Le ministre de l’Intérieur réfléchit à « une nouvelle incrimination pénale » visant l’islam politique. « L’islam politique est le principal obstacle à la cohésion de notre pays », soutient la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio. La centriste Nathalie Goulet conseille d’appliquer déjà le droit existant et de contrôler le financement des associations. A gauche, l’écologiste Guy Benarroche pointe l’absence de données chiffrées sur le sujet et la socialiste Corinne Narassiguin dénonce « une vision à géométrie variable de la laïcité ».
Aux Pays-Bas, les steaks poussent en laboratoire
Par Audrey Vuetaz
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Les caméras du monde entier ont fait le déplacement. Nous sommes à Londres, le 5 août 2013. Sur scène le professeur néerlandais Mark Post, de l’université de Maastricht, vient de cuire un steak haché. Il en coupe un morceau et le déguste. Si la scène - on ne peut plus classique- est scrutée par les caméras c’est parce que ce steak a été créé entièrement en laboratoire à partir de cellules prélevées sur une vache. On parle alors d’une nouvelle manière de nourrir les gens.
Dix ans plus tard, cette viande n’est pas encore dans nos assiettes européennes, mais il y a eu des avancées.
A Singapour, la commercialisation de la viande in vitro est autorisée depuis 2020, une première mondiale ; aux Etats-Unis on s’en rapproche et en Europe la recherche a fait un pas de géant.
Pour le constater il faut se rendre aux Pays-Bas, état pionnier en Europe, depuis le fameux steak de 2013, pensé et créé à l’Université de Maastricht. En toute logique, c’est ici, à proximité du campus que Mosa Meat, 165 employés, a installé ses bureaux et sa recherche et développement. Ici, on travaille essentiellement sur la viande de boeuf.
Pour accéder aux laboratoires, il faut montrer patte blanche, aucune caméra, aucune photo n’est autorisée : la concurrence est rude dans le secteur et aucun dossier de commercialisation n’a encore été déposé ; même si le principe de la viande cultivée est connu.
Tout commence par une biopsie sur une bête vivante. On prélève un petit morceau de muscle dont on va extraire des cellules souches, capables de se multiplier et surtout de se changer en n’importe quelle autre cellule.
On les place ensuite, en laboratoire, dans un bioréacteur rempli de vitamines, de sucres et d’acides aminés, un environnement propice à leur multiplication.
Mais ce n’est pas fini, les scientifiques sont désormais capables de les différencier : ils peuvent choisir si ces cellules seront des cellules de graisse ou de muscle.
A la fin, on obtient des morceaux de tissus proches de la viande hachée ou de la texture d’un yaourt.
Leonardo Di Caprio fait partie des investisseurs
Pour l’heure aucun consommateur européen n’a encore goûté cette viande in vitro, ou « de culture », terme préféré par les industriels. Comme pour tous les nouveaux aliments, il faut déposer un dossier auprès de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui statue sous deux ans pour une possible commercialisation. Personne n’a encore franchi ce cap mais les investisseurs y croient. Mosa Meat a déjà levé plus de 85 millions d’euros ; des financements du gouvernement néerlandais, des fonds d’entreprises privées comme Aoste spécialisée dans la charcuterie ; et même de Leonardo Di Caprio ; l’acteur est prêt à utiliser son image pour Mosa Meat. Car les dirigeants ont des arguments : « La consommation de protéines augmente dans le monde et avec notre viande, vous ne tuez plus les animaux, vous émettez moins de méthane et vous consommez beaucoup moins d’eau que pour l’élevage conventionnel, » explique Peter Verstrate le cofondateur ; « mais ce n’est pas fini, en créant du muscle et de la graisse nos produits auront plus de goût que les options végétales. Notre objectif c’est de faire un produit qui plaît et qui va donner envie aux consommateurs de revenir. »
Il faudra aussi créer un produit abordable. Le tout premier steak de 2013 a coûté 280 000 euros !
C’est pour cela que le gouvernement investit : 60 millions d’euros pour toute la filière avec pour but de développer un écosystème avec des cursus et des fournisseurs locaux. L’objectif c’est de devenir le centre de gravité de la viande cultivée en Europe. Car le pays fait face à une crise de son agriculture très intensive et très polluante. On compte 11 millions de cochons, 4 millions de vaches, et 100 millions de poulets, pour 18 millions d’habitants. L’azote est devenu un problème majeur, il faudrait qu’un tiers des exploitations arrête son activité et qu’un autre tiers se reconvertisse.
La viande cultivée apparaît donc pour le gouvernement comme une solution pour diversifier les protéines et le modèle des éleveurs.
Leon Moonen, éleveur, a déjà commencé les croisements
100 kilomètres plus au nord, à Rhode-Saint-Oude, Leon Moonen fait le tour du propriétaire. Dans l’une de ses granges il sait déjà qu’il installera des bioréacteurs géants, d’ailleurs il a déjà fait faire les plans. Il travaille étroitement avec l’industrie, l’objectif à terme c’est de faire des prélèvements et de développer les cellules directement à la ferme. Très emballé par le projet, il a déjà commencé les croisements chez ses animaux - des vaches Limousines avec des Highland Cattle. Il veut faire des tests et savoir quelle espèce donnera la meilleure viande cultivée. Impossible pour l’instant de chiffrer combien il gagnerait avec cette activité mais cela pourrait être très incitatif.
Il reste désormais à lever un dernier point, l’adhésion des futurs consommateurs. Qui, pour manger cette viande de laboratoire ? « Des clients qui voudraient diversifier leur apport en protéines, qui seraient déçus par les options végétales et que nous séduirions avec notre goût de viande, » avance-t-on chez Mosa Meat. Mais il ne faut pas se tromper, les chances de faire bonne impression sont ténues. Alors Meatable, start-up spécialisée dans la viande cultivée de porc a choisi de se lancer à Singapour, un plus petit marché, qui pourra servir de test avant une expérience européenne. « Nous voulons faire connaître notre produit dans des restaurants de chefs. »
Et ce produit c’est une saucisse végétale à laquelle ils ont incorporé du « porc cultivé » pour lui donner plus de goût. On est encore (très) loin des côtes de porc ou de l’entrecôte du futur.
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