Blues des enseignants : un rapport du Sénat souligne une hausse des démissions

Blues des enseignants : un rapport du Sénat souligne une hausse des démissions

Un rapport sénatorial sur le budget de l’Education nationale illustre le malaise des enseignants. Selon les données récoltées par les parlementaires, depuis 2012, le nombre de démissions a triplé chez les professeurs stagiaires du 1er degré.
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« Ce n’est pas un rapport spécifique sur la démission des enseignants. Mais ce phénomène est apparu après l’audition d’un certain nombre d’acteurs de l’Education nationale ». Depuis plusieurs années,  le sénateur LR, Jean-Claude Carle est rapporteur du budget de l’Education nationale. Le 24 novembre dernier avec sa collègue de la commission de la culture et de l’éducation du Sénat, Françoise Férat (UDI), il rend public un rapport d’une centaine de pages sur le projet de loi de finances pour 2017. Seules quelques pages évoquent la hausse des démissions chez les enseignants du premier et second degré, mais l’information est relayée quelques jours plus tard sur la revue en ligne « Café pédagogique ». D’après les chiffres fournis par le ministère, les sénateurs notent qu’ « en 2015, 434 démissions ont été constatées, pour les enseignants stagiaires du premier degré, « soit 3,18 % des recrutés, contre 1,08 % en 2012 ». Cette hausse des départs est également enregistrée dans le second degré : 371 démissions recensées au cours de l’année 2015-2016 contre 120 sur la période 2012-2013. Plus inquiétant, les professeurs titulaires sont aussi touchés par ce phénomène : 539 démissions chez les titulaires du premier degré en 2015-2016 contre 299 en 2012-2013. Une progression équivalente dans les collèges et lycées, avec  416 démissions en 2012-2013 pour arriver à 641 en 2015-2016.

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« L’enseignant n’est plus le hussard noir de la République »

Jean-Claude Carle y voit l’illustration de la dévalorisation du métier d’enseignant. « Il y a bien sûr des raisons propres liées aux difficultés de l’année de stage, où les professeurs doivent mener de front la fin de leur formation, parfois des travaux de recherche, et l’enseignement. Mais de manière plus générale, on note que le métier n’est plus suffisamment attractif. Le recrutement se fait à bac+5 avec des salaires très bas et des conditions de travail parfois très dures. L’enseignant n’est plus le hussard noir de la République ». Frédérique Rolet, secrétaire générale du SNES-FSU reconnait que suite à l’ouverture des postes réalisée lors de ce quinquennat, « certains ont peut être eu envie de se diriger vers l’enseignement sans mesurer quelles étaient les réalités du métier ». « C’est un métier fatigant qui demande de prendre beaucoup sur soi car il n’y a pas beaucoup de différences entre la vie privée et la vie professionnelle (…) Il y a peut-être eu des désillusions » suppose-t-elle avant de demander de la part du ministère une étude plus « qualitative » sur les raisons de ces départs précipités.

Augmentation des démissions des enseignants: "il y a peut-être eu des désillusions" Frédérique Rolet (SNES-FSU)
00:44

Images et interview Flora Sauvage

« Souffrance au travail », « classe d’élèves remuants » les professeurs de ZEP réclament des moyens

 En effet, les sénateurs indiquent dans leur rapport que « le ministère n’a pas fourni d’explication à cette augmentation du taux de démission des enseignants stagiaires ». Toutefois, l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), citée dans le rapport parlementaire, évoque des raisons liées aux « inégalités territoriales entre les académies et même entre les départements au sein d’une même académie ». A titre d’exemple, dans l’académie de Versailles, les départements de l’Essonne et du Val-d’Oise, « comptabilisent à eux deux 81 % des renoncements enregistrés dans l’académie et la totalité des démissions ». Hasard du calendrier, ce jeudi à Paris, plus d'une centaine de professeurs grévistes de lycées défavorisés d'Ile-de-France manifestaient pour réclamer des moyens pérennes pour les établissements de l'éducation prioritaire. « Souffrance au travail », « classe d’élèves remuants », « métier individualiste », « absence de reconnaissance », « manque de moyens » : c’est ce qui ressort des témoignages à voir ci-dessous.

05/01/17: manifestation de professeurs de lycée de Zone d'Education prioritaire
01:44

Images et interview Flora Sauvage

« Difficile pour des jeunes gens de se dire : j’en prends pour 40 ans »

La formation des professeurs est également mise en question. « Cette forte hausse doit conduire le ministère à s’interroger sur l’organisation de la formation initiale au sein des écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ) » pointe le rapport sénatorial. François Dubet, sociologue de l’Education abonde : « Le système de recrutement et de formation est problématique. Très souvent les enseignants choisissent leur métier tard après plusieurs années d’études et ce n’est pas forcement un choix positif. C’est après le Bac que les compétences académiques liées au métier devraient s’apprendre. Les pays asiatiques, comme le Japon ou la Corée, ceux qui s’en sortent le mieux dans ce domaine, l’ont bien compris et ont fortement professionnalisé le métier d’enseignant. Autre problème soulevé à la fois par François Dubet et le rapport sénatorial, celui du faible niveau de ressources humaines dans l’Education nationale. « La vocation quasi sacerdotale du métier d’enseignant ne correspond plus au modèle de la vie professionnelle. C’est très difficile pour des jeunes gens de se dire : j’en prends pour 40 ans » observe le sociologue. Jean-Claude Carle plaide également pour «  faciliter les débouchés dans les autres fonctions publiques et dans le secteur privé ».

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