Carole Bienaimé-Besse nommée au CSA malgré la controverse

Carole Bienaimé-Besse nommée au CSA malgré la controverse

Le Sénat a validé la candidature de Carole Bienaimé Besse, candidate proposée par le président du Sénat Gérard Larcher, malgré les controverses sur des impayés révélée par le Canard Enchainé. Un imbroglio qui révèle des dissensions autour de la procédure de nomination.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Carole Bienaimé-Besse, candidate désignée par le président du Sénat Gérard Larcher, aurait du être auditionnée par les sénateurs mercredi dernier. La présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, a préféré la remettre à plus tard. Et pour cause : plusieurs sénateurs venaient de recevoir, de manière anonyme, une lettre mettant en cause la probité de la candidate.

La missive faisait état de condamnations dans plusieurs procédures judiciaires, d’un dépôt de bilan a priori fallacieux pour frauder le fisc, de chèques signés sans provision de la part de Carole Bienaimé-Besse. L’ancienne société de la productrice, April Snow Films et Capital, a été condamnée deux fois par la justice pour ces motifs, selon les informations du Canard Enchainé. Mais c’est surtout la violence et l’ampleur de la campagne qui ont surpris les sénateurs. « Notes blanches » arrivant anonymement sur le bureau des sénateurs, coups de fils vindicatifs, et même e-mails d’avocats détaillant les décisions de justice impliquant l’intéressée : les détracteurs de la candidate n’ont pas lésiné sur les moyens.  

Il faut dire que le poste est convoité. Nommés pour six ans non renouvelable, les conseillers gagnent 47406 euros par an, et ce pendant sept ans, grâce à une période de carence d’un an. Trois sont désignés par le président de l’Assemblée, et trois par le Président du Sénat. Leur candidature doit être validée par un avis conforme des deux tiers de l’assemblée concernée, ce qui doit garantir le consensus.

Celui-ci, ce matin, n’a pas été trouvé. Les sénateurs ont accepté la désignation de Carole Bienaimé-Besse, à 32 voix pour, et 30 abstentions. La gauche, en effet, s’est abstenue. Une façon de critiquer l’opacité du processus de désignation, qui s’apparente plus à un rituel d’adoubement d’un choix souverain qu’à une véritable évaluation.

Une candidature axée sur la « parité » et les « jeunes »

Carole Bienaimé-Besse a démarré sa carrière dans l’enchère d’œuvres contemporaines, avant de côtoyer Jacques Attali à Planète Finances, ce qui, selon elle, lui a donné le goût de « servir l’intérêt général pour créer un monde plus juste. » Elle crée ensuite sa boite de production de documentaires, axés sur l’histoire et la culture. L’entreprise, du fait d’un « contexte défavorable » et d’un « arrêt brutal d’une production », est mise en liquidation judiciaire. « Ce fut douloureux, mais aucun salarié  n’était engagé à ce moment là », assure-t-elle. Selon le Canard, elle a pourtant été sommée de régler 12 213 euros, puis 18574 euros d’impayés à des partenaires, lésés par la faillite.

Lors de son audition, elle s’est dite très attachée à l’aspect « féminin » de la production audiovisuelle, tout en assurant qu’elle serait « très attentive à la production s’adressant aux jeunes publics », et à ce que « la France dans toute sa diversité soit représentée. » Une candidature qui fait mouche pour le CSA, qui souffre d’un manque de diversité et de parité dans ses rangs.

Tout en livrant un diagnostic d’un « modèle de financement » de l’audiovisuel « à bout de souffle », elle a appelé à « prendre des risques » sur la production de contenus et miser sur la créativité des auteurs français pour exporter la production.

Appelée par les sénateurs à donner son avis sur la « violence » des attaques dont elle a été victime, Carole Bienaimé-Besse a éludé, en les expliquant par la situation de son secteur, « qui subit lui-même une révolution violente. » La violence, dit-elle, « est partie intégrante de notre métier », a-t-elle renchéri, sans s’exprimer sur les décisions de justice dont elle a été l’objet. Philippe Bonnecarrère les a qualifiés de « litiges privés portant sur des montants limités » qui ne lui semblent pas « disqualifiants ».

Mais tous les sénateurs n’ont pas été satisfaits. « Il y a eu une décision de justice, je voudrais une réponse. » a plaidé David Assouline. L’audition s’est terminée sans qu’il l’obtienne, laissant place directement au vote, ce qui n’a pas manqué de faire grincer des dents à gauche.

David Assouline dénonce une procédure « occulte »

David Assouline sur la nomination des membres du CSA : la procédure est "occulte"
01:49

Avant le vote, David Assouline a dénoncé une procédure de désignation « occulte », qui réduit l’avis conforme des sénateurs à peau de chagrin. « Des candidatures arrivent, on ne sait pas lesquelles. Il n’y a jamais de confrontation, de choses qui permettent en toute indépendance de choisir. »

Ne pouvant agir sur le choix des candidats, ils ne peuvent que voter contre. Mais pour le faire, il faudrait avoir des raisons, et pour cela, des éléments. « C’est une question de fond. Il n’y a pas d’éléments de fonds pour que nous décidions. Ce qui m’aurait intéressé, c’est sa capacité, son expérience pour le poste. » Faute d’éléments, il s’est abstenu. Et le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel s’est doté d’un nouveau membre.

 

 

Dans la même thématique

Trafic Jam in France for the holidays – A7, August 2023
6min

Société

Taxe sur les autoroutes : les sénateurs dénoncent le « chantage » des sociétés concessionnaires sur le prix des péages

Le ministre des Transports, Clément Beaune a annoncé une hausse des péages autoroutiers pour l’année prochaine « inférieure à 3 % ». Mais la taxe sur les concessions autoroutières et les aéroports, inscrite au projet de loi de finances pour 2024 pourrait bien se répercuter sur les usagers en 2025, même si le gouvernement assure du contraire.

Le

Carole Bienaimé-Besse nommée au CSA malgré la controverse
6min

Société

Éducation à la vie sexuelle et affective : la ministre de l’Égalité femmes-hommes craint une « récupération politique »

Auditionnée ce 30 novembre par la délégation aux droits des femmes du Sénat, Bérangère Couillard a notamment été interrogée sur la mise en place de cours d’éducation à la vie sexuelle et affective dans les établissements. « Il va y avoir énormément de récupération de la part des plus conservateurs et des plus religieux », concède-t-elle, pour expliquer les lenteurs du gouvernement sur ce sujet.

Le

Carole Bienaimé-Besse nommée au CSA malgré la controverse
4min

Société

Narcotrafic et biens mal acquis : « Consoles de jeux, robots de cuisine, vêtements de marque, chaussures de luxe… Le panel des saisies est très large »

La commission d’enquête parlementaire du Sénat sur les narcotrafics s’intéresse aux biens acquis avec l’argent de la drogue, sur lesquels la justice peine encore à mettre la main malgré des chiffres en augmentation d’une année à l’autre. Ce jeudi 30 novembre, les sénateurs auditionnaient des responsables de l’Agence de gestion de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (agrasc).

Le

Carole Bienaimé-Besse nommée au CSA malgré la controverse
4min

Société

Fracture sociale : «On se demande aujourd’hui ce qui fait encore nation» 

Le 19 novembre a eu lieu la troisième édition des Rencontres du Grand Continent, cycle de conversations trimestrielles au Sénat, autour du thème « Dans un monde fracturé, les clefs pour comprendre l’embrasement français ». Après un discours d’introduction de Gérard Larcher, intellectuels et sénateurs se sont succédé pour tenter de poser un diagnostic sur la situation du pays

Le