Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Battez-vous votre femme ? Il y a quarante ans les hommes répondaient oui sans honte
Par Priscillia Abereko
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De la banalisation des violences faites aux femmes à la lutte
En 1975, certains hommes banalisent les violences faites aux femmes. Interrogés dans la rue pour l’émission « Aujourd’hui Madame », des hommes déclarent publiquement avoir déjà recouru à la violence envers leurs épouses dans certains cas : « à certaines femmes, il faut leur faire rentrer les choses à coups de poing » martèle l’un d’eux.
Des images et des paroles fortes pour Lydie Bodiou, historienne spécialiste des femmes, qui en disent beaucoup : « Ces images, elles disent la possession, l’objet et la domination masculine autorisée. C’est non seulement autorisé mais également revendiqué. C’est l’instinct du propriétaire. Il y a à la fois l’appropriation, l’animalité et la domestication. Avec les coups, la femme va comprendre comme si avec les mots elle n’y arriverait pas. Il y a vraiment cette idée d’une femme objet, que l’on va domestiquer et qui après vraisemblablement va être conforme aux attentes ».
Des violences presque tolérées, cantonnées à l’intimité du couple et qui ne font pas encore grand bruit. Dans les années 70 selon Michèle André, ancienne secrétaire d’État aux droits des femmes : « les violences se passaient dans une sphère très privée. « À l’époque je pensais qu’il y aurait plus de réprobation dans la rue sur une personne qui battrait son épouse »
« À l’époque je pensais qu’il y aurait plus de réprobation dans la rue sur une personne qui battrait son chien que sur une personne qui battrait son épouse »
Mais quelques années plus tard, face à la brutalité grandissante de certains hommes, des femmes s’organisent. En 1989, une campagne de sensibilisation est lancée par Michèle André, alors secrétaire d’État chargée des droits des femmes, pour briser cette loi du silence au sujet des violences conjugales. Une campagne dont l’origine n’est pas anodine se souvient l’ancienne secrétaire d’État : « un matin où j’arrivai à mon bureau où il y avait une femme en robe de chambre assise sur les marches, qui attendait qu’on ouvre pour venir dire sa peur et sa colère. On était conscient qu’il fallait que des politiques publiques se mettent en œuvrent et nous avions réfléchi sur quelle campagne faire. Nous avions choisi un spot qui ne montrait pas la violence mais au contraire qui montrait l’extrême peur ». À l’époque pourtant, un continuum n’existe pas encore entre harcèlement, violences conjugales et viol comme on peut le faire aujourd’hui.
Pour Lydie Bodiou, « on s’arrêtait finalement à cette époque aux coups portés et à l’intervention policière. Physiquement il faut des marques et à cette époque-là, il y a l’idée que faut que le corps soit marqué et le physique touché pour avancer la preuve au tribunal. On n’est pas encore au harcèlement ».
L’émergence du terme « féminicide »
Au moment où le terme « Féminicide » prend de plus en plus de place dans notre société actuelle, Lydie Bodiou, historienne spécialiste des femmes, explique qu’« originellement, la première notion de féminicide date de 1992. C’est un terme anglais. Ensuite, ce sont plutôt l’Amérique latine et centrale, le Mexique qui l’ont adopté. La responsable parlementaire au Mexique chargée de ces enquêtes invente ce mot. C’est un crime contre l’humanité féminine donc ça catégorise et ça distingue ». Un terme récent, et qui révèle le long chemin parcouru pour sa reconnaissance et la prise de conscience progressive des violences faites aux femmes.
Il faudra attendre 2011, pour qu’une première demande de transposition de la notion de féminicide dans le droit français soit exprimée. C’est Jean-Michel Bouvier, un père dont la fille a été violée et tuée en Amérique latine, qui exprime sa requête au micro de France 3. Lydie Bodiou partage l'avis de ce père en déclarant, « c’est un crime contre l’humanité féminine […] et c’est l’Amérique centrale et latine qui en est la pionnière, qui parle pour la première fois de ce terme ».
Pour l’heure, cette notion ne figure pas encore dans le droit français, mais Michèle André reste optimiste : « cette notion va faire son chemin incontestablement. Je ne suis pas sûre que du côté des juristes ils soient prêts mais les fils se rassemblent quelque part […] notre discussion actuelle, elle, elle est précieuse ».
Retrouvez l'intégralité de l'émission présentée par Fabrice d'Almeida, vendredi 9 mars à 23h, le samedi 10 mars à 8h30 et 15h30 et le dimanche 11 mars à 12h.