Hier, dans une tribune publiée dans Le Figaro, 100 sénateurs ont dénoncé le contenu du programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. L’un des signataires de la tribune, Olivier Paccaud était invité de la matinale de Public Sénat. Le sénateur de l’Oise estime que cet enseignement ne doit pas être réalisé par des associations, mais par les parents ou par les enseignants.
Check Point : la France « à la pointe du féminisme ? »
Par Guillaume Guilbert - RTBF
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À peine sortis de la journée des droits des femmes et alors que la parole des femmes est en train de se libérer suite à l'affaire Weinstein et le hashtag "balance ton porc" qui a suivi, nous avons décidé de ressortir une déclaration de Jean-Michel Blanquer. Le ministre français de l'Éducation nationale expliquait sur France Inter en novembre 2017 que "la France a toujours été à la pointe du féminisme". La France, le pays des droits de l'Homme connu pour son romantisme serait-il un exemple en termes de féminisme ?
Pour le vérifier, nous avons décidé de comparer les grandes avancées de la France concernant les femmes avec celles des autres pays membres de l'Union Européenne, ainsi les données sur la parité hommes-femmes, l'écart salarial... Prenons tout d'abord, l'un des droits fondamentaux: le droit de vote.
Droit de vote : la Finlande en premier
Remontons le temps jusqu'en 1944. À l’époque, la France accorde aux femmes le droit de voter. Mais elle est loin d’être une pionnière. L’Espagne l’avait accordé treize ans plus tôt, en 1931 (même si cela n'a duré que sept ans, la dictature de Franco installée en 1938 enterrera les ambitions électorales des femmes espagnoles).
Au Royaume-Uni, les femmes de plus de 21 ans ont pu voter dès 1928. Si on remonte encore plus, entre 1915 et 1919, le Danemark, la Pologne, l’Allemagne, l’Autriche, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède ont permis aux femmes de voter.
Mais parmi les 28, c’est la Finlande qui décroche la timbale en accordant le droit de vote aux femmes dès 1906. La France n'est donc spécialement "à la pointe" en ce qui concerne le droit de vote pour les femmes (à noter qu'en Belgique, les femmes ont pu voter à partir de 1948).
Liberté, égalité, fraternité… Et parité ?
Alors que le Président Emmanuel Macron voulait faire de la parité hommes-femmes une "cause nationale" de son quinquennat, on peut déjà tirer la conclusion que son bilan est mitigé sur cette question. Dans le gouvernement, la parité est respectée : seize femmes sur 32 postes de ministres et secrétaires d'État. Mais seulement huit d'entre elles ont un poste de ministre, les autres sont des secrétaires d'État.
Selon un classement de l’Union interparlementaire, la France se classe 14e mondial avec 39% de politiciennes dans ses assemblées élues. Pas mal! Mais la Finlande et la Suède font mieux avec 42 et 43,6% de femmes dans leurs assemblées.
Au niveau local, la France fait partie des bons élèves européens en ce qui concerne la parité hommes-femmes. Grâce à plusieurs mesures, la féminisation des conseils municipaux a augmenté ces 202 dernières années. D'après des chiffres datant de mai 2015, la France compte en moyenne 40,3% de femmes dans ces assemblées locales.
Le monde des affaires (un peu) moins macho ?
Les hommes politiques français sont-ils machos? En tout cas, un peu plus que les hommes d’affaires français. L’Hexagone est un des rares pays européens où les conseils d’administration des grandes entreprises (cotées en bourse) sont composés d’au moins 30% de femmes. La France est même en tête de ce classement pour l’Union Européenne avec 41,2% de femmes en moyenne dans les CA de ces grandes entreprises.
De plus, la France fait partie des trois pays membres dont la banque centrale comporte au moins 40% de femmes dans les organes de décision (chiffres datant de 2016).
Égalité des salaires : pas pour demain
La gent féminine française est donc plutôt bien représentée dans les postes à responsabilité des grandes sociétés privées, mais pour quels salaires?
En France, d'après Eurostat, une femme gagne en moyenne 15,2% en moins par rapport au salaire brut d'un homme pour une même fonction. Quand un homme gagne 3000 euros brut, une femme gagne donc 2544 euros brut. Et cela se vérifie dès le début de carrière, comme le montre une enquête sur les jeunes diplômés français.
Cette proportion est proche de la moyenne européenne (16,2%), mais l’écart salarial est beaucoup plus petit en Roumanie (5,2%), en Italie (5,3%) et au Luxembourg (5,5%). La France ne fait donc pas spécialement figure d’exemple quand on parle d'égalité des salaires, et ce malgré la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Droit à l'avortement : la France n'est pas première
Il reste maintenant les avancées sociétales pour les femmes comme le droit à l'avortement ou celui à la contraception. Simone Veil a-t-elle fait de son pays un précurseur?
Alors que l'avortement était interdit en France jusque-là (il était même considéré comme un crime contre l'État pendant la période du régime de Vichy), Simone Veil a fait passer une loi sur l'accès à l'IVG en 1974. Mais avant cela, des pays comme la Suède (1938), le Royaume-Uni (1967) ou encore la Finlande (1970) avaient déjà autorisé l’avortement. Là encore, la France n'est donc pas la chef de file.
Si on regarde donc les grandes avancées concernant les droits des femmes ainsi que les indices de parité et d'écarts salariaux dans les différents pays membres de l'Union Européenne, on peut affirmer que la France n'est pas "à la pointe du féminisme". Ce qu'affirme Jean-Michel Blanquer est donc plutôt faux !