Bonheur au travail : de la « coolitude » à la démocratie dans l’entreprise
Le bonheur au travail, est-ce une réalité atteignable ou une utopie bien markétée ? Les invités d’ « On va plus loin » en débattent.

Bonheur au travail : de la « coolitude » à la démocratie dans l’entreprise

Le bonheur au travail, est-ce une réalité atteignable ou une utopie bien markétée ? Les invités d’ « On va plus loin » en débattent.
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« Le bonheur au travail » nouvel eldorado ? Depuis quelques années, le concept de « bonheur au travail » est devenu le nouveau graal. Les articles et émissions qui nous expliquent comment être heureux au boulot font florès, au moment où la reconnaissance du burn-out au travail en tant que maladie professionnelle fait débat régulièrement.

Dominique Meda, directrice de l’institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales à l’université Paris-Dauphine, insiste sur le fait que les attentes de « réalisation de soi » dans le travail sont « hyperfortes » : « En France, on est le pays où les attentes qui sont placées sur le travail sont les plus intenses. C’est très intéressant parce que non seulement on est le pays où les gens sont les plus nombreux à dire que le travail est très important mais en même temps, en plus, ça couvre toutes les catégories (…) Donc [il y a une] attente monstrueuse et une déception qui est à la mesure de cette attente ».

Bonheur » ou « bien-être » au travail ?

« Bonheur » ou « bien-être » au travail, les mots font débat. « Le bonheur, c’est la conscience de ce bien-être [au travail] » analyse Thomas Godey, avocat en droit social. « Le bien-être peut éventuellement se mesurer à l’aune de mesures d’innovation, qui ne vont pas être imposées par l’État ou par un formulaire mais par l’intérêt que va trouver l’entreprise à mieux servir ses clients ou ses patients parce que l’équipe va être plus concentrée » ajoute-t-il.  

Pour Alexandre Jost, fondateur du think tank « La fabrique Spinoza », le mot « bonheur » quand il est associé au mot travail, peut être problématique pour de nombreuses  personnes : « Ce terme peut faire du mal à des gens, je le reconnais. Parce que chacun a sa vision du travail (…) Et malgré tout, je pense qu’il est intéressant d’avoir des termes comme « bonheur au travail » parce que ça donne une aspiration, un cap, un endroit vers lequel tendre. Mais (…) les mots ne doivent pas être clivants. Il faut trouver les mots qui vont de pair avec la culture de l’organisation. Si vous êtes chez Google, on n’a pas les mêmes mots que si on travaille chez Thalès. Et c’est OK ».

«La cool attitude » 

Et justement, «la cool attitude » (open space, flexibilité horaire, convivialité, télétravail…) prônée par des entreprises comme  Google ou Facebook, est-elle viable ou est-ce du marketing, de la com’ ?

Pour Dominique Meda, il s’agit  d’un « effet de mode supplémentaire » : « C’est des trucs que l’on entendait il y a trente ans (…) Plutôt que de parler de jeans,  baskets et coolitude, il vaudrait mieux parler d’une question qui est absolument essentielle et qui explique la réussite des pays nordiques, qui est la démocratie dans l’entreprise. C'est-à-dire le partage du pouvoir dans l’entreprise, la participation des représentants des salariés aux grandes décisions aux conseils d’administration et aux conseils de surveillance ».   

Interrogés sur la création de poste de « chief happiness officer » appelé également « chef du bonheur », présenté comme celui ou celle « en charge des activités récréatives » dans une société, les invités en plateau sont partagés. Gilles Verrier, directeur général d’identité RH, un cabinet de conseil spécialisé en ressources humaines, n’est pas convaincu : « En France, dans quelques entreprises, on a repris ce terme pour le coller au métier de DRH ou à un métier approchant, mais avec toutes les illusions qui vont avec. À un moment donné, l’entreprise est aussi un lieu où l’on doit traiter un certain nombre de problèmes ».

Alexandre Joss enfonce le clou : « On a regardé les offres d’emploi de Chief happiness officer sur LinkedIn, on s’est aperçu (…) que 63%  [de ces offres] concernaient des stagiaires. Donc déjà, ça dégonfle un peu la fonction ». Pourtant, lui est plutôt pour : « Nous, on pense que c’est une bonne chose dans la mesure où c’est un signal qui est donné. Pourvu qu’il y ait du pouvoir assorti à cette fonction ».

Quant au télétravail, prôné par le gouvernement Philippe, et souhaités par une grande partie des salariés, il n’est pas assez pris en compte, selon Thomas Godet : « Les entreprises ne prennent pas en main, ce phénomène. Elles attendent que ça bouge. Et l’injustice va se créer parce qu’on va le tolérer pour certains, on va le refuser à d’autres pour des raisons qui ne sont pas claires. Et ça, ça va créer une nouvelle tension. »

OVPL : Le bonheur au travail, réalité atteignable ou utopie marketée ?
26:36

Débat sur le bonheur au travail en intégralité

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