Burkini dans les piscines à Grenoble : le Conseil d’Etat confirme l’interdiction

Burkini dans les piscines à Grenoble : le Conseil d’Etat confirme l’interdiction

Saisi dans le cadre du nouveau « déféré suspension laïcité », le Conseil d’Etat a confirmé la décision du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble. Le mois dernier le juge administratif avait suspendu le nouveau règlement des piscines de la ville autorisant le port du burkini.
Simon Barbarit

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« Une victoire pour la loi séparatisme, pour la laïcité et au-delà, pour toute la République ». Sur Twitter, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin n’a pas caché sa satisfaction. Le Conseil d’Etat a finalement a suspendu le règlement intérieur de la ville de Grenoble qui autorise depuis le mois dernier, le port du burkini dans les piscines de la ville.

La plus haute juridiction administrative a confirmé la décision rendue fin mai, par le tribunal administratif de Grenoble, estimant que le nouveau règlement des piscines imposé par la municipalité grenobloise constituait une « dérogation très ciblée » destinée à « satisfaire une revendication religieuse ».

Adopté le 16 mai dernier aux termes de deux de débats tendus, la nouvelle formulation du reglement intérieur permettait aux femmes à se baigner seins nus ou à porter le fameux burkini, objet de polémiques estivales depuis maintenant plusieurs années.

> > Lire notre article. Burkini dans les piscines : bras de fer en vue entre le ministère de l’Intérieur et la ville de Grenoble

Éric Piolle voulait mettre fin aux « injonctions sur le corps des femmes »

Dès le lendemain, sur instruction du ministre de l’Intérieur, le préfet de l’Isère avait saisi le tribunal administratif de Grenoble, en usant du nouveau « déféré suspension laïcité » pour bloquer la mesure. Cette disposition a été introduite par la loi séparatisme votée en août 2021 et concerne les actes qui portent « gravement atteinte au principe de laïcité et de neutralité du service public ». Le tribunal administratif avait suspendu la mesure. La ville avait fait appel devant le Conseil d’Etat.

Le maire EELV, Éric Piolle avait justifié le choix de ce nouveau règlement intérieur destiné à mettre fin aux « injonctions sur le corps des femmes ». Ce n’est pas l’interprétation qu’en a fait le Conseil d’Etat qui constate « que, contrairement à l’objectif affiché par la ville de Grenoble, l’adaptation du règlement intérieur de ses piscines municipales ne visait qu’à autoriser le port du « burkini » afin de satisfaire une revendication de nature religieuse et, pour ce faire, dérogeait, pour une catégorie d’usagers, à la règle commune, édictée pour des raisons d’hygiène et de sécurité, de port de tenues de bain près du corps ».

Pour mémoire, avant l’adoption de la loi confortant le respect des principes de la République, dit « projet de loi contre le séparatisme », le Conseil d’Etat s’est opposé à une série d’arrêtés municipaux destinés à interdire le port du burkini. La plus haute juridiction administrative avait jugé qu’ils portaient « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».

Interdiction du burkini : cheval de bataille de la droite sénatoriale

Au Sénat ces dernières années, par deux fois, le sénateur LR de l’Isère, Michel Savin avait tenté d’inscrire l’interdiction du burkini dans la loi. En 2021, lors de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, le Sénat avait adopté, contre l’avis du gouvernement, un amendement de Michel Savin. « Le règlement d’utilisation d’une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité », prévoyait le nouvel article que souhaitait introduire l’élu.

> > Lire notre article. Séparatisme : le Sénat vote un amendement facilitant l’interdiction du burkini dans les piscines publiques

Interrogé par publicsenat.fr, il y a 15 jours, le chef de file de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau dénonçait « l’ambiguïté du macronisme » sur cette question. « Gérald Darmanin s’est opposé à ce qu’on inscrive dans la loi l’interdiction du burkini au motif qu’il fallait préserver la liberté des élus locaux », avait-il rappelé.

Le Conseil d’Etat pointe « le caractère fortement dérogatoire aux règles de droit commun » de la mesure

Dans l’hémicycle, Gérald Darmanin s’était effectivement opposé à l’amendement, rappelant le principe de libre administration des collectivités territoriales, mais aussi l’esprit de la loi de 1905. « Nous ne pouvons pas priver par principe l’expression d’une opinion religieuse. La neutralité ne s’impose pas aux usagers du service public », avait-il expliqué.

Mais dans son ordonnance, le Conseil d’Etat met en avant « le caractère fortement dérogatoire aux règles de droit commun », du règlement intérieur des piscines de Grenoble. Il se traduit selon lui « par une rupture caractérisée de l’égalité de traitement des usagers », et donc une « méconnaissance de l’obligation de neutralité du service public ».

« Difficile de faire plus subjectif que « fortement dérogatoire ». Bon courage aux juges qui vont devoir trancher toutes les (brûlantes) affaires à cette aune », a tweeté Nicolas Hervieu, juriste enseignant à Sciences Po et spécialiste du droit européen des droits de l’Homme.

 

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