Capteur de CO2, dépistage par pooling, retro-tracing : ces solutions qui n’ont pas été utilisées contre le covid-19

Capteur de CO2, dépistage par pooling, retro-tracing : ces solutions qui n’ont pas été utilisées contre le covid-19

Détection du virus dans les eaux usées, politique de tests groupés, ciblés et répétés dans les lieux de contamination, remontée des cas contacts en amont ou capteur de CO2 pour savoir quand aérer : plusieurs solutions n’ont pas été mises en place contre le covid-19, ou simplement expérimentées. Le gouvernement ouvre cependant la porte sur les capteurs de CO2 dans les écoles.
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On l’a compris, Emmanuel Macron mise tout sur le vaccin pour lutter contre le covid-19. Mais alors que le gouvernement a confirmé son calendrier de déconfinement, en dépit des chiffres encore élevés de circulation du virus, tous les autres outils seront plus que jamais nécessaires. Le vaccin seul ne suffira pas à faire face, alors que l’immunité est loin d’être acquise, sans parler des variants.

Or face au covid-19, a-t-on vraiment tout essayé, tout mis en place ? La réponse est non. Une série d’autres outils sont là. Certains commencent à rentrer dans la besace du gouvernement, d’autres semblent ignorés.

Détection du virus dans les eaux usées

Quand on l’interroge sur le sujet de ce qui n’a pas été fait, le docteur Jérôme Marty commence par rire (jaune). « Vous allez faire un très grand article alors », lance le président de l’Union française pour une médecine libre (UFML). Ce médecin généraliste de Toulouse prône d’abord « la détection du virus dans les eaux usées, partout et tout le temps, dans les entreprises, les lieux scolaires, les universités, les hôpitaux. Il faudrait le faire de façon régulière pour voir la concentration virale. Et en fonction, on fait des tests. Ce n’est pas hyper précis, mais le but est d’avoir une tendance ».

Une solution saluée par le sénateur LR, René-Paul Savary, par ailleurs médecin de profession. « Le dépistage dans les eaux usées permet de dépister le virus par anticipation. Ça permet de voir si on est en période de montée de la charge virale ou en descente. Cela a un rôle prédictif intéressant. Ça a été fait déjà à Paris et à Marseille », souligne le sénateur de la Marne.

Expérimentation réalisée aussi à Cannes, comme l’explique le maire LR de la ville, David Lisnard, dans une tribune intitulée « il est temps de développer une politique française de maîtrise stricte du Covid-19 », publiée dans Le Monde.

Les capteurs de CO2 pour savoir quand aérer une pièce

Il s’agit ici d’une mesure de prévention. « Si le niveau de CO2 est fort, ça veut dire que la pièce est mal aérée ». Une question qui est directement liée au « danger des aérosols », ces particules microscopiques qui portent le virus, rappelle Jérôme Marty. « Les aérosols, c’est comme s’il y avait un nuage de fumée à chacune de nos expirations. Et s’il y a dans la pièce ce qu’on appelle un super contaminateur, soit quelqu’un qui excrète beaucoup de virus, tous les gens qui y sont en même temps que lui respirent de ce nuage et prennent beaucoup de charge virale », illustre le médecin.

Il rappelle que « les clusters n’apparaissent qu’à l’intérieur car ils se font via les aérosols ». Ce qui fait dire à Yvon Le Flohic, autre médecin qui suit de près l’épidémie, que « ce n’est pas une épidémie, c’est une clusterémie de lieux clos ».

Concrètement, il faudrait placer ces capteurs de CO2 dans tous les lieux clos partagés : écoles, entreprises, etc. Une piste qu’envisage maintenant le gouvernement pour les écoles, comme le demandaient les syndicats enseignants. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, l’a évoqué jeudi. « Nous encourageons les collectivités pour les capteurs de CO2 et les purificateurs d’air » a-t-il affirmé. La mairie du IXe arrondissement de Paris n’a pas attendu et utilise déjà des capteurs dans ses écoles.

Yvon Le Flohic se réjouit que le gouvernement commence enfin à penser aux capteurs de CO2. Mais avec un léger retard à l’allumage. « On est contents. Mais j’avais lancé un message sur Twitter sur la fabrication de capteurs de CO2 en août ou septembre 2020, pour demander quand est-ce qu’on s’y mettait… », se souvient ce médecin. « Ils ont compris, ils commencent à le faire dans les écoles. Mais il faudrait le faire partout », ajoute Jérôme Marty, qui s’étonne « que le ministère n’ait pas fait d’audit sur chaque classe. Il apparaît qu’énormément de classes ont des fenêtres qui ne s’ouvrent pas ou mal ». Ce qui rend inutile le capteur de CO2…

Le sénateur (Les Indépendants) Daniel Chasseing, médecin dans une zone « hyperrurale » de Corrèze, salue aussi cette « prévention. Et ce sera plus facile d’aérer maintenant que l’hiver ». Pour le sénateur René-Paul Savary, « si on a un instrument de mesure, c’est bien. Mais déjà, le simple bon sens permet de dire qu’il faut aérer toutes les 15 ou 30 minutes ».

Tests salivaires et pooling de tests répétés pour stopper le virus en amont

Pour Yvon Le Flohic la politique de test actuelle est un échec. « On a fait 60 millions de tests RT-PCR en un an, avec un coût de 4 milliards d’euros. Ça semble beaucoup, mais ça ne fait qu’un test par Français » met-il en perspective. « Il faut plutôt faire des tests itératifs, c’est-à-dire répétés, deux ou trois fois par semaine par exemple, et préventifs. Sinon, on reste soumis au bon vouloir du SARS-CoV-2. Donc en entreprises, collectivités ou hôpitaux, où il y a un gros problème de nosocomialité, il faut qu’on teste le pooling. Et pour les rassemblements privés à la maison, il faut les autotests ».

