Affaire Abad : « Des ministres ont démissionné pour moins que ça » accuse Annick Billon

Affaire Abad : « Des ministres ont démissionné pour moins que ça » accuse Annick Billon

Malgré des accusations de viol, Damien Abad, le nouveau ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, entend bien rester au gouvernement. C’est ce qu’il a affirmé lors d’une rapide prise de parole, lundi soir. « Pour toutes les femmes qui sont victimes et qui n’osent pas porter plainte, il serait souhaitable que Damien Abad soit démis de ses fonctions », estime la présidente centriste de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon.
Simon Barbarit

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« Tolérance zéro pour les délinquants sexuels. Le gouvernement est aux côtés de celles qui, suite à une agression ou à du harcèlement, ont l’immense courage de parler ». Olivia Grégoire savait qu’elle ne pouvait y échapper. A l’issue du premier Conseil des ministres du gouvernement Borne, pas moins de cinq questions ont porté sur les accusations de viols portées à l’encontre du nouveau ministre des Solidarités et du Handicap, Damien Abad.

« La justice est la seule à devoir ou à pouvoir trancher », a martelé la porte-parole du gouvernement qui n’a pas évoqué, faute d’instruction judiciaire, l’hypothèse d’un départ de Damien Abad.

Samedi, à peine 24h après la mise en place du nouveau gouvernement, Mediapart publiait une enquête accablante pour l’ancien patron des députés LR. Deux femmes relatent des viols de la part de Damien Abad, en 2010 et en 2011. Pour l’une d’entre elles, la plainte a été classée sans suite en 2012 et en 2017. Des faits que nie farouchement le nouveau ministre, qui met en avant son handicap comme élément à décharge. « L’acte sexuel ne peut survenir qu’avec l’assistance et la bienveillance de ma partenaire », précise-t-il dans un communiqué.

« J’ai été très émue par son communiqué »

Un argument repris par la sénatrice LR, Laure Darcos, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, pour défendre l’ancien membre de sa famille politique. « Je trouve qu’avoir à se justifier sur son handicap, c’est terrible pour lui […], ça m’a profondément choquée […] Je suis plutôt enclin à le croire […] J’ai été très émue par son communiqué », affirme l’élue, interrogée par Public Sénat.

Ce lundi, lors d’une prise de parole rapide, le ministre de la Solidarité persiste dans sa ligne de défense. « Je n’ai jamais violé une seule femme de ma vie. Vous comprendrez qu’aborder ces sujets publiquement est extrêmement douloureux pour moi », a-t-il réaffirmé.

« Impossible » qu’il reste au gouvernement

« Ce que je trouve hallucinant, c’est que le gouvernement n’a toujours pas compris qu’on avait changé d’époque. Il pense que c’est un épisode qui va durer quelque temps et que Damien Abad va pouvoir rester. Mais c’est impossible », estime, quant à elle, la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel.

Mélanie Vogel a été la première à avoir relayé dans l’hémicycle l’appel du collectif « MeToo politique » publié en novembre dernier dans le journal Le Monde. 300 femmes du monde politique et universitaire appelaient les partis à prendre en compte le mouvement MeToo, en faisant « preuve d’exemplarité » dans les désignations et les parrainages politiques. « Aucune ministre, aucun parlementaire de la majorité présidentielle n’a signé la tribune. Le gouvernement n’a pas réagi. Bien sûr, tout le monde comprend ici que vous soyez gênés […] Le silence gouvernemental blesse », avait tancé l’élue. (voir notre article).

« Il y a une forme de je-m’en-foutisme qui pousse les partis politiques à ne pas considérer ces faits comme des faits graves »

Né dans la foulée du « MeToo politique, c’est l’Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique qui a recueilli les témoignages des deux victimes présumées. Il a ensuite signalé les accusations par courrier aux directions des deux partis LR et LREM, ainsi qu’au procureur de la République la semaine dernière.

« Il y a une forme de je-m’en-foutisme qui pousse les partis politiques à ne pas considérer ces faits comme des faits graves. Dans l’affaire Abad, il y a eu des plaintes, classées sans suite, mais il y a eu des plaintes. Malgré ça, il a été considéré que M. Abad pouvait être nommé ministre », dénonce Mathilde Viot, membre de l’Observatoire.

En décembre dernier, quelques jours après les révélations dans la presse de nouvelles accusations de viols et d’agressions sexuelles visant Nicolas Hulot, Alice Coffin, conseillère de Paris, également membre de l’Observatoire, indiquait recevoir des témoignages « tous les jours » sur sa boîte mail. « On en est qu’à un tout petit stade de dévoilement », expliquait-elle lors d’une conférence de presse tenue au café Mona dans le 6e arrondissement de Paris.

Pour Mélanie Vogel, la présomption d’innocence invoquée par l’exécutif pour le maintien en poste de son ministre n’est pas entendable. « La présomption d’innocence est un principe de droit pénal. La question ici c’est : peut-on garder au gouvernement un homme accusé par deux fois de viol et qui a la réputation d’être un dragueur lourd ? Une expression qui ne veut rien dire car quand c’est lourd, ce n’est pas de la drague, c’est du harcèlement ».

« Il serait souhaitable que Damien Abad soit démis de ses fonctions »

Annick Billon, présidente centriste de la délégation aux droits des femmes, ne dit pas autre chose. « Il y a certes la présomption d’innocence, mais pour toutes les femmes qui sont victimes et qui n’osent pas porter plainte, il serait souhaitable que Damien Abad soit démis de ses fonctions. Damien Abad est accusé de viol. Un crime. C’est extrêmement grave. Sans préjuger de ce que va conclure la justice, peut -on garder en responsabilité un ministre avec de telles accusations au-dessus de sa tête ? Je ne le pense pas. Le gouvernement a besoin de se mettre au travail le plus rapidement possible et dans la sérénité. Des ministres ont démissionné pour moins que ça. Il a même été décidé que ceux qui seront battus aux législatives devront quitter le gouvernement », compare-t-elle.

« Est-ce qu’un homme innocent doit démissionner ? Je ne crois pas », a balayé Damien Abad, lundi soir.

En attendant, s’il reste en poste jusqu’à la reprise de la session parlementaire, le gouvernement devra faire face aux interpellations de plusieurs élu(e)s. « On ne va pas les lâcher », promet Mélanie Vogel.

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