Le tribunal administratif de Toulouse a décidé l’annulation de l’autorisation environnementale de l’autoroute A69. Le chantier va s’arrêter tout de suite.
Le tribunal administratif de Toulouse a décidé l'annulation de l'autorisation environnementale de l'autoroute A69. Le chantier va s'arrêter tout de suite.

Autoroute A69 : recours, arrêt du chantier… Que va-t-il se passer après l’annulation du projet ?

Le tribunal administratif a annulé l’arrêté préfectoral qui autorisait le chantier de l’autoroute A69, entre Toulouse et Castres. « Un coup de tonnerre », estime Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement. Que signifie ce jugement ? Le chantier doit-il s’arrêter ? Des recours sont-ils possibles ? Décryptage.
Rose-Amélie Bécel

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Coup de frein pour l’A69. Le chantier de l’autoroute, qui devait relier Toulouse et Castres, est mis à l’arrêt par une décision du tribunal administratif de Toulouse. « Le projet autoroutier est annulé », explique le jugement rendu ce 27 février.

« C’est un coup de tonnerre », observe l’avocat spécialiste en droit de l’environnement Arnaud Gossement. Et pour cause, le chantier a débuté en mars 2023 et est aujourd’hui bien entamé : des centaines d’arbres ont déjà été abattus, les travaux de terrassement et la construction de certains ponts sont bien entamés.

Début février, le concessionnaire Atosca indiquait avoir déjà engagé « 65 % du budget total du chantier » et espérait une livraison de l’autoroute « à la fin de l’année 2025 ». « Aujourd’hui, les travaux sont presque terminés et le juge du fond dit : « On s’arrête là » », explique Arnaud Gossement.

Que dit le tribunal administratif ?

Pourquoi un tel retournement de situation ? Ce 27 février, le tribunal administratif de Toulouse s’est prononcé sur un recours, déposé le 19 juin 2023 par une dizaine d’associations de défense de l’environnement, contre l’autorisation environnementale accordée au projet. Si le projet d’autoroute a obtenu cette autorisation, délivrée par les préfectures du Tarn et de la Haute-Garonne, c’est parce qu’il répondait à une « raison impérative d’intérêt public majeur », justifiant des dérogations en matière d’atteinte à l’environnement. En l’occurrence, l’autoroute permettrait de « désenclaver » le territoire autour de Castres, permettant aux automobilistes de rejoindre Toulouse en 20 minutes de moins qu’aujourd’hui.

C’est cette autorisation environnementale que le tribunal administratif vient de déclarer illégale. « Au vu des bénéfices très limités qu’auront ces projets pour le territoire et ses habitants, il n’est pas possible de déroger aux règles de protection de l’environnement et des espèces protégées », explique le jugement. L’argument du désenclavement a ainsi été rejeté par le tribunal, données de l’INSEE à l’appui : « Le territoire ne présente ni un décrochage démographique, en comparaison des autres bassins situés aux alentours de Toulouse, ni un décrochage économique ».

Un autre argument a retenu l’attention des juges : le prix du péage. Lors d’une réunion de pilotage du projet avec les collectivités, le concessionnaire avait annoncé que les automobilistes devraient débourser 6,77 euros pour la totalité du trajet. Ramené au prix par kilomètre (environ 12 centimes), l’A69 serait alors l’une des autoroutes les plus chères de France. « Le coût élevé du péage du projet A69 est de nature à en minorer significativement l’intérêt pour les usagers et les entreprises », a estimé le tribunal.

Quels recours sont possibles ?

Une fois le jugement rendu, le ministre des Transports a immédiatement réagi pour dénoncer une décision « ubuesque ». « Les procédures sont telles qu’aujourd’hui, un projet ayant obtenu toutes les autorisations nécessaires et même démarré les travaux, peut se retrouver remis en question à tout moment. Ce n’est pas acceptable », a dénoncé Philippe Tabarot. « L’État continuera de soutenir ce projet, essentiel au développement de la région et à l’amélioration des conditions de vie de ses habitants », a-t-il assuré, annonçant que le gouvernement proposerait des « mesures de simplification pour éviter que de telles situations ne se reproduisent ».

Le ministère des Transports a d’ores et déjà indiqué que l’Etat allait faire appel. Si la cour administrative d’appel rejette la demande de l’Etat, un ultime recours pourra être déposé devant le Conseil d’Etat. « Il y a encore environ trois ans de procédure devant nous », estime Arnaud Gossement.

En parallèle, la question de la suspension du chantier devrait aussi faire l’objet d’une nouvelle bataille judiciaire. « L’appel en lui-même ne suspend pas le jugement rendu par le tribunal administratif, le chantier doit donc s’arrêter durant toute la procédure, sauf si l’Etat dépose un sursis à l’exécution du jugement », explique Arnaud Gossement. Si un sursis est accordé, alors le chantier pourra reprendre, le temps que l’appel de l’Etat sur le fond du dossier soit examiné. L’Etat a déjà annoncé son souhait de lancer cette procédure, qui sera examinée par la cour administrative d’appel de Toulouse. Dans quel délai ? « On ne le sait pas, la cour peut l’examiner quand elle le souhaite, dans quelques mois comme dans plusieurs années, voire jamais », indique Arnaud Gossement.

Quelles conséquences peut avoir ce jugement ?

Malgré les recours engagés, la décision du tribunal est déjà historique : c’est la première fois qu’un projet routier d’une telle envergure est mis à l’arrêt par une décision de justice. En 2018, un autre projet d’autoroute très controversé entre Lyon et Saint-Etienne avait déjà été enterré, cette fois-ci par une décision politique émanant directement du ministère des Transports. « Si ce jugement n’est pas annulé, il est évident que demain les porteurs de projet pour de grandes infrastructures vont analyser, de manière beaucoup plus fine qu’avant, le Code de l’environnement. Il va être beaucoup plus pris au sérieux », observe Arnaud Gossement.

Une question reste encore en suspens : une fois tous les recours épuisés, si l’arrêt du chantier est maintenu, qu’en sera-t-il des kilomètres de route déjà terrassés et des centaines d’arbres abattus ? « Si l’autorisation environnementale est définitivement annulée, elle est présumée ne jamais avoir existé. L’Etat devra alors élaborer un plan pour restaurer les espaces », indique Arnaud Gossement.

Dans ce cadre, le concessionnaire Atosca devra-t-il mettre la main à la poche ? Absolument pas. « Le responsable dans cette affaire, c’est l’Etat, pas l’entreprise. C’est l’Etat qui a délivré une autorisation environnementale illégale, Atosca n’a fait qu’exécuter un contrat. Très concrètement, l’entreprise peut même prétendre au statut de victime dans cette affaire, parce qu’elle a déjà engagé des frais conséquents », note Arnaud Gossement. Dans un communiqué, le concessionnaire a pour le moment simplement « pris acte de l’impossibilité de poursuivre les travaux et de l’intention de l’Etat d’engager toutes les voies de recours permettant la reprise du projet dans les meilleurs délais ».

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