Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Annulation de la dette : « Ce serait dangereux », selon Jean-François Husson
Par Public Sénat
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La perspective d’une sortie de crise est apparue dans le sillage de l’arrivée d’un vaccin contre la covid-19. Avec elle, la question de la dette contractée par la France auprès de la Banque centrale européenne (BCE) pour soutenir son économie pendant la pandémie.
Peut-on et doit-on annuler les dettes publiques détenues par la Banque centrale européenne (BCE), qui représentent aujourd’hui 2 400 milliards d’euros ? Son poids ne risque-t-il pas d’entraver les investissements et la reprise ? Pour Aurore Lalucq, députée européenne et cosignataire d’une tribune publiée en septembre dans le Journal du Dimanche (« Pourquoi il faut annuler la dette détenue par la Banque centrale européenne »), l’annulation de la dette est une « solution techniquement faisable » et « économiquement indispensable ».
La peur de nouveaux impôts
Pour l’économiste Jézabel Couppey-Soubeyran, autre adepte de cette annulation, si la BCE effaçait d’un trait cette dette, cela « neutraliserait complètement l’augmentation de l’encours de dette provoquée par la dette covid-19 ». Sinon, elle craint « le retour de l’austérité […], ce qui a bridé la politique budgétaire et totalement déséquilibré la politique économique de la zone euro », dit-elle dans une interview accordée à The Conversation le 14 décembre.
A contrario, l’annulation de la dette « couperait court à la crainte que pourraient avoir les contribuables, d’impôts nouveaux ou augmentés ». Au final, avec l’annulation d’une partie de cette dette « l’économie réelle se porterait mieux libérée de ces tensions ».
Les cryptomonnaies en embuscade ?
Pour d’autres, il s’agit d’un « leurre », une façon « de ne pas regarder la réalité en face ». Ils rappellent que la BCE est une affaire qui concerne l’Union européenne et que, la quantité de titres n’étant pas la même d’un pays à l’autre, il faudrait un accord de tous les pays européens, « ce qui est loin d’être gagné ».
L’Allemagne, par exemple, est viscéralement contre une telle idée. Tout comme la BCE. D’aucuns craignent également la perte de confiance envers les banques centrales, ouvrant la voie à des monnaies alternatives (les cryptomonnaies de type bitcoin, ou le diem de facebook…) gérées par les géants du numérique et que les pouvoirs publics ne seraient plus en mesure de réguler.
Alors que la « commission sur l’avenir des finances publiques », mise en place par le gouvernement et présidée par l’ancien ministre Jean Arthuis, rendra un rapport sur la dette d’ici mars, « le Sénat se saisira très certainement de cette question, c’est un vrai débat politique », affirme à Public Sénat Jean-François Husson, sénateur LR et rapporteur de la commission des finances.
Annuler la dette publique détenue par la BCE est-il envisageable ?
Il faut être au rendez-vous de nos engagements. Ne pas rembourser la dette nous mettrait en dehors du contrat qui lie les États européens entre eux. La France se mettrait en difficulté.
Quelles pourraient être les conséquences ?
Si les États veulent retrouver la confiance de leur peuple, il faut qu’ils honorent leurs dettes car, en s’engageant, l’État engage son peuple, qui n’est autre que ses contributeurs. Croire qu’on pourrait balayer d’un revers de la main la dette serait dramatique. Cela reviendrait à dire que « l’argent magique » existe, tout comme la gomme magique… On s’aventurerait sur un terrain dangereux, où la parole donnée n’aurait plus de valeur. Se laisser séduire par la facilité nous conduirait dans l’impasse, voire dans les griffes des populistes.
Beaucoup estiment cette dette irremboursable, un poids pour la relance économique, et un obstacle à la transition écologique…
Le monde d’après n’est pas incompatible avec le remboursement de la dette. Il y aura des efforts à faire, il faudra redéfinir les priorités. Les enjeux environnementaux, pour lesquels je me bats depuis vingt ans, devront en faire partie. Redéfinir nos priorités, c’est aussi revoir notre façon de produire et de consommer.
Le remboursement de cette dette n’est-il pas l’argument tout trouvé pour le retour de l’austérité, les réformes impopulaires, et les coupes dans les dépenses publiques voulues par le président Emmanuel Macron ?
On peut mettre de la rigueur dans la gestion, mais est-ce de l’austérité ? Une cure d’amaigrissement et de jouvence ne fait de mal à personne. Les enjeux écologiques conduisent à repenser notre manière de produire. Ce sont des contraintes, mais pour mieux faire. Être rigoureux ne veut pas dire se priver, mais réorganiser et revoir l’attribution de ses ressources. Il faut redéfinir les besoins d’urgence…
Comment des esprits éclairés et responsables peuvent dire « on contracte une dette, l’État sort de l’argent grâce à la dette et le soutien collectif de l’Europe », puis dire « on ne rembourse pas » ? Il faut oublier ça. Ce n’est pas être responsable. On ne peut pas se mentir, ni mentir aux autres.