Carole Bienaimé-Besse, candidate désignée par le président du Sénat Gérard Larcher, aurait du être auditionnée par les sénateurs mercredi dernier. La présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, a préféré la remettre à plus tard. Et pour cause : plusieurs sénateurs venaient de recevoir, de manière anonyme, une lettre mettant en cause la probité de la candidate.
La missive faisait état de condamnations dans plusieurs procédures judiciaires, d’un dépôt de bilan a priori fallacieux pour frauder le fisc, de chèques signés sans provision de la part de Carole Bienaimé-Besse. L’ancienne société de la productrice, April Snow Films et Capital, a été condamnée deux fois par la justice pour ces motifs, selon les informations du Canard Enchainé. Mais c’est surtout la violence et l’ampleur de la campagne qui ont surpris les sénateurs. « Notes blanches » arrivant anonymement sur le bureau des sénateurs, coups de fils vindicatifs, et même e-mails d’avocats détaillant les décisions de justice impliquant l’intéressée : les détracteurs de la candidate n’ont pas lésiné sur les moyens.
Il faut dire que le poste est convoité. Nommés pour six ans non renouvelable, les conseillers gagnent 47406 euros par an, et ce pendant sept ans, grâce à une période de carence d’un an. Trois sont désignés par le président de l’Assemblée, et trois par le Président du Sénat. Leur candidature doit être validée par un avis conforme des deux tiers de l’assemblée concernée, ce qui doit garantir le consensus.
Celui-ci, ce matin, n’a pas été trouvé. Les sénateurs ont accepté la désignation de Carole Bienaimé-Besse, à 32 voix pour, et 30 abstentions. La gauche, en effet, s’est abstenue. Une façon de critiquer l’opacité du processus de désignation, qui s’apparente plus à un rituel d’adoubement d’un choix souverain qu’à une véritable évaluation.
Une candidature axée sur la « parité » et les « jeunes »
Carole Bienaimé-Besse a démarré sa carrière dans l’enchère d’œuvres contemporaines, avant de côtoyer Jacques Attali à Planète Finances, ce qui, selon elle, lui a donné le goût de « servir l’intérêt général pour créer un monde plus juste. » Elle crée ensuite sa boite de production de documentaires, axés sur l’histoire et la culture. L’entreprise, du fait d’un « contexte défavorable » et d’un « arrêt brutal d’une production », est mise en liquidation judiciaire. « Ce fut douloureux, mais aucun salarié n’était engagé à ce moment là », assure-t-elle. Selon le Canard, elle a pourtant été sommée de régler 12 213 euros, puis 18574 euros d’impayés à des partenaires, lésés par la faillite.
Lors de son audition, elle s’est dite très attachée à l’aspect « féminin » de la production audiovisuelle, tout en assurant qu’elle serait « très attentive à la production s’adressant aux jeunes publics », et à ce que « la France dans toute sa diversité soit représentée. » Une candidature qui fait mouche pour le CSA, qui souffre d’un manque de diversité et de parité dans ses rangs.
Tout en livrant un diagnostic d’un « modèle de financement » de l’audiovisuel « à bout de souffle », elle a appelé à « prendre des risques » sur la production de contenus et miser sur la créativité des auteurs français pour exporter la production.
Appelée par les sénateurs à donner son avis sur la « violence » des attaques dont elle a été victime, Carole Bienaimé-Besse a éludé, en les expliquant par la situation de son secteur, « qui subit lui-même une révolution violente. » La violence, dit-elle, « est partie intégrante de notre métier », a-t-elle renchéri, sans s’exprimer sur les décisions de justice dont elle a été l’objet. Philippe Bonnecarrère les a qualifiés de « litiges privés portant sur des montants limités » qui ne lui semblent pas « disqualifiants ».
Mais tous les sénateurs n’ont pas été satisfaits. « Il y a eu une décision de justice, je voudrais une réponse. » a plaidé David Assouline. L’audition s’est terminée sans qu’il l’obtienne, laissant place directement au vote, ce qui n’a pas manqué de faire grincer des dents à gauche.
David Assouline dénonce une procédure « occulte »
David Assouline sur la nomination des membres du CSA : la procédure est "occulte"
Avant le vote, David Assouline a dénoncé une procédure de désignation « occulte », qui réduit l’avis conforme des sénateurs à peau de chagrin. « Des candidatures arrivent, on ne sait pas lesquelles. Il n’y a jamais de confrontation, de choses qui permettent en toute indépendance de choisir. »
Ne pouvant agir sur le choix des candidats, ils ne peuvent que voter contre. Mais pour le faire, il faudrait avoir des raisons, et pour cela, des éléments. « C’est une question de fond. Il n’y a pas d’éléments de fonds pour que nous décidions. Ce qui m’aurait intéressé, c’est sa capacité, son expérience pour le poste. » Faute d’éléments, il s’est abstenu. Et le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel s’est doté d’un nouveau membre.