Age de consentement sexuel: comment changer la loi ?
Alors que s’ouvre, ce mardi, à Pontoise le procès d’un homme de 28 ans ayant eu des relations sexuelles avec une enfant de 11 ans, la question du consentement des mineurs est au cœur du prochain projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes. Entre le Sénat et le gouvernement, les avis divergent sur l’évolution législative.

Age de consentement sexuel: comment changer la loi ?

Alors que s’ouvre, ce mardi, à Pontoise le procès d’un homme de 28 ans ayant eu des relations sexuelles avec une enfant de 11 ans, la question du consentement des mineurs est au cœur du prochain projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes. Entre le Sénat et le gouvernement, les avis divergent sur l’évolution législative.
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À l’automne dernier, le fait divers a secoué l’opinion. Comment un homme de 28 ans qui a eu des relations sexuelles avec une enfant de 11 ans, peut ne pas être poursuivi pour viol ? En effet, ce mardi, devant le tribunal correctionnel de Pontoise, c’est pour « atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans » passible de 5 ans d’emprisonnement (contre 20 ans pour viol sur mineur) que cet homme est poursuivi. Si les parents de la victime présumée ont porté plainte pour viol, le parquet n’a pas retenu cette qualification estimant qu’il n’y avait eu « ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise ».

« En dessous d’un certain âge on considère qu’il ne peut pas y avoir débat sur le consentement sexuel » estimait Marlène Schiappa en novembre

En novembre 2017, un professeur de mathématique est condamné à 18 mois de prison avec sursis pour atteinte sexuelle sur une de ses élèves âgée de 14 ans.  C’est à ce moment-là que la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, annonce l’un des points forts de son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles qui sera présenté en Conseil des ministres le 7 mars prochain : la création d’un seuil d’âge en dessous duquel un enfant est présumé ne pas avoir consenti à une relation sexuelle avec un majeur.  « Cela veut dire qu’en dessous d’un certain âge on considère qu’il ne peut pas y avoir débat sur le consentement sexuel d’un enfant, et que tout enfant en dessous d’un certain âge serait d’office considéré comme violé ou agressé sexuellement » précise-t-elle sur BFM.

Une définition d’une présomption irréfragable qui n’existe pas dans le droit pénal car anticonstitutionnel. « La présomption irréfragable n’existe pas en droit pénal car elle va à l’encontre de la présomption d’innocence. Si vous le prenez l’exemple d’un garçon de 18 ans qui a eu des relations sexuelles avec une mineure de 14 ans et 9 mois, alors le juge serait obligé de condamner le jeune majeur pour viol » précise Katia Dubreuil, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature.

Fin de la piste de la présomption irréfragable ?

Age de consentement sexuel des mineurs: les précisions de Marlène Schiappa
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Marlène Schiappa a-t-elle fait machine arrière ? Ce mardi, lors des questions d’actualité à l’Assemblée nationale, la ministre  est revenue sur « l’état de sidération » des victimes d’un viol qui contrairement à la « violence, la contrainte, la menace,  ou la surprise » n’est pas pris en compte dans la qualification pénale du viol. « Lorsque cela arrive, nous voulons affirmer qu’il s’agit de viols, de pédocriminalité. Ça doit être en tout cas, la règle de base. Même si bien sûr, des  exceptions à l’appréciation du juge, au cas par cas, doivent pouvoir être étudiées » a-t-elle déclaré en précisant au passage la création d'un seuil de non-consentement calqué sur celui de la majorité sexuelle: 15 ans. Voilà qui va rassurer plusieurs magistrats et avocats qui craignaient la mise en place de « l’automaticité de la peine ». « Le problème, c’est qu’une loi, avec cette présomption irréfragable, telle que l’a affirmé Marlène Schiappa en novembre, ne correspond pas à la réalité.  Le fait que des mineurs de moins de 15 ans puissent être consentants, dans certaines circonstances, à une relation sexuelle. Ça existe » commente Katia Dubreuil.

Le Sénat souhaite la mise en place : « d’une présomption de contrainte »

Un rapport du Sénat sur les infractions sexuelles commises contre les mineurs a pris le contre-pied du gouvernement. Présenté jeudi dernier, la proposition phare des sénateurs vise à instaurer « une présomption de contrainte » et rejette la création d’un seuil d’âge de consentement.  « Nous voulons protéger tous les enfants et pas seulement ceux dont l’âge est fixé en dessous d’un certain seuil. Pourquoi un mineur âgé de 15 ans et 1 mois devrait-il être moins protégé qu’un mineur âgé de 14 ans et 9 mois ? » a justifié le président de la commission des lois, Philippe Bas.  À la place d’un  seuil d’âge de consentement, c’est une présomption de contrainte que préfère voir naître dans le droit pénal, ce groupe de travail rassemblant des parlementaires de tous bords politiques. Ce qui veut dire que ce sera à l’auteur de prouver qu’il n’y a pas eu contrainte quel que soit l’âge du mineur » résume la sénatrice PS Marie-Pierre de la Gontrie. La différence d’âge et la capacité de discernement du mineur seront les deux critères à prendre en compte pour qualifier de viol, la relation sexuelle. « Le discernement, c’est avoir pleinement conscience de ce qu’on fait. Il faut laisser au juge l’appréciation du discernement. C’est pourquoi le discernement ne peut pas avoir d’âge. Vous pouvez,  à 11 ans être conscient et consentant. Et ne pas être conscient des choses à 17 ans » a expliqué Marie Mercier, la rapporteure LR du groupe de travail.

« Le problème avec cette proposition sénatoriale, c’est qu’il faut demander à l’auteur, la preuve qu’il n’y a pas eu contrainte. C'est-à-dire faire la preuve de quelque chose qui n’a pas existé, c’est une preuve négative. C’est absurde » tranche Christian Charrière Bournazel, ancien bâtonnier de Paris. « Ça va devenir insurmontable pour la défense » ajoute l’avocat pénaliste, Jean-Yves le Borgne, qui préfère un seuil d’âge de présomption simple de non-consentement fixé à 15 ans. Ce vers quoi semble se diriger désormais Marlène Schiappa.

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