Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
A Paris, la capitale transformée par le confinement
Par Public Sénat
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On entend les oiseaux. Ce qui devrait sembler anodin, ne l’est pas. Depuis un mois, Paris est confiné. Ses habitants, calfeutrés chez eux. Quelques voitures certes, parfois un piéton avec un masque qui profite du soleil. Mais beaucoup de rues sont vides. Tout le pays est logé à la même enseigne. Mais à Paris, le confinement pour cause d’épidémie de Covid-19 prend une allure si particulière. La capitale étouffe habituellement entre le trafic, le bruit, la pollution. Maintenant, l’air semble plus pur, la vie apaisée, le temps arrêté. Impression irréelle, alors que dans les hôpitaux, on compte les morts par milliers.
Durant le confinement, le temps s’effrite, devient élastique. Les jours se ressemblent. Comme une succession de dimanches au cœur du mois d’août. On croirait un remake du film Un jour sans fin.
Printemps volé
En ce jeudi, c’est encore une journée plein de soleil. Une provocation caractérisée de la météo, en ces temps de confinement. Pour les Français, c’est un printemps volé. C’est ainsi. Mais pour ceux qui ne font pas partie des 17% de Parisiens qui ont fui la capitale, au début du confinement, pour une maison secondaire ou de famille, c’est un peu la double peine. Pas facile de rester confiné dans un appartement d’une grande ville. Ceux qui ont la chance d’avoir un balcon ou une fenêtre bien exposée en profitent. Ici de longues jambes bronzent, là un homme se tient torse nu à sa fenêtre. Confiné mais bronzé. Des fenêtres, sort une musique. « Liberté » chante une voix déformée par l’autotune.
Les sorties autorisées – course, marche, footing – deviennent des petits moments de plaisir. Jamais on n’aurait cru prendre autant de plaisir à faire ses courses. Les coureurs s’en donnent à cœur joie. Voilà les rues de Paris libres pour eux. Surtout avant 10 heures et après 19 heures, heures autorisées. Comme s’ils courraient un marathon, dont ils seraient les seuls participants. Le confinement doit bien avoir quelques avantages.
Vers le quartier de la gare Saint-Lazare, on ne se bouscule pas. Le parvis de la gare, où les va-et-vient rythment habituellement l’espace, est désespérément vide, ou presque. Des policiers contrôlent l’accès aux quais. Il reste quelques trains de banlieue – environ 20 % – mais la gare semble comme endormie.
« Le confinement pas du tout respecté » dans certains quartiers
Près de la station, Eugène attend devant son bus. Conducteur pour la RATP depuis 22 ans, il est sur la ligne 27, Saint-Lazare-Porte d’Ivry. Le confinement, il le vit « très mal ». Car en se déplaçant, il « s’aperçoit » qu’il est loin d’être partout suivi à la lettre. « Dans le centre, il n’y a pas grand monde. Mais en périphérie, ce n’est pas du tout respecté » dit cet homme de 55 ans. Il raconte qu’un collègue, « sur la ligne 62, a eu 270 personnes en une matinée. En temps normal, c’est 350 personnes. J’ai une photo où le bus est plein ». On fait mieux pour respecter la distanciation sociale et la propagation du virus.
« Pour l’instant, je suis passé au travers des mailles du filet du Covid. Mais l’attraper à cause des gens qui ne respectent pas les règles, ça me ferait mal » grince Eugène, masque sur le visage. Au départ, la RATP ne donnait que du gel et des lingettes. « Depuis une semaine, on a deux masques par jour ». Du mieux. Il pense que la RATP « aurait dû arrêter pendant 15 jours. Là, on les incite à sortir ».
Echo du monde d’avant
Un peu plus loin, ce sont les grands magasins et les grands boulevards. Même sentence. Le Printemps et Les Galeries Lafayette, qui accueillent en temps normal des milliers de personnes, restent portes closes.
Derrière, l’Opéra Garnier se dresse fièrement. Il n’a pas bougé. Ses escaliers sont vides en revanche. Les danseurs qui parfois s’y retrouvent pour danser le tango semblent comme un lointain écho du monde d’avant.
Les perspectives sont dégagées, le Baron Haussmann aurait adoré
Les beaux quartiers sont déserts, ou presque. La Place Vendôme baigne dans le soleil et le silence. La perspective face à l’église de la Madeleine est dégagée. Tout comme celle de la rue de Rivoli. Le Baron Haussmann aurait adoré. Sur les grilles du Jardin des Tuileries, un message du musée du Louvre annonce sa fermeture. Devant l’établissement qui accueille la Joconde, pas un chat. Mona Lisa doit vraiment bien se marrer cette fois. Une ombre bouge au pied de la Pyramide. C’est un gardien. On ne sait pas ce qu’il contrôle mais il est là.
