« Le parfum est un booster d’estime personnelle. Je pense que les gens se l’approprient et l’intériorisent » soutient Thierry Wasser, avant de livrer le rapport qu’il entretient avec le parfum qu’il porte. « Je porte le même depuis 50 ans. Cette odeur qui me porte fait partie de mon individualité et m’a fabriquée pendant toutes ces années ».
Un geste quotidien et intime pour beaucoup dont on connaît mal les coulisses de création, « on ne le connaît que partiellement ce métier, celui de faire des parfums ». A ceux qui imaginent les créateurs dotés d’un odorat surdéveloppé, le maître parfumeur pondère : « Je ne suis pas certain que j’étais un chien truffier enfant. Tout le monde peut sentir, mais tout le monde n’est pas curieux de ce sens. Ça se travaille ».
« Chaque création n’est qu’une succession d’allers et retours »
Pour décrire le processus de création d’une nouvelle senteur, Thierry Wasser use d’une analogie. « La seule différence entre une parfumerie et une langue, c’est que s’il y a des mots il n’y a pas de grammaire » explique-t-il. Le parfumeur doit traduire l’odeur qu’il imagine par des formules écrites qu’il transmet aux chimistes. Une tâche difficile, qui « peut prendre des années. Chaque création n’est qu’une succession d’allers et retours entre votre écriture de la formule et le laboratoire qui réalise physiquement cette formule. Lorsque vous sentez votre idée, parfois il y a des surprises. Ce sont des allers et retours incessants » raconte-t-il.
« J’ai commencé avec Arpic fraîcheur verte. Ce qui est techniquement difficile. Lorsque vous êtes parfumeur, il n’y a pas d’endroit où vous ne pouvez pas exprimer votre talent », Thierry Wasser
Si aujourd’hui Thierry Wasser travaille pour une des plus grandes marques de luxe en France, il a débuté au bas de l’échelle. Après ses études à l’école de parfumerie Givaudan, celui qu’on surnomme le nez de Guerlain a d’abord travaillé pour des détergents. Un parcours qu’il assume avec fierté : « j’ai commencé avec Arpic fraîcheur verte. Ce qui est techniquement difficile. Lorsque vous êtes parfumeur, il n’y a pas d’endroit où vous ne pouvez pas exprimer votre talent » assure-t-il.
« Chaque période est représentée par une image de parfumerie »
Celui qui a aujourd’hui la charge de créer les parfums de demain, le fait toujours en tenant compte de l’époque « Nous, les parfumeurs, nous ne sommes que des traducteurs d’une période […] juste après les années peace and love, post soixante-huitard, on avait des parfums très chargés en patchouli avec ces notes qui vous invitaient en Orient. Ensuite vous aviez des notes extrêmement puissantes et florales comme les poisons ou les Georgio de Beverly Hills. Ensuite il y a eu des parfums beaucoup plus propres, suite à la malheureuse épidémie de Sida. Le sexe était devenu mortel. Chaque période est représentée par une imagerie de parfumerie ». Désormais la tendance serait plus proche de la nature.
Interrogé sur la question du genre dans le parfum, Thierry Wasser conteste les répartitions tenaces dans le secteur. « Au nom de quel concept les roses c’est pour les filles et le bois de cèdre pour les garçons ? » questionne Thierry Wasser. Si les fabricants suivent des conventions, il note qu’« un des grands parfumeurs de l’époque, Jean Claude Elena, est un grand défenseur du non-genre ».