Une étude du think thank Destin Commun « bat en brèche la vision d’une France polarisée autour du conflit au Proche-Orient ». La plupart des Français n’ont pas choisi de camp et ont autant de compassion envers la communauté juive que des victimes civiles à Gaza. Ils se déclarent également inquiets par l’antisémitisme et l’islamophobie dans l’hexagone.
Birmanie : la fragile transition démocratique
Par Béatrix Moreau
Publié le
Avec la victoire du parti d’Aung San Suu Kyi, aux élections législatives de 2015 et son accession au pouvoir, la Birmanie a entamé une transition démocratique. Mais le pays peine toutefois à se défaire de l’influence des militaires, lesquels disposent encore d’un quart des sièges au Parlement.
L’explosion du marché des télécoms et la diffusion rapide d’Internet représentent pour certains un espoir que la transition s’accélère.
Vous avez réalisé votre reportage en 2016, 5 ans après la fin officielle de la junte militaire, est ce que c’est un film que vous auriez pu tourner à cette époque ?
Non. Nous aurions pu tourner clandestinement avec une petite caméra comme le faisaient alors tous les confrères, mais la principale difficulté à cette époque venait du fait que les Birmans avaient peur de parler, ils étaient terrorisés. Ça n’aurait pas été le même film c’est certain.
En 2016, j’ai fait une demande de visa presse, que j’ai obtenu.
C’était le premier visa délivré à un journaliste français.
Sur place vous avez encore senti le poids de la junte militaire ?
Oui, la junte est encore partout, dans les tribunaux, au sein du gouvernement, dans les collectivités, les administrations. Il n’a pas été possible de faire d’un coup table rase du passé et de « virer » tous ces militaires qui avaient pris possession de la société. Ils ont encore une force de contrôle très puissante. Nous nous en sommes rendu compte en allant au Nord du pays dans l’État Chin pour rencontrer des activistes de l’association Mido. Eux qui travaillaient dans la clandestinité il y a encore quelques années peuvent à présent communiquer avec la presse mais nous prenions tout de même ce tournage avec précautions. Nous n’avions prévenu personne de notre voyage pourtant, en arrivant dans ce petit aéroport de campagne, j’ai été accueilli d’un « Bonjour Madame Montfort ». Nous nous sommes alors rendu compte que nous étions attendus.
Internet est il un média libre en Birmanie ?
Non. Absolument pas. Il existe une loi datant de la junte, la loi 66 des télécommunications qui régit encore la liberté d’expression. Cette loi stipule qu’il est interdit de diffamer le pouvoir, les officiels militaires, la religion. Il y a tous les mois des caricaturistes jugés, emprisonnés. (Il y en a un qui a été libéré la semaine dernière, il a fait 15 jours de prison parce qu’il a osé faire un dessin sur l’armée.) Le rédacteur en chef du journal Irrawaddy que nous avons rencontré faisait lui-même attention de peser chacun de ses mots lors de l’interview. Les lecteurs ne sont pas habitués à la liberté et à la démocratie, certains vont même se retourner contre les caricaturistes et les journaux, voir les dénoncer.
On voit aussi qu’Internet sert d’outil de propagande à certains mouvements, comme les bouddhistes radicaux nationalistes, vous pouvez nous en dire plus ?
Quand on a tourné le sujet, on ne comprenait pas comment ces nationalistes pouvaient déverser leur haine (NDLR : contre la minorité musulmane rohingya) et des fake news sans qu’il n’y ait aucune sanction, alors même que les tribunaux punissaient les journalistes et les caricaturistes. En fait les militaires ont tout intérêt à ce qu’internet soit une sorte de champ de bataille. Leur objectif est d’entretenir cet écran de fumée à la démocratie.
Mais le pouvoir a réagi dernièrement, le moine Wirathu, la figure de proue des nationalistes, vient d’être sanctionné et est interdit de prêche pendant un an. C’est énorme symboliquement. Le peuple attendait ça. Il y avait vraiment deux poids, deux mesures.
Internet reste sous contrôle, mais il a un déjà changé la culture des plus jeunes. Vous suivez notamment Thazin, l’une des deux rappeuses du groupe subversif Yak, comment perçoit-elle la culture occidentale?
Pour Thazin (NDLR : l’une des deux chanteuses), l’occident, la culture et la pop américaine, c’est un modèle de liberté. Elle s’identifie à toutes ces femmes, rappeuses, émancipées, libres, qui prônent des valeurs qui lui parlent.
C’est touchant la façon dont elle s’approprie les codes et la mode occidentale, prenant parfois tout cela sans filtre.
Comment ses parents réagissent-ils à sa carrière de rappeuse ?
Ses parents sont très tolérants, son père était très fier de nous recevoir lors du tournage mais il tient aussi un discours un peu paradoxal. Il est content que son pays s’ouvre, il trouve ça normal que sa fille ait envie de sortir, de porter des shorts courts, d’écouter de la musique américaine mais àà côté deça il lui dit « attention ! ». Il a la crainte que son pays ne change trop vite et soit dénaturé par le capitalisme, ce qu’on peut comprendre : elle va vite Thazin, elle va très vite ! Comme toute la jeunesse.
La culture traditionnelle est-elle aujourd’hui menacée ?
Non, je pense ne pense pas qu’on en soit là. Cette jeunesse a conscience que les choses changent très vite mais a encore les pieds bien ancrés dans les traditions. D’ailleurs les filles (NDLR de Yak) sont en habits traditionnels sur la moitié des scènes d’un de leur clip, le reste en tenues occidentales. Pour l’instant, elles sont encore à cheval entre tradition et modernité.