« Avec les beaux jours, ça va être difficile pour tout le monde »
On se retourne. Autour du Carrousel du Louvre, des corbeaux ont envahi les lieux. Ici, quelques âmes s’aventurent aux abords du jardin, encore accessibles, comme Alexis et Laure, 29 ans chacun. Ce jeune couple, qui habite « à 500 mètres », vient ici presque tous les jours. « On fait une balade quotidienne. Les rares fois où on ne sort pas, on le sent sur le moral » dit Laure. « C’est une très bonne chose que le confinement soit prolongé » selon le jeune homme, short et lunettes de soleil sur le nez, même si « avec les beaux jours, ça va être difficile pour tout le monde ». Ils saluent plutôt l’action du gouvernement face au coronavirus, même si « on n’était pas assez préparé ». Elle travaille « dans le luxe », lui « dans le conseil en finances ». Ils sont en télétravail.
Leur situation, qui semble plus privilégiée, rappelle que d’autres n’ont pas la chance de vivre près d’un espace où se balader. Pour beaucoup, le confinement est synonyme de solitude. De nombreuses familles populaires – mais pas seulement – se retrouvent entassées à quatre dans un petit appartement. Et tout le monde n’est pas en télétravail. Beaucoup sont au front : boulangerie, chauffeurs, éboueurs et bien sûr soignants.
Surréaliste
A l’autre bout du jardin, une image familière apparaît. C’est la place de la Concorde. Entre deux feux verts, elle se vide. Surréaliste encore. Tout comme les Champs-Elysées, qui s’ouvrent à la vue jusqu’à l’Arc de Triomphe, au loin. Là encore, très peu de voitures.
De l’autre côté de la Seine, où des canards barbotent sans devoir éviter les bateaux-mouches, l’Assemblée nationale est à l’arrêt, ou presque. Même chose plus loin pour le Sénat.
Paysage de carte postale à Montmartre, quasi vide
Quelques kilomètres plus au nord, toujours le même soleil à Montmartre. Ici, un peu plus de monde. On croise aussi beaucoup plus de forces de l’ordre. Des gendarmes à cheval devant la place du Tertre, vidée de ses dessinateurs, des policiers en voitures, à pied. Et même des militaires, en formation vigipirate, au pied du Sacré-Cœur. Mais très peu de promeneurs. Le quartier est habituellement noir de monde et de touristes. Maintenant, les restaurants sont tous fermés. Pour longtemps encore.
La vue est splendide. Un paysage de carte postale qui donne l’impression que rien n’a changé. Fermée, la pelouse de Montmartre se repose. Visuellement, on voit que la pollution est moins présente. Selon Airparif, le dioxyde d’azote a baissé de 20 à 30% dans l’agglomération depuis le confinement. Mais la pollution aux particules fines est encore là.
« Mamie va lever la patte ! J’en ai marre ! »
On redescend la butte par les marches. Deux femmes, assises dans l'escalier et masques sur le visage, discutent à distance respectable. Elles sont particulièrement remontées. « Mamie va lever la patte ! J’en ai marre. J’attends le 11 mai. Ils ne vont pas me dire que je dois rester confinée avec l’âge ! J’ai connu la guerre » lance Marie, retraitée et « très dynamique ».
Rose, jeune retraitée, n’arrive plus vraiment à accepter le confinement. « Je ne suis pas sûr qu’ils se rendent compte ce qu’ils nous font subir. Je vis seule dans mes quatre murs. Si je ne peux pas sortir, ce n’est pas possible. Autant crever ! » « Moi aussi ! » acquiesce Marie.
« Même mon chien, je lui nettoie ses pattes avec des lingettes »
« Moi, ce sont mes filles qui m’ont dit de rester » explique-t-elle. Marie raconte faire attention. « Même mon chien, je lui nettoie ses pattes avec des lingettes ». La retraitée, qui ne veut pas dire son âge, peste contre ceux qui sortent sans masques. « J’ai crié par ma fenêtre l’autre jour ! » Encore faut-il pouvoir trouver un masque. Les pharmacies n’en vendent toujours pas pour les particuliers. Rose, ancienne conservatrice de musée, garde au travers de la gorge la communication chaotique du gouvernement sur les masques. « Ils ont d’abord dit qu’il ne fallait pas en mettre. Ils se foutent de nous ! C’est n’importe quoi. Ils nous baladent car ils ne savent pas grand chose ». « C’est parce qu’ils n’en n’avaient pas » rebondit Marie. Un homme passe. « Bonjour Alain ! Tu vas bien ? » le salue Marie. « C’est ça, Montmartre, vous savez ».
Les deux femmes ont de l’énergie à revendre. Mais la situation est dure pour elles. « Ils voudraient nous pousser au suicide, ils ne feraient pas mieux » va jusqu’à dire Rose. Elle continue : « Ce n’est pas humain. Je ne parle à personne. On ne peut pas demander aux gens de rester chez eux ». Marie raconte craquer par moment : « Des fois, je pleure. Le confinement, c’est très dur. Je suis veuve. Je suis avec mon petit chien, qui est vieux. Il ne fait que dormir ».
Malgré tout, elles saisissent les petits moments d’humanité, comme les applaudissements pour les soignants, tous les soirs à 20 heures. « C’est le seul moment de convivialité » dit Rose. Marie a eu la joie le week-end dernier de trouver accroché à sa porte « des petits chocolats, pour Pâques. On en a tous eu. On ne sait pas qui est le donateur ». Le confinement isole mais peut, parfois, nous rapprocher aussi, malgré tout.