Budget : le Sénat supprime le SNU et rejette le « coup de rabot » supplémentaire sur le sport

Les sénateurs ont supprimé le service national universel, promesse d’Emmanuel Macron, reversant 80 des 100 millions d’euros économisés sur les crédits du sport. Alors que ces derniers sont déjà en baisse, la ministre a tenté de défendre une économie supplémentaire de 34 millions d’euros. Les sénateurs l’ont rejetée, l’accusant de vouloir « sacrifier le sport ».
François Vignal

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C’était l’une des promesses d’Emmanuel Macron en 2017 : la création d’un service nationale universel (SNU). Dans le cadre de la reprise de l’examen du budget au Sénat, qui repart sur la version du projet de loi de finances (PLF) de Michel Barnier, le Sénat a supprimé la mesure, qui est loin de faire l’unanimité. Il faudra attendre la probable commission mixte paritaire, où députés et sénateurs chercheront un texte commun, pour savoir si le SNU est bien supprimé.

Ce dispositif, à mi-chemin entre service civique et militaire, concerne tous les jeunes, filles et garçons, âgés de 15 à 17 ans. Il vise notamment à transmettre le socle républicain et développer la culture de l’engagement. Si Emmanuel Macron promettait début 2024 sa généralisation en seconde, d’ici 2026, il n’a en réalité jamais vraiment décollé.

« La Cour des comptes évalue la généralisation du SNU entre 3,5 et 5 milliards d’euros par an »

A la Haute assemblée, le sujet fait quasiment l’unanimité contre lui. Gauche et droite dénoncent la mesure. Les sénateurs ont ainsi adopté, dans la nuit de jeudi à vendredi, un amendement de suppression du rapporteur spécial de la mission sport, le sénateur PS Eric Jeansannetas, auteur d’un rapport critique sur le SNU. L’adoption de son amendement permet une économie de 100 millions d’euros, dont 80 sont reversés au budget du sport, par le vote d’un amendement du sénateur LR Michel Savin.

Le rapport concluait que la généralisation n’était « ni possible, ni souhaitable », a rappelé le sénateur, qui a énuméré les limites du SNU : « Il est difficile de trouver suffisamment de centres », « le recrutement des encadrants est aussi un défi majeur » et « le coût du SNU généralisé serait faramineux. La Cour des comptes l’évalue entre 3,5 et 5 milliards d’euros par an ». « Après 5 ans d’expérimentation, il n’apporte aucune plus-value », ajoute encore Eric Jeansannetas.

« Seuls 35.700 jeunes se sont inscrits pour 2025. C’est très loin de l’objectif des 66.000. […] Il est temps de mettre fin à cette expérimentation », ajoute Pierre Antoine Levi, sénateur du groupe Union centriste. « Ce soir est un moment important. Car nous allons enfin, collectivement, avoir la peau du SNU », a lancé le socialiste Yan Chantrel, qui se réjouit de « permettre la mort du SNU, ce soir, au Sénat ».

« Il n’est pas opportun de sacrifier le SNU, au profit du sport », a tenté de défendre la nouvelle ministre des Sports, Marie Barsacq, qui a fait ses débuts sur les bancs du Sénat. Il faut « entendre et objectiver » les « observations critiques formulées à l’égard du SNU », reconnaît cependant la ministre, « nous devons travailler à l’amélioration de ce dispositif ».

Economies sur le sport : « L’effort est beaucoup trop brutal, en particulier pour les collectivités »

Un peu plus tôt, les sénateurs ont rejeté une nouvelle coupe budgétaire de 123 millions d’euros, qu’a défendue Marie Barsacq sur la mission sport, jeunesse et vie associative, dont le SNU fait partie, et dont l’ensemble des crédits baissent de 12,8 %. Ces économies supplémentaires « traduisent le coût de la censure et le redressement de nos comptes publics », afin « d’atteindre l’objectif de déficit public de 5,4 % », a justifié la ministre, sans donner de détails.

La ministre s’est fait renvoyer dans ses 22 par les sénateurs, qui se sont succédé pour dire tout le mal de cet amendement déposé seulement quelques heures avant le début de la séance. Une méthode qui passe forcément mal.

Sur ces 123 millions, 34 millions portent sur les crédits du sport. « Le gouvernement demande un effort supplémentaire, à travers ce coup de rabot. […] J’estime que cet effort supplémentaire serait trop important », a soutenu Laurent Lafon, président centriste de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport. « L’effort est beaucoup trop brutal, en particulier pour les collectivités », « nous ne pouvons pas sacrifier le sport », a dénoncé Simon Uzenat, sénateur PS du Morbihan. « Je ne vois pas comment, dans ce contexte, on peut aboutir à une loi d’héritage olympique », ajoute Jean-Jacques Lozach, sénateur PS de la Creuse.

« Je rêve ou… C’est bien ça ? »

Dominique Théophile, sénateur de la Guadeloupe, a vertement dénoncé l’amendement du gouvernement, bien qu’étant membre du groupe RDPI, où siègent les sénateurs Renaissance. « Je rêve ou… C’est bien ça ? Vous touchez à ce qui fait et constitue le ciment de la cohésion sociale dans le pays ? Sur 500 milliards de budget vous touchez au sport ? Après les Jeux olympiques ? […] Non, je ne rêve pas, je suis bien au Sénat », s’est indigné le sénateur. Regardez :

Avant même cet amendement, le budget prévoit une baisse de 273 millions d’euros des crédits du sport, dont 85 millions liés à la fin des Jeux olympiques, soit « -29 % », a reconnu la ministre, qui peine à convaincre quand elle affirme qu’elle se battra « pour que cet héritage olympique ne soit pas sacrifié ». « La contribution demandée au budget du sport est bien supérieure à celle demandée à d’autres budgets », dénonce Michel Savin, qui craint au contraire « un héritage olympique compromis ».

« Le programme sport subit de plein fouet l’austérité budgétaire »

« Le programme sport subit de plein fouet l’austérité budgétaire », dénonce la sénatrice écologiste Mathilde Ollivier, y voyant « un recul sans précédent ». « En cette night session, ce n’est pas l’Open de Bercy, mais le close de Bercy », a raillé le socialiste David Ros, en référence au tournoi de tennis parisien.

« Le sport ne doit pas être le grand sacrifié des causes budgétaires », a prévenu le rapporteur général de la commission des finances, depuis les bancs de la droite. Il prévient : « En CMP, nous nous battrons ». Après la suppression du SNU, les sénateurs ont malgré tout adopté les crédits de l’ensemble de la mission.

Premiers crédits pour les JO d’hiver 2030

Les sénateurs ont en revanche soutenu l’amendement du gouvernement permettant de créer l’établissement public qui livrera les ouvrages des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2030, dans les Alpes françaises. L’amendement ouvre 20 millions d’euros de crédits en autorisations d’engagement et 9,2 millions en crédits de paiement. Une première pierre budgétaire en vue des JO des Alpes. Seule l’écologiste Mathilde Ollivier a regretté au passage que « la droite sénatoriale refuse de débattre » du sujet « et de lancer une mission d’information sur les conséquences économiques et écologiques » des JO 2030.

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