Comment sauver les petites églises rurales françaises ?
131 parlementaires de droite et du centre publient une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron l’exhortant à sauver les petites églises rurales. Le texte se base sur un constat partagé sur les bancs de l’hémicycle, mais les solutions, elles, sont loin de faire consensus.

Comment sauver les petites églises rurales françaises ?

131 parlementaires de droite et du centre publient une lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron l’exhortant à sauver les petites églises rurales. Le texte se base sur un constat partagé sur les bancs de l’hémicycle, mais les solutions, elles, sont loin de faire consensus.
Mathilde Nutarelli

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« Le véritable exil n’est pas d’être arraché de son pays, c’est d’y vivre et de n’y plus rien trouver de ce qui le faisait aimer ». C’est de cette manière que commence la lettre ouverte à l’intention d’Emmanuel Macron publiée par 131 parlementaires de la droite et du centre dans le JDD du 19 février. Dans ce texte, les élus, dont 90 sénateurs, lancent « un appel au sursaut » à Emmanuel Macron pour sauver les petites églises rurales. Le sujet est souvent revenu dans l’actualité, notamment en janvier dernier, quand l’ancienne ministre de la Culture Roselyne Bachelot a expliqué que la conservation de toutes les églises serait impossible. Un constat auquel ne veulent pas se résigner les signataires de la lettre.

« On ne veut pas que les bulldozers finissent le travail »

Ce texte, initié par les élus LR Henri Leroy, Édouard Courtial, Valérie Boyer, Émilie Bonnivard et Philippe Gosselin dresse un constat alarmant de l’état des églises en France. « Lorsqu’on se promène partout en France, on se rend compte que dans les villages, les églises sont dégradées et à l’abandon » se désole Henri Leroy, sénateur LR des Alpes-Maritimes. « L’âme du village, c’est l’église. Même si les gens ne pratiquent plus, ils sont attachés à l’église. C’est un point de repère. On ne veut pas que les bulldozers finissent le travail. »

Les chiffres ne sont en effet pas rassurants. Un rapport de juillet 2022 rédigé par les sénateurs Anne Ventalon (apparentée LR) et Pierre Ouzoulias (communiste) pointe qu’entre 2 500 et 5 000 églises pourraient disparaître d’ici à 2030 si aucun plan de sauvegarde n’est mis en place. « Il y a bien un problème, car il y a une baisse de la pratique religieuse, elle ne reprend pas. Il faut trouver des solutions », confirme Pierre Ouzoulias.

« Ecrire au président de la République, ça ne fait pas du tout avancer le dossier »

Les signataires de la lettre en appellent à Emmanuel Macron pour venir en aide à ces monuments. Ce sont en grande majorité les communes qui sont propriétaires des églises construites avant 1905, et celles-ci sont en grande difficulté pour les maintenir en état. C’est en tout cas le constat que fait Henri Leroy : « Les communes sont asphyxiées par les normes. Elles n’ont pas les moyens d’entretenir les églises. Il n’y a que le président de la République qui puisse faire quelque chose ». Il recommande : « Il faut faire un inventaire complet des églises sur le territoire, car près de 500 aujourd’hui sont fermées ». L’élu maralpin appelle également de ses vœux « un travail avec les communes, pour leur donner les moyens financiers pour entretenir les églises ». Pour cela, il n’exclut pas le recours aux financements alternatifs, comme le mécénat ou le financement associatif.

Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine et auteur du rapport sur l’état du patrimoine religieux, s’il partage le constat, est aux antipodes des auteurs de la lettre sur les solutions. « Ecrire au président de la République, ça ne fait pas du tout avancer le dossier, il faut se tourner vers les collectivités », explique-t-il. « Les églises sont un patrimoine non classé, qui n’est pas à la charge de l’Etat, pour lesquelles il n’a ni les moyens budgétaires ni les moyens humains d’assurer auprès des collectivités du conseil et des relais budgétaires », précise-t-il. « Si les auteurs de la lettre souhaitent que l’Etat reprenne en charge tout ce patrimoine, il faut qu’au prochain budget de la culture, ils déposent des amendements pour le rallonger, ce dont je doute ».

Pour lui, la solution réside en partie dans le CAUE, le Conseil d’architecture d’urbanisme et d’environnement, qui est une instance départementale. « Il n’y a pas toujours un manque d’argent, mais surtout un manque d’aide à la maîtrise d’ouvrage. Les maires ne savent pas à qui s’adresser. C’est le CAUE, qui a un budget propre, qui pourrait être un relais pour cela. Il aurait donc été plus intéressant de s’adresser à l’ADF », explique-t-il. Le sénateur altoséquanais précise également que la compétence d’inventaire a été confiée aux régions, depuis la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004. Confier l’inventaire à l’Etat, ce serait alors « reconcentrer les services d’inventaires », ironise-t-il.

Une proposition de résolution en préparation

Pour donner suite au texte paru ce dimanche, les sénateurs LR préparent néanmoins une proposition de résolution sous la houlette du sénateur de l’Oise Édouard Courtial. « Nous y proposons de faire un inventaire des églises, avec une cartographie d’ici 2025, et d’adopter un plan national de préservation du patrimoine en péril », détaille Henri Leroy. « Nous souhaitons également faciliter les solutions alternatives au financement ».

Face à ce texte, Pierre Ouzoulias préfère mettre en avant une des recommandations de son rapport co-écrit avec Anne Ventalon : la resocialisation des lieux de culte. « Cette proposition fait l’objet d’un consensus, y compris avec l’épiscopat », explique-t-il. « Cela permettrait qu’ils soient utilisés pour d’autres fonctions sociales compatibles avec l’esprit du lieu. Il y a de l’argent, ce qu’il faut, c’est une ingénierie culturelle, un relais ».

Si tous s’accordent donc sur les constats, en termes de solution, on n’est pas sortis de l’église.

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