Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
110 km/h sur l’autoroute : Élisabeth Borne dit non, les écolos déposent un amendement au Sénat
Par Romain David
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L’exécutif ne souhaite pas abaisser la vitesse maximale sur les autoroutes. La Première ministre Élisabeth Borne a estimé lundi soir, sur BFM TV, que ce n’était « pas la bonne voie » que d’« imposer aux Français » une limitation à 110 km/h au lieu de 130 km/h sur les quatre voies. « C’est important d’informer sur les économies qu’on peut faire en roulant moins vite, sur l’intérêt que ça peut présenter pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais on ne peut pas fonctionner à coups d’interdictions », a estimé la cheffe du gouvernement, tout en rappelant qu’une telle baisse permettait de « réduire de 20 % sa consommation ». D’autant que la ristourne de l’Etat sur le litre de carburant à la pompe – dont le prix continue d’avoisiner le seuil symbolique des 2 euros - doit passer mercredi de 30 à 10 centimes. Pour justifier sa position, Élisabeth Borne a notamment invoqué « les gens qui ont besoin de se déplacer sur autoroute et qui peuvent avoir des contraintes de temps ».
Depuis deux ans, un serpent de mer
L’idée d’une baisse de la vitesse maximale autorisée sur autoroute est née en 2020, durant les travaux de la convention citoyenne sur le Climat. Elle figure d’ailleurs en bonne place parmi les 149 propositions formulées par cette assemblée de 150 citoyens, invités par Emmanuel Macron à plancher sur la transition écologique et son financement. Toutefois, moins de deux ans après le déclenchement du mouvement des « Gilets Jaunes » - dont la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires est souvent présentée comme l’un des détonateurs -, cette mesure apparaît comme particulièrement sensible. « Elle est relativement complexe à mettre en place du point de vue de l’acceptabilité car elle peut être vécue comme une limitation de liberté et une perte de temps (qui peut être assimilée à un surcoût pour les ménages et les professionnels) », reconnaît la Convention citoyenne dans son rapport final, tout en insistant sur la nécessité d’en promouvoir les avantages. « Pour rendre acceptable une telle mesure, il convient donc de communiquer et de faire de la pédagogie sur la baisse de CO2, les économies de carburant (pour les ménages et les entreprises), le faible temps perdu (compensé par une fluidification et une vitesse moyenne maintenue voire accrue sur un parcours) et le gain en termes de limitation de l’accidentologie. »
Un plaidoyer qui n’a pas suffi à convaincre le chef de l’Etat, Emmanuel Macron n’ayant pas retenu cette proposition parmi celles sélectionnées pour être transposées dans la loi. Il le justifie alors par un risque pour « les communes, les régions les plus enclavées ». À l’époque pourtant, sa ministre de la Transition écologique, une certaine Élisabeth Borne, se disait favorable « à titre personnel » au dispositif. Récemment, c’est la crise de l’énergie et l’envolée des prix à la pompe qui a ramené cette idée sur le devant de la scène. Dans une tribune publiée fin octobre par Le Journal du Dimanche, dix personnalités dont le photographe Yann-Arthus Bertrand, le documentariste Cyril Dion ou encore l’économiste Jean-Marc Jancovici, plaident pour un comportement éco-responsable et appellent à rouler à 110 km/h sur autoroute, plutôt qu’à 130. « Cette initiative n’est pas une pétition, elle repose sur le volontariat et nous ne demandons pas à l’État de légiférer », précise les signataires. Par ailleurs, une mesure similaire issue du plan de sobriété présenté début octobre, mais plutôt passée inaperçue, vient d’entrer en vigueur : les agents du service public sont désormais tenus de limiter leur vitesse à… 110 km/h sur l’autoroute lorsqu’ils utilisent leur véhicule de service pour des trajets professionnels « non urgents ». Ce lundi, Élisabeth Borne a donc évacué toute hypothèse d’élargissement à l’ensemble des usagers.