Concrètement, cette technique du pooling, ou tests groupés, consiste à faire des tests en commun. « On teste par voie salivaire, on met tous les écouvillons dans le même bain. Si c’est positif, vous testez alors individuellement tout le monde. Si c’est négatif, vous n’utilisez qu’un seul test » explique Jérôme Marty. Ce qui, au passage, peut coûter moins cher. « On économise des tests et c’est beaucoup plus rapide », salue le sénateur Daniel Chasseing. « Si on veut ouvrir comme c’est prévu, on va avoir un souci, sauf si on se met à tester massivement et à isoler. C’est en testant, testant, qu’on arrivera à juguler le problème », ajoute le sénateur.

Jérôme Marty souhaite aussi qu’on « démocratise le test salivaire, alors que les gens en ont marre de s’enfiler des trucs dans les narines. En France, on a Easycov, c’est fait à Montpellier. Mais la Haute autorité de santé traîne des pieds ».

Ces tests « ne sont pas 100 % sûrs, mais si on a 60 ou 70 % de cas détectés, c’est déjà pas mal et ça permet de repérer les "superspreaders" qui contaminent en masse », ajoute Yvon Le Flohic, qui insiste :

On ne s’occupe pas des lieux où cette putain d’épidémie prolifère ! Si on ne passe pas par la prévention, on continuera à avoir des clusters et l’épidémie. La seule solution, c’est d’être préventif en termes de tests.

Le rétro-tracing pour remonter les contaminations

Autres pistes : « Il faut faire du rétro-tracing, et pas de forward tracing », demande Jérôme Marty. Au lieu de rechercher les cas contacts rencontrées par une personne malade, après que celle-ci a appris sa positivité, « il faut chercher les personnes que lui a croisées avant, et qui l’ont contaminé. Car 10 % des gens contaminent 90 % des autres ». Ce sont les fameux « superspreaders ». « Ce rétro tracing n’est pas fait. Or les pays asiatiques qui réussissent le font ». De quoi mettre en place « une stratégie d’étouffement du virus. C’est intermédiaire entre le zéro covid et l’adaptation ».

Vu les milliers de cas chaque jour, le tracing actuel est forcément dépassé. « La doctrine tester, tracer, isoler ne fonctionne pas », constate Yvon Le Flohic, « ça ne marche que s’il y a 30 ou 50 cas, pas 30.000 ». Lui aussi défend ardemment le rétro-tracing, ou « backward tracing ».

« On ne trouve même pas deux cas contacts avec la Sécu, en moyenne », déplore également le sénateur Daniel Chasseing. « Il faut trouver les cas contacts en aval et en amont aussi, qui ont entraîné la contamination. C’est très important. C’est ça qu’il faut faire. Et cela a été beaucoup moins bien fait en France », confirme le sénateur de Corrèze.

Des systèmes d’aération adaptés

C’était l’une des préconisations de la mission d’information du Sénat sur les effets des mesures sanitaires, qui s’est penchée sur les lieux de culture : une aération adaptée. La mission, présidée par le socialiste Bernard Jomier, préconise la création d’« un fonds pour l’équipement des salles en systèmes d’aération et de ventilation plus performants ». Auditionné, l’épidémiologiste Antoine Flahault avait souligné le très faible nombre de contaminations dans le TGV et surtout les avions, où l’air est renouvelé en permanence.

Des études ont déjà été faites. « Dassault Systèmes a travaillé pour la Philharmonie de Paris. Ils ont étudié les flux d’air pour voir comment extraire l’air au mieux », raconte Jérôme Marty.

Les portiques désinfectants, « c’est débile ! »

Une idée vient d’apparaître : les portiques désinfectants, solution soutenue par le Medef. Son évocation fait sortir de ses gonds Jérôme Marty : « Maintenant, on vend ces portiques, mais c’est débile ! Ils vont payer ça super cher et ça ne sert à rien. Si le type est asymptomatique, il va rejeter du virus après quand même. Et le virus n’est pas sur les vêtements, c’est idiot ». C’est dit.

Ces portiques ne sont pas adaptés en raison – on y revient encore – des aérosols. Si la prise de conscience est là au sommet de l’Etat, reste que « le gouvernement n’a pas du tout communiqué sur les aérosols, alors que ça représente 80 à 90 % des contaminations », regrette Jérôme Marty. Un retard qu’il explique par des vents contraires. « On a été ralenti par des gens comme Didier Raoult, qui disait que la contamination n’était que manuportée », c’est-à-dire par le contact, souligne le médecin. Or ce mode de contamination est en réalité très marginal. Autre frein : « Ils sont mal conseillés. Quand vous voyez que le médecin Martin Blachier conseillerait Emmanuel Macron, selon ses dires. Or il n’a dit que des conneries depuis le début… Lors de la deuxième vague, ou pour la troisième, il a dit que ça s’arrêterait après. Et il a un intérêt financier, car il vend des courbes de modélisation de l’épidémie (via son entreprise Public Health Expertise, ndlr), c’est le concurrent de l’Institut Pasteur », pointe Jérôme Marty. Dans la lutte contre le virus, on voit que la tension n’est pas qu’hospitalière.

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