Bilan carbone de TotalEnergies contesté par Greenpeace : qui a raison ?

Bilan carbone de TotalEnergies contesté par Greenpeace : qui a raison ?

Le 3 novembre, Greenpeace a révélé son propre calcul du bilan carbone de TotalEnergies. Chiffre choc : ses émissions de CO2 seraient quatre fois supérieures à celles déclarées par le géant français de l’énergie. Réponse immédiate de TotalEnergies qui conteste une « méthodologie pour le moins douteuse ». Qui dit vrai ? Retour sur le calcul compliqué du bilan carbone des entreprises.
Mathilde Nutarelli

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C’est le chiffre qui a défrayé la chronique ce jeudi 3 novembre. L’ONG environnementale Greenpeace a en effet dévoilé ses propres calculs du bilan carbone de TotalEnergies, géant français de l’énergie, et leur constat est sans appel : selon eux, le chiffre des émissions de CO2 de l’énergéticien est quatre fois supérieur à celui communiqué par l’entreprise sur l’année 2019.

Réaction immédiate de TotalEnergies, qui dénonce dans un communiqué de presse une « méthodologie pour le moins douteuse » et, concernant le calcul d’une des grandeurs du bilan carbone, un « chiffre fantaisiste et mensonger ». L’entreprise a même affirmé avoir engagé une « action judiciaire en vue de réparer le préjudice qu’entraîne la diffusion de cette information trompeuse par Greenpeace ».

Un calcul qui peut se baser sur des hypothèses

Mais alors, qui croire dans ce débat très technique ? En effet, si la publication du bilan carbone par les entreprises est une obligation légale, sa méthode de calcul peut être sujette à contestations.

Pour César Dugast, expert climat au sein du cabinet Carbone 4, « ce n’est pas si fréquent que cela qu’il y ait des débats sur ce sujet, car les méthodologies sont bien normées ». Plusieurs normes détaillent la méthode de calcul des émissions de CO2, c’est le cas du GHG Protocol, des normes ISO 14064 ou encore du Bilan Carbone publié par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Entre ces méthodologies, la manière de calculer les émissions ne varie pas de beaucoup. Elles procèdent toutes par postes d’émissions (scopes), et regroupent souvent les émissions directement émises par les activités de l’entreprise, celles liées à la consommation de l’entreprise d’électricité, de chaleur et de vapeur, et les émissions indirectes, avant et après la production.

Ce qui peut faire varier substantiellement les chiffres, ce sont les hypothèses qui sous-tendent parfois ces calculs, car tous les cas sont spécifiques, et particulièrement complexes, quand il s’agit de grandes entreprises comme TotalEnergies. Ainsi, pour juger de l’exactitude des calculs, il faut surtout connaître ces hypothèses.

Pour César Dugast, « malgré l’existence de ces référentiels, certains cas spécifiques et complexes nécessitent de faire des hypothèses : dans ce cas, il faut les dévoiler pour que tout le monde puisse être en mesure de comprendre le calcul ». Pour lui « c’est essentiel que ces chiffres soient les plus transparents et les plus solides possibles, car la société civile compte dessus, et les investisseurs se basent dessus pour leurs stratégies d’investissement. C’est un langage commun sur lequel tout le monde s’accorde ».

« Les calculs d’empreinte carbone font souvent du double comptage »

En l’espèce, comment savoir qui a raison et qui a tort ? La question n’est pas simple. Pour Baptiste Andrieu, doctorant à l’Institut des Sciences de la Terre et au Shift Project, c’est un sujet « compliqué, car les calculs d’empreinte carbone font souvent du double comptage ». Autrement dit, il est fréquent, dans ces types de calculs, de comptabiliser plusieurs fois les émissions dues à un produit : quand il est fabriqué et quand il est consommé, par exemple. Et c’est peut-être d’un double comptage que vient la différence entre les chiffres de Greenpeace et ceux de TotalEnergies.

« Les résultats sont très différents entre TotalEnergies et Greenpeace », explique Baptiste Andrieu. « En ordre de grandeur, les chiffres de TotalEnergies ne sont pas absurdes. Dans la méthodologie de Greenpeace, on se rend compte que certaines émissions sont comptabilisées à deux reprises dans la chaîne de valeur, c’est peut-être de là que vient la différence », détaille-t-il. « Ce que fait Greenpeace n’est pas faux, mais peut être discutable, car si tout était calculé selon cette méthode, les émissions de TotalEnergies dépasseraient de beaucoup le total mondial ». Encore une question d’hypothèses, donc.

Le débat sera-t-il tranché un jour ? Il faudra peut-être attendre la suite donnée à l’action en justice entamée par TotalEnergies pour le savoir.

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