Melun: Justice Minister Eric Dupond Moretti went to the detention center
Keys. French Justice Minister Eric Dupond Moretti went to the detention center of Melun in order to promote the prisoner-worker contract and to highlight reintegration through professional activity. Le Garde des Sceaux et Ministre de la Justice Eric Dupond Moretti s est rendu au centre de detention de Melun afin de valoriser le contrat detenu - travailleur et mettre en valeur la reinsertion par l activite professionnelle. Melun, FRANCE-01/09/2022//01JACQUESWITT_dupontmoretti058/2209012016/Credit:Jacques Witt/SIPA/2209012023

Attentat à Paris : comment fonctionne la rétention de sureté ?

Mesure exceptionnelle, la rétention de sûreté permet le placement dans un centre spécialisé d’un détenu après la fin d'une peine de réclusion, s’il est avéré qu’il constitue toujours une menace pour la société. Elle ne concerne qu’un nombre restreint de crimes graves, mais avec le retour de la menace terroriste certains responsables politiques réclament un élargissement de son champ d’application.
Romain David

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

L’homme de 26 ans qui a tué un touriste allemand et blessé deux autres personnes samedi soir à proximité de la tour Eiffel, à Paris, était fiché S et avait déjà effectué une peine de quatre ans de prison pour un projet d’attaque à La Défense. Un profil qui relance le débat autour de la récidive des auteurs d’actes terroristes. Comment empêcher les individus qui ont déjà purgé leur peine de repasser à l’acte ? Depuis 2019, au moins 250 personnes condamnées pour des actes en lien avec une entreprise terroriste ont été remises en liberté, selon les chiffres du ministère de la justice. Ce lundi matin, de nombreux responsables politiques, en particulier à droite de l’échiquier politique, appellent à renforcer les dispositifs de surveillance à leur égard. Du côté du RN, Marine Le Pen et Jordan Bardella demandent notamment que la loi sur la rétention de sûreté puisse être élargie aux terroristes. « Une mesure qui peut avoir du sens », a également estimé l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls sur BFM TV.

La loi du 24 février 2008

La rétention de sûreté permet le placement dans un centre médico-judiciaire d’un prévenu dont le niveau de récidive est jugé important après sa sortie de prison. Il s’agit d’un dispositif relativement récent dans notre droit, introduit dans le code de procédure pénale par la loi du 24 février 2008. Ce texte est la transcription législative d’une recommandation formulée quelques années plus tôt, en 2005, par la commission « santé justice » présidée par Jean-François Burgelin, et chargée par le garde des Sceaux de l’époque, Dominique Perben, de plancher sur les modalités de prise en charge et de suivi des personnes condamnées, présentant des troubles mentaux et/ou un fort caractère de dangerosité. Ce document recommandait la création de « centres fermés de protection sociale », à mi-chemin entre la prison et l’hôpital, spécifiques pour ce type de délinquants.

Notons qu’un rapport d’information du Sénat de 2006, rédigé par Philippe Goujon (UMP) et Charles Gautier (PS), avait pris ses distances avec cette mesure, suggérant plutôt la création d’unités dédiées au sein même des hôpitaux. Au début du mandat de Nicolas Sarkozy, le débat est notamment relancé par l’affaire Francis Evrard, un pédophile arrêté en état de récidive seulement six semaines après sa sortie de prison, aboutissant à la loi du 24 février 2008.

Une mesure de rétention renouvelable sans limite

Un détenu éligible à une rétention de sûreté doit avoir été condamné à au moins 15 ans de prison, pour l’un des crimes suivants : viol, meurtre ou assassinat, torture et actes de barbarie, enlèvement ou séquestration. Avant la fin de sa peine, une commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté procède sur six semaines à une expertise médicale et à une évaluation de la dangerosité du détenu. Le placement en centre s’impose comme seule manière de protéger la société d’un nouveau passage à l’acte. Cette décision est prise par la juridiction régionale de la rétention de sûreté. Le condamné a la possibilité de contester cette décision et de faire appel à un avocat. La rétention de sûreté peut être prononcée pour une durée maximale d’un an, renouvelable s’il est avéré que la dangerosité du justiciable perdure. Depuis 2012, les personnes faisant l’objet d’une surveillance judiciaire dans le cadre d’une réduction de peine peuvent également être placées en rétention de sûreté en cas de manquement à leurs obligations administratives.

