Interrogé sur la pénurie de carburants qui complique le quotidien de nombreux Français, Emmanuel Macron a estimé mercredi soir, au cours d’un entretien sur France 2, que la situation allait « revenir à la normale » dans le courant de la semaine. L’arrêté de réquisition de salariés pris par le préfet de Seine-Maritime pour relancer le site Esso-ExxonMobil de Port-Jérôme, paralysé depuis fin septembre par une grève, est entré en vigueur mercredi. Invité ce jeudi de « Bonjour chez vous », la matinale de Public Sénat, le député LFI Éric Coquerel, président de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, doute pour sa part d’une amélioration rapide de la situation. « Si le gouvernement persiste à être du côté des raffineurs plutôt que des salariés qui demandent une juste répartition des bénéfices pharaoniques accumulés par Total and co… ça va être compliqué », a-t-il pointé.
Plusieurs sites des groupes Esso-ExxonMobil et TotalEnergies sont à l’arrêt en raison d’une grève des salariés, qui réclament des augmentations face à l’inflation et aux importants bénéfices encaissés dans la foulée de la crise du covid-19 par les énergéticiens. Malgré la signature par les syndicats majoritaires d’un protocole d’accord chez Esso, la CGT a choisi de poursuivre le mouvement, poussant l’exécutif à décréter un service minimal pour faire redémarrer l’activité. « Un accord majoritaire n’a jamais signifié, si les salariés ne sont pas satisfaits et ne se reconnaissent pas dans cet accord, que vous sifflez la fin de la grève », souligne Éric Coquerel.
Du côté de TotalEnergies, les négociations n’ont pas encore débuté, mais le géant pétrolier s’est engagé à recevoir les différents syndicats. Il a également annoncé, jeudi matin, qu'il comptait distribuer "à l'ensemble de (ses) salariés dans le monde" un bonus équivalent à un mois de salaire.
Un risque de grève générale
« Je pense que les salariés vont gagner », poursuit Éric Coquerel, estimant que les annonces faites par l’exécutif n’ont fait qu’attiser la grogne des grévistes. « Il y a des appels à la grève interprofessionnelle par la CGT. Depuis qu’Élisabeth Borne a annoncé des réquisitions, il y a de plus en plus de raffineries occupées. FO vient de rejoindre la CGT. C’est plutôt en train de s’élargir et de prendre. Et je vois qu’aujourd’hui, malgré tout le battage fait par le gouvernement, plus de la moitié des Français interrogés soutiennent les grévistes », relève notre invité.
Ce jeudi, la CGT a appelé à élargir le mouvement de grève à l’ensemble du secteur de l’énergie. Selon des informations de franceinfo, le syndicat envisagerait de faire de la journée du mardi 18 octobre, initialement dédiée à une manifestation de cheminots, l’occasion d’une mobilisation plus générale.
« Les Français comprennent très bien que, certes, ils subissent cette situation, mais que c’est la faute de ceux qui spéculent sur le carburant et exploitent leurs salariés. Ça fait beaucoup », s’agace Éric Coquerel. Selon un sondage publié par BFM TV mercredi, 42 % des Français approuvent la grève, 40 % y sont hostiles et 18 % indifférents. Par ailleurs, 79 % des sondés jugent que l’exécutif ne gère pas correctement cette crise.
« Finalement, les salariés ne font qu’appliquer ce que Bruno Le Maire et Élisabeth Borne demandent depuis des mois aux grands groupes qui ont fait des bénéfices historiques : augmenter les salaires. Le gouvernement devrait les appuyer », relève encore le député LFI. « Rendez-vous compte que le PDG de Total gagne presque 6 millions d’euros par an et qu’il s’est augmenté de 52 %. Comment, à partir de là, vous pouvez justifier que vous n’augmentez pas vos salariés ? C’est insupportable », dénonce-t-il. « Ce sont les mêmes responsables contre lesquels se mobilisent les salariés des raffineries qui font en sorte que la vie des Français soit plus difficile. L’augmentation du carburant vient à la fois de la spéculation des pays producteurs mais aussi des marges faites par les raffineurs, les distributeurs et autres. »