cures, développement de la prévention… Les dirigeants de la Caisse nationale de l’Assurance maladie ont présenté aux sénateurs, ce mardi 8 juillet, leurs pistes d’économies sur le prochain budget de la Sécu. Face à un déficit estimé à 16 milliards, et avec une population vieillissante, ils alertent sur la nécessité de repenser certaines dépenses pour préserver le système de couverture santé.

Le

Issy les Moulineaux : Nestle new French head office
3min

Santé

Scandale des eaux en bouteille : Nestlé annonce retirer ses filtres illégaux

En conformité avec une injonction préfectorale, l’entreprise Nestlé Waters a retiré son système de microfiltration de ses eaux, qualifié d’illégal par la commission d’enquête du Sénat. Si le rapporteur Alexandre Ouizille dit « prendre acte » de cette décision, il appelle toujours l’entreprise à renoncer à l’appellation « eau minérale naturelle ».

Le

Pourquoi la proposition de loi Valletoux sur l’accès aux soins cristallise la colère des médecins ?
6min

Santé

Prix des médicaments et des consultations, arrêts de travail : le gouvernement présente son plan pour éviter un dérapage des dépenses de santé en 2025

La ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, accompagnée de sa collègue des Comptes publics, Amélie de Montchalin, a présenté au Sénat ce 25 juillet ses mesures d’urgence, pour tenir les objectifs de dépenses de santé. La semaine dernière, un comité de l’Assurance maladie avait formellement lancé l’alerte.

Le