>> Lire aussi – Fiché « S », FPR, FSPRT… quels sont les différents fichiers de renseignement utilisés pour la lutte antiterroriste ?

Un dispositif controversé

Dans un avis publié en novembre 2015, une semaine avant les attaques terroristes de Paris et de Saint-Denis, Adeline Hazan, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, réclamait la suppression de cette mesure, qu’elle jugeait contraire à certains principes fondamentaux du droit pénal, notamment l’impossibilité d’enfermer contre sa volonté un individu qui a purgé sa peine et qui ne souffre pas de troubles psychiatriques. À l’époque, seulement cinq détenus avaient fait l’objet d’une rétention de sûreté depuis l’entrée en vigueur du dispositif. Pendant sa campagne présidentielle, François Hollande s’était d’ailleurs engagé à la supprimer.

Depuis, la menace terroriste a inversé le débat, qui tourne désormais autour d’un élargissement de cette disposition. Avec une difficulté de taille : dans une décision du 21 février 2008, le Conseil constitutionnel a estimé que la rétention de sûreté « eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu’elle est prononcée après une condamnation par une juridiction », ne pouvait être appliquée à des personnes déjà incarcérée. En clair : une éventuelle application du dispositif aux actes terroristes ne serait être rétroactive et ne permettra pas de priver de liberté les personnes déjà condamnées une fois leur peine purgée.

Partager cet article

Dans la même thématique

Mouvement ‘bloquons le pays le 10 septembre 2025’
5min

Société

« Bloquons tout » le 10 septembre : qui la soutient, qui s’en tient à distance ?

Prévue comme un temps fort de la rentrée politique et sociale, la journée d’action du 10 septembre, baptisée “Bloquons tout”, divise syndicats et partis. L’appel, né d’une réaction aux mesures budgétaires annoncées par le Premier ministre François Bayrou, peine encore à rassembler. La gauche politique s’aligne progressivement, mais plusieurs organisations syndicales restent prudentes.

Le

Pause dejeuner, Paris la Defense.
4min

Société

Suppression de jours fériés : « Même un seul jour, ça ne passera pas », selon le sondeur Gaël Sliman

Pour économiser près de 44 milliards d’euros, François Bayrou a annoncé une série de propositions pour le budget 2026. Parmi ces mesures, il propose notamment la suppression de deux jours fériés, et s’oriente vers le lundi de Pâques et le 8 mai. Objectif : 4,2 milliards d’économies. Mais les Français refusent à 84% cette mesure selon un sondage Odoxa (pour le Parisien) . Entretien avec Gaël Sliman, Président d’Odoxa

Le

Attentat à Paris : comment fonctionne la rétention de sureté ?
4min

Société

Interdire la corrida aux mineurs : le combat de Samantha Cazebonne

Considérée comme un « art » par les afficionados, la corrida reste un « acte de cruauté », selon Samantha Cazebonne. La sénatrice Renaissance représentant les Français établis hors de France a rédigé une proposition de loi pour interdire la corrida aux mineurs de moins de 16 ans. Si sa proposition de loi a été rejetée en novembre 2024, la sénatrice poursuit son combat pour protéger les enfants de ce qu’elle considère comme un « acte de barbarie » envers les taureaux.

Le

Attentat à Paris : comment fonctionne la rétention de sureté ?
3min

Société

Intelligence artificielle : l’audition de Luc Julia, le créateur de Siri, qui a enflammé les réseaux sociaux

Le 18 juin dernier, devant les sénateurs de la commission des affaires économiques, l’informaticien et concepteur de l’assistant vocal Siri, Luc Julia a démystifié les idées reçues sur l’intelligence artificielle soulignant le manque de fiabilité et la nécessité de vérification. Retour sur une audition dont la portée a dépassé le palais du Luxembourg et conquis des millions d’internautes sur les réseaux sociaux.

Le