Alors que l’affaire du petit Grégory a connu de nouveaux rebondissements ces derniers mois, le journaliste et écrivain, Denis Robert, sort un livre réunissant ses reportages publiés à l’époque dans « Libération », enrichis d’autres textes. « J'ai tué le fils du chef » (éditions Hugo et cie) revient sur ce fait divers hors norme, que le jeune journaliste d’alors, suivait au plus près et qui a bouleversé sa vision du métier pour toujours : « Très bizarrement, c’est peut-être parce que je n’étais pas formaté comme journaliste que j’ai eu cette distance par rapport aux évènements et aux choses. Je sortais de l’université, j’avais 25 ans. Je me suis retrouvé là, avec cette marée humaine, à la fois de journalistes et de magistrats et j’ai compris très tôt que ce que je vivais était extraordinaire » explique-t-il.
Pour Denis Robert, les avocats sont, pour une bonne part, responsables des dérives de cette affaire : « Je pense que les avocats des deux camps, à la fois du camp Laroche, je pense à Me Prompt, ou de Jean-Marie Villemin, je pense à Me Garaud, n’ont pas été de très bons avocats. Me Garaud, pour se faire payer et pour les frais de justice, a entretenu une image du couple et de Christine Villemin qui était sans rapport avec ce qu’étaient ces gens-là. Et Paul Prompt a (…) vendu lui aussi des photos et il a joué sur le temps pour tuer le dossier. Quelque part, on peut dire qu’ils ont défendu leurs clients. Mais (…) je pense que les avocats sont grandement responsables de la gabegie, avec les patrons de presse qui ont voulu faire du fric dessus. Parce qu’il y a une économie de ce fait divers aussi (…) Aujourd’hui, on peut verser des larmes de crocodiles sur les morts mais il y a quand même des businessmen qui étaient là derrière. »
Avant de revenir sur cette affaire, le journaliste a tenu à prévenir les parents du petit Grégory, de la publication de ce livre et a reçu leur aval : « Je suis conscient peut-être plus que d’autres, de la douleur insondable de Christine et Jean-Marie Villemin. Comme je les connais et comme je les aime beaucoup, je leur ai demandé effectivement (…) Je pense qu’ils étaient plutôt contents de se dire que, quelqu’un qui avait connu ce que j’avais connu, pouvait rendre compte d’une manière un peu moins facile, ou moins légère qu’un certain nombre d’acteurs ou de gens qui passent dans les médias pour en parler ».
« Une des raisons pour lesquelles je ne parlais plus de cette affaire, c’est parce que j’ai l’impression que dès que l’on s’exprime là-dessus pour donner un avis, c’est comme de la bave. Trop de choses ont été dites. La parole a quand même tué beaucoup de choses là-bas. Et je n’avais pas envie que l’on me fasse le procès du mercantilisme par rapport au livre » ajoute-t-il.
« Des machines à dévorer les hommes »
Pas sûr, non plus, qu’aujourd’hui, les journalistes ont vraiment appris des erreurs de leurs confrères de l’époque. « Quand je vois, surtout avec les chaînes « tout info », cette frénésie (…) Ce [sont] des machines à dévorer les hommes (…) Il faut absolument sortir l’info avant les autres. J’ai eu un peu ce sentiment-là, quand j’ai vu la manière dont était traité le fait divers Grégory, en mai, juin et juillet dernier (…) On vient parler de choses quand on ne les connaît pas, [il y a ] ce besoin de se montrer chez les journalistes aussi. On est dans une course contre le temps. Et tout ça, ça a des répercussions. À un moment, l’addition se paye pour tout le monde. Et c’est ce que dit aussi cette histoire. »
Vous pouvez voir et revoir l'entretien avec Denis Robert, en intégralité :
Interview de Denis Robert à propos de son livre sur l'affaire Grégory