Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Comment redonner du “coeur” aux centres-villes ?
Par Amélia Morghadi
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Vous avez suivi la mission d’information du Sénat sur la revitalisation des centres-villes et des centres bourgs, pouvez-vous nous expliquer leur démarche ?
Cécile Sixou : "Ils ont fait un constat, il y a 600 villes en France qui sont dévitalisées, où il y a des vitrines fermées, où ça se vide, et où les centres-villes se meurent. Autant commercialement qu’en termes d’habitants. L’idée de ce groupe de travail au Sénat est de trouver des solutions pour revitaliser les centres-villes, remettre des commerces, remettre de la vie…J’ai suivi les sénateurs à Châtellerault, dans la Vienne, où la situation est catastrophique. Je suis aussi allée à Perpignan, Joigny, Saint-Brieuc et à Alençon. Ce sont des villes qui proposent des initiatives citoyennes, locales, de commerçants… Ce sont des initiatives individuelles qui peuvent influencer le travail de sénateurs.
Le groupe de travail au Sénat, mené par les sénateurs Rémy Pointereau (LR) et Martial Bourquin (PS), est transpartisan. C’est un thème assez consensuel et tout le monde lutte pour le même objectif. C’est un problème qui touche beaucoup domaines, et autant la commission des affaires publiques, des affaires sociales, la commission économique de la Haute Assemblée … y participent
L'uniformisation des commerces en ligne, l'absence de magasins ouverts les dimanches... quelles sont les problématiques principales pointées du doigt par les sénateurs?
Cécile Sixou : Il est très important de moderniser le commerce, et c’est un des axes principaux sur lesquels travaillent les sénateurs. Aujourd’hui un commerçant de centre-ville a deux Goliath face à lui : les périphéries, et internet. Je suis allée voir un commerçant à Saint-Brieuc, qui tient un commerce depuis 35 ans, c’est un vieux commerçant, bien installé. Mais il y a 6 mois il a lancé un site internet. Il a 66 ans, et il s’est lancé, il a fait un petit site marchand, avec son stock, en plus de son activité sur place. Il a été poussé par une de ses employées qui lui a dit qu’il fallait le faire. Il a été aidé par la CCI locale. Il ne vend pas énormément plus, mais ça lui rapporte beaucoup de visibilité par rapport aux habitants de Saint-Brieuc, qui regardent sur Internet, puis qui passent à son magasin. Ils peuvent voir s’il a les produits en stock, ils viennent essayer, et commandent ou ramènent les produits en boutique en cas de problème… Ça simplifie énormément les démarches.
Vous nous parlez d’initiatives individuelles, est-ce que ce groupe de travail réfléchit à niveau plus global ?
Cécile Sixou : C’est qui est compliqué c’est que ça touche énormément de villes, et tout se fait au niveau local. Il y a vraiment des milliers d’initiatives différentes. Une des pistes des sénateurs est de mettre en place des espèces de plateforme en ligne où tous les commerçants des centres-villes pourraient vendre leurs produits, être plus visibles, et tous regroupés.
Il y a un acteur méconnu : le rôle des « managers du centre-ville », qui existe dans plusieurs villes depuis les années 90. Je suis allée à Alençon où j’ai rencontré le manager du centre-ville, c’est quelqu’un qui est censé faire le lien entre les commerçants. Ils sont là pour dynamiser et animer le commerce de centre-ville. Aujourd’hui il y en a 400 en France, et ce sont les villes où les communautés de communes qui les emploient.
Ils vont voir les commerçants, ils les forment à Facebook, ils organisent des évènements. C’est vraiment ce qui permet de lier les commerçants, et c’est ce qui leur manque. Dans les zones commerciales en périphérie par exemple, tous les commerces dans une même galerie marchande sont liés, il n’y a pas de risque de concurrence… Alors qu’en centre-ville ce sont des indépendants, et ils sont souvent assez seuls. Ce manager aide aussi les commerçants à s’installer dans des nouveaux locaux.
« Les commerçants de centre-ville sont souvent assez seuls et concurrents »
Le gouvernement a lancé en décembre un « plan cœur de ville » pour revitaliser des centres-villes, est-ce que cette mission du Sénat est vraiment utile ?
Cécile Sixou : C’est un plan qui mobilise 5 milliards d’euros, et qui va choisir sur dossiers des villes qui vont pouvoir participer à ce plan, et il va mettre en place toute une série de mesures dans ces villes choisies. Les sénateurs eux veulent faire quelque chose de plus global. Pour eux, il n’y a pas 20 villes à gérer, il y en a 600, il faut que tout le monde s’y retrouve. Tout le monde, grâce à la loi doit pouvoir gérer la dévitalisation dans ces centres-villes.
Les sénateurs jugent que ce plan ne va pas assez loin, et qu’il n’est pas suffisant : ils sont un peu en concurrence. Cela fait déjà 2, 3 ans que la question est évoquée au Sénat, notamment en commission, donc ils se revendiquent précurseurs sur le sujet, en tant que représentants du territoire. Cette mission a été commandée par le président du Sénat Gérard Larcher qui est très investi dans cette problématique. Ils veulent faire un « Plan Marshall, et pas un Plan Mézard » sur la question des centres-villes.
Ils veulent faire un « Plan Marshall, et pas un Plan Mézard »
Ce travail d’information devrait aboutir quand ?
Cécile Sixou : Le groupe prévoit de rendre une proposition de loi le 15 avril. La date initiale était en juin mais ils ont décidé d’avancer cette présentation.
Retrouvez Sénat en Action : « La revitalisation des centres-villes », mercredi 21 mars 2018 à 23h, vendredi 23 mars à 19h et samedi 24 mars à 16h sur Public Sénat.