« La notion d’acceptabilité est totalement différente aujourd’hui de ce qu’elle a pu être sur les 80 km/h »
« Il y a une rupture entre le discours et les actes. Il est vraiment dommage de faire un pas en avant puis deux en arrière, surtout face à l’urgence écologique », regrette auprès de Public Sénat le sénateur socialiste Jean-Luc Fichet, qui a travaillé sur les questions de sécurité routière et rappelle qu’Élisabeth Borne, lors de son discours de politique générale, en juillet dernier, avait revendiqué sa « radicalité écologique ». « C’est là où l’on se rend compte que le président de la République continue d’imposer sa lecture », ajoute-t-il, estimant que la marque laissée par la grogne sur les 80 km/h pousse certainement Emmanuel Macron à redoubler de prudence sur ce sujet. « La notion d’acceptabilité est totalement différente aujourd’hui de ce qu’elle a pu être sur les 80 km/h. Cette mesure, vendue comme un dispositif de sécurité routière, est arrivée sur la table sans aucune concertation ni préparation. Par ailleurs, elle concernait surtout les zones rurales. Aujourd’hui, le débat est tout autre », observe Jean-Luc Fichet. « Les 110 km/h s’imposent, ce qui les conditionne, c’est le fait que l’on doive impérativement entrer dans un régime d’économie d’énergie. »
Un amendement des écologistes
Également persuadé que la conjoncture ouvre une fenêtre de tir sur ce sujet, le sénateur EELV Daniel Breuiller a déposé un amendement en ce sens au projet de loi de finances rectificative 2022, dont l’examen en séance public démarre mercredi. « J’ai bien conscience que c’est une mesure qui peut encore diviser, mais face à la situation de crise que nous vivons, le nombre de soutiens ne peut qu’augmenter », défend-il. Dans un sondage réalisé par Elabe pour Veolia, et publié par Le Parisien le 6 novembre, près de 7 Français sur 10 se disent prêts à rouler à 110 km/h sur l’autoroute. « C’est une mesure de sobriété, qui aura aussi un impact sur le portefeuille des Français », plaide Daniel Breuiller. « Cet amendement a aussi une valeur pédagogique, car il faudra bien que l’on s’habitue aux mécanismes de sobriété dont nous avons ardemment besoin. Par ailleurs, c’est une bonne chose si l’on veut pousser les fabricants automobiles à construire des véhicules moins gros et moins lourds, donc moins polluants », explique-t-il.
Pour l’heure, la recevabilité financière du dispositif doit encore être examinée. Il a été budgétisé à 20 millions d’euros, pour adapter la signalétique routière et lancer une campagne de communication. Dans la mesure où le Parlement ne peut engager de dépenses supplémentaires, l’amendement propose de prélever cette somme sur le programme 113 du budget, consacré à… la protection des paysages, du littoral et de la biodiversité. Une bascule qui peut surprendre, mais dont la raison d’être est d’abord technique. « Naturellement il n’est pas dans notre intention de pénaliser ce programme et il appartiendra donc au Gouvernement de lever le gage », stipule l’objet de l’amendement. Mais les déclarations faites par Élisabeth Borne laissent difficilement imaginer le déblocage d’une rallonge supplémentaire… « L’Etat est impécunieux, et pourtant il a accepté de prolonger le bouclier tarifaire pour tout le monde, aussi bien les Français qui ont besoin de leur véhicule pour aller travailler, que ceux qui utilisent leur SUV pour partir en vacances… », soupire Daniel Breuiller.
« L’évolution des mentalités ne doit pas nécessairement s’accompagner de nouvelles contraintes »
Dans les rangs de la droite sénatoriale, ou l’abaissement de la vitesse à 80 km/h avait déclenché une importante levée de boucliers en 2018, les chances pour cette mesure de trouver quelques soutiens sont quasi nulles. « On ne va pas commencer à légiférer sur tout et n’importe quoi. Je me range dans le camp de ceux qui font appel à la raison des Français », commente le LR Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. « L’évolution des mentalités ne doit pas nécessairement s’accompagner de nouvelles contraintes. Il faut aussi faire confiance aux gens, nous n’avons pas besoin de les infantiliser en versant dans une addition d’interdits. Le risque, c’est de braquer. Il vaut mieux passer cinq ou six ans à accompagner l’évolution des pratiques plutôt que de se planter, comme on l’a fait avec les Gilets Jaunes », explique-t-il. Et de conclure en fustigeant « des mesures accessoires » qui, selon lui, « passent à côté de l’essentiel ».