CHU de Bordeaux : l’hôpital a-t-il le droit de trier les patients ?

CHU de Bordeaux : l’hôpital a-t-il le droit de trier les patients ?

Face au manque de personnel soignant entraînant la fermeture des urgences au CHU de Bordeaux, le syndicat Sud Santé dénonce un « tri des patients à l’entrée ». Juridiquement, ils ont à la fois tort et raison. Décryptage avec nos partenaires Les Surligneurs.
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Pour faire face à la pénurie de personnels soignants, les urgences du CHU de Bordeaux seront désormais fermées la nuit pour les adultes, qui ne pourront y accéder qu’en passant par le Samu via le 15. Le Syndicat Sud Santé déplore une réorganisation qui touche une « population en détresse » par manque de moyens, et a dénoncé un « tri des patients adultes à l’entrée ».

Créer un circuit d’admission aux urgences fait partie de l’organisation d’un hôpital

Sauf qu’en droit, cela est faux. Si l’agence régionale de santé n’avait pas pris cette mesure, elle serait responsable : si par exemple une personne admise aux urgences venait à décéder faute de personnels suffisants, ses proches pourraient demander une indemnisation en justice.

Il n’y avait donc pas, à court terme, d’autre solution, sauf à recruter Toutefois, l’hôpital est particulièrement sous tension, faisant face à un manque cruel de personnels.

Le tri peut faire des victimes qu’il faudra indemniser

Pour autant, il y a des limites à la rationalisation des soins d’urgence. D’abord, si une personne en péril se présente aux urgences la nuit, il est hors de question pour les personnels de l’éconduire en lui demandant de passer par le 15.

Cela serait une non-assistance à personne en péril, un délit selon le Code pénal. Aussi, cela serait contraire à la déontologie des personnels soignants, ce qui peut valoir la radiation de l’ordre des médecins ou des infirmiers.

Enfin, l’agence régionale de santé ne peut pas mettre en place une réorganisation qui présenterait manifestement trop de risques pour la population, et serait donc contraire au droit à l’accès aux soins, un droit protégé par la Constitution.

Fermer des services de santé peut priver certains usagers de l’accès aux soins

La question s’est déjà posée à propos des regroupements de maternités, qui nécessitaient d’en fermer certaines. Or rationaliser peut parfois amener à priver les usagers de l’accès aux soins. La justice avait ordonné en 2009 de rouvrir une maternité dans le Gard en raison de l’éloignement excessif du seul établissement qui restait apte à prendre en charge les femmes sur le point d’accoucher et qui auraient des complications.

Mais il faut aussi raisonner en aval : une nouvelle organisation est mise en place, et la pratique montre des carences aux conséquences directes sur certains patients dont la prise en charge n’a pas été suffisamment rapide au vu de leur état. Dans ce cas il peut y avoir ce qu’on appelle une « perte de chance » pour le patient, et la justice peut obliger l’hôpital à l’indemniser.

Rationaliser l’accès aux soins peut permettre à l’État de faire des économies, mais si c’est mal fait, cela peut aussi lui coûter cher.

 

» Voir aussi notre reportage sur la maternité des Lilas, menacée de fermeture

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