Attaque terroriste à Paris pont Bir Hakeim

Attentat à Paris : qu’est-ce que l’injonction de soins ?

Après l’attentat de Paris, le ministre de l’Intérieur estime qu’il y a eu un « ratage » de la part des médecins. Il demande que les pouvoirs publics puissent imposer une « injonction de soins » aux individus radicalisés avec troubles psychiatriques.
Tâm Tran Huy

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Selon les premiers éléments de l’enquête, Armand Rajabpour-Miyandoab était « soumis à une injonction de soins impliquant un suivi psychiatrique resserré et contrôlé par un médecin coordinateur » jusqu’à la fin de la mise à l’épreuve le 26 avril 2023, après une nouvelle expertise psychiatrique. Au mois d’octobre, sa mère avait indiqué à la police qu’elle s’inquiétait pour son fils, voyant qu’il se repliait sur lui-même. Mais les services de police ne pouvaient ni le faire examiner par un médecin, ni l’hospitaliser d’office, en l’absence de troubles, et alors que sa mère ne voulait pas demander son hospitalisation forcée.

Ce matin, Gérald Darmanin a jugé qu’il y avait eu un « ratage » dans le suivi psychiatrique de l’assaillant. Pour le ministre de l’Intérieur, il faut que « le pouvoir public, les préfets, les policiers, puissent demander, exiger une injonction de soins, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. » Comment se déroule une injonction de soins ?

Une mesure judiciaire d’abord destinée aux délinquants sexuels

L’injonction de soins est une mesure judiciaire récente qui a été instaurée par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et la répression des infractions sexuelles. Elle visait donc d’abord les auteurs de violences sexuelles avant d’être étendue par la loi du 10 août 2007 à d’autres profils. Avec cette loi, elle s’applique dès lors qu’un suivi socio-judiciaire a été prononcé et qu’une expertise médicale a conclu à la possibilité de soins. La loi prévoit aussi de pouvoir prononcer une injonction de soins hors du cadre du suivi socio-judiciaire, dans le cas d’une surveillance judiciaire ou une liberté conditionnelle. Depuis la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, l’injonction de soins s’impose également dans le cadre de la surveillance de sûreté ou de la rétention de sûreté. L’injonction de soins se distingue de l’obligation de soins, qui est mise en œuvre sans procédure particulière et sans expertise médicale préalable et de l’injonction thérapeutique, qui est une mesure qui concerne spécifiquement les délits liés à une consommation habituelle et excessive d’alcool, ou encore l’usage de drogues.

Quel est le suivi prévu par l’injonction de soins ?

La personne doit alors se soumettre à un suivi thérapeutique (souvent psychiatrique, mais aussi parfois addictologique…) et au respect de certains obligations. Lorsqu’une injonction de soins a été prononcée, aucun traitement ne peut être entrepris sans le consentement du condamné, mais un refus de soins de sa part peut entraîner l’exécution d’une peine d’emprisonnement prévue en cas de non-respect du suivi socio-judiciaire. Si la personne a été condamnée à une peine privative de liberté sans sursis, le traitement peut commencer pendant l’exécution de la peine.

L’injonction de soins suppose une articulation entre les acteurs de la justice et ceux du soin, avec l’intermédiaire d’un médecin coordonnateur qui est chargé d’orienter la personne dans son suivi et qui le rencontre au minimum une fois par trimestre, pour réaliser un bilan de sa situation, afin d’être en mesure de transmettre au juge de l’application des peines les éléments nécessaires au contrôle de l’injonction de soins. A cela s’ajoute le médecin ou le psychologue traitant qui est chargé d’administrer le traitement décidé après l’expertise médicale.

Dans le cas de l’attentat de Paris, l’injonction de soins d’Armand Rajabpour-Miyandoab s’était terminée au mois d’avril 2023, à la fin de son sursis avec mise à l’épreuve et après que le médecin coordonnateur n’avait pas identifié de dangerosité d’ordre psychiatrique. Au mois d’octobre, il n’encourait donc plus aucune peine s’il refusait de se soumettre à un nouveau suivi thérapeutique.

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