Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
À l’Ehpad de Brionne, on ne lâche rien !
Par Pierre-Henri Gergonne
Publié le
Aujourd'hui, au moment où vous lisez ces lignes, aucun des 115 résidents de l'Ehpad de Brionne n'est affecté par le virus tueur. Aucun des personnels soignants non plus. Des tests de dépistage ont été réalisés, tous négatifs.
Comme une pâle lumière dans le sombre paysage qui est aujourd'hui celui de nombreux établissements pour personnes âgées dépendantes dans d'autres régions françaises.
Ailleurs parfois des morts par dizaines et des drames qui ne se comptent plus. Il est vrai que l'Eure fait encore parti de ces territoires épargnés par la vague virale. A l'Ehpad de Pont-Audemer, à Beuzeville aussi, deux communes peu éloignées de Brionne, le calme règne encore sur le front sanitaire. Un calme précaire et sournois qu'il faut à tout prix maintenir.
À Brionne, les décisions ont été rapides précédant même les instructions nationales. Dès le 6 mars soit 10 jours avant l'intervention d'Emmanuel Macron imposant le confinement, les premières instructions étaient données. « Les gestes barrières sont devenus la norme, explique Catherine Sauveplane, la directrice de l'Ehpad. Le lavage de main également comme la distanciation sociale ». Dans la foulée, les visites des familles ont été fortement réglementées et interdites pour les accompagnants mineurs. Les cellules de crises sont régulières. Le 10 mars, l'établissement fermait définitivement ses portes et l'ensemble des interventions extérieures, comme des cycles de formations, annulées. L'Ehpad de Brionne, comme beaucoup d'autres, se coupait du monde.
Et c'est un nouveau monde que les personnels soignants découvrent alors dans les « trois étages » de la résidence. Un espace presque à réinventer et des relations humaines à redessiner.
Maguy Labailly est cadre de santé. Sa priorité : maintenir à tout prix les liens avec les familles désormais interdites d'accès. « Des mails explicatifs et des courriers et ont été systématiquement adressés aux familles. Elles peuvent téléphoner, envoyer des photos. Nous leur passons les résidents et croyez-moi ça fait du bien aux deux. C'est une nouvelle vie de famille que l'on est en train de mettre en œuvre. Les familles comprennent la situation et nous remercient ».
En cas de décès imminent, et pour conserver autant que faire se peut le lien familial, « une ou deux personnes peuvent être exceptionnellement » admises dans l'enceinte de la résidence.
Des nouvelles règles de vie qui imposent de ne plus compter ses heures de travail. Ainsi Julie Decultot, la psychologue de l'Ehpad, passe aujourd'hui 80 % de son temps à parcourir ces fameux « trois étages ». « Le temps d'accompagnement est plus important, dit-elle, il y a des baisses de moral avec le temps. Il faut s'adapter à toutes les situations ». « Le téléphone est devenu un instrument essentiel, poursuit Clarisse Barbier, infirmière. Les demandes de nouvelles sont nombreuses et notre objectif, au-delà des soins, est d'apporter le plus de sérénité possible ». Et les liens avec les résidents parfois se transforment.
De nouvelles valeurs émergent. En sa qualité d'aide-soignante, Nadine Huray en est bien consciente. « Je me sens aujourd'hui plus utile souligne-t-elle. Je suis plus en tête-à-tête avec les résidents et plus longtemps. La relation de confiance avec eux s'est amplifiée et solidifiée ».
Mais de-là de cette solidarité et de dévouement sans limites qui imprègne aujourd'hui l'Ehpad de Brionne, les craintes lancinantes de manque de moyens perdurent. Les masques évidemment mais aussi les blouses et les charlottes plus que jamais indispensables pour un bon usage du confinement. « On n’en manque pas, nous dit Jill Henry, aide-soignante ». « Pour l'instant ça tient, tempère Catherine Sauveplane. On a eu peur mais aujourd'hui avec plus de 500 masques pour l'établissement on s'en sort. Reste que les délais sont longs et nous rencontrons parfois des problèmes avec nos fournisseurs. La mairie a été très mobilisée et présente et des élans de solidarités se sont manifestés. Beaucoup nous ont donné des tabliers et des gants. À défaut, on réalise des tabliers avec des sacs-poubelles… ».
Humanité, pragmatisme et système D, à l'Ehpad de Brionne dans l'Eure, la lutte contre le virus est une lutte sans frontière.
Quand Skype brise le confinement
Adelaïde Vannier est aide-soignante à l'Ehpad de Brionne. Et le confinement a révélé pour elle comme pour les résidents l'importance des nouveaux moyens numériques de communication.
« En cette période particulière, il faut être plus proche et plus à l'écoute des résidents et des familles. Alors internet est un plus. Pour la première fois j'ai réalisé des appels visio, via Skype, entre des résidents et leurs familles. Il a fallu bien expliquer les choses à nos anciens, ce qui n'est pas toujours facile mais une fois la liaison effectuée c'est un sourire qui anime le visage de nos résidents. Les enfants, les petits enfants peuvent ainsi grâce à l'image rentrer dans nos murs et converser avec leurs parents et grands-parents. Ils sont contents, heureux. Et ces nouveaux outils sont un moyen formidable pour entretenir le lien avec les familles. En définitive la satisfaction de tous est au rendez-vous »
Une expérience qui sans aucun doute perdurera bien au-delà du confinement actuel et qui amorce une ère de nouvelles pratiques dans ces établissements.
Quand confinement et libertés individuelles ne font pas bon ménage
La directrice de l'Ehpad de Brionne s'interroge sur les mesures de confinement individuel en chambre des résidents.
« Un Ehpad est d'abord un lieu qui se veut un lieu de vie. Ce n'est pas un mouroir.
Dans ce lieu de vie, il y a nécessairement des échanges. Et c'est échanges il faut aussi les respecter. Alors on les respecte. La liberté d'aller et venir au sein des établissements est une liberté qu'il faut savoir garantir même dans le cas de confirment. C'est la raison pour laquelle les instructions de confinement individuels les chambres posent pour moi un problème éthique ». Alors on s'adapte et on fait au mieux. Par exemple, les déjeuners sur la terrasse se font à distance en respectant scrupuleusement les normes de distanciation. « Notre personnel est raisonnable. Je lui fais absolument confiance même s'il n'est pas confiné quotidiennement avec nos résidents ».