Congé menstruel : après l’Espagne, la France pourrait l’adopter ?

Congé menstruel : après l’Espagne, la France pourrait l’adopter ?

Jeudi 16 février, le Sénat espagnol a adopté la possibilité d’un congé menstruel pour les femmes souffrant de leurs règles, une loi inédite en Europe. En France, un tel congé est-il envisageable ?
Simon Barbarit

Par Romain Ferrier

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Adopté par 185 voix favorables, 154 contres et 3 abstentions, l’Espagne fait désormais partie des rares pays, avec l’Indonésie, le Japon et la Zambie, à accorder un congé menstruel. Selon le gouvernement de gauche, cette mesure aurait aussi pour objectif de briser le tabou entourant les règles. Avec ce texte, l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics a aussi été renforcé, dans un pays très marqué par la religion catholique. La durée de ce congé, attribué par les médecins, n’a cependant pas été précisée dans la nouvelle loi. De l’autre côté des Pyrénées, des députés et sénateurs français travaillent à une loi similaire, concernant cette « situation spéciale d’incapacité temporaire » comme le définit l’Espagne. Selon la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret « […] la France y est prête. Ce serait une belle occasion de montrer l’exemple ».

A l’Assemblée nationale, les Verts mènent la danse

Dans Ouest-France, la députée écologiste Marie-Charlotte Gari explique que « cette mesure permettrait de légitimer une pénibilité pas prise en compte aujourd’hui. C’est une mesure assez simple qui pourrait changer la vie de pas mal de femmes puisque, pour certaines, il est très compliqué de travailler avec des règles douloureuses ». La députée du Rhône, ainsi que Sandrine Rousseau et Sébastien Peytavie, tous trois membres d’Europe Ecologie Les Verts, prépareraient une proposition de loi identique afin d’instaurer le congé menstruel. Sébastien Peytavie n’a d’ailleurs pas attendu le vote de la loi pour l’appliquer, ses collaboratrices parlementaires pourront en bénéficier à partir du 1er mars. Pour rappel, selon un sondage Ifop 2021 du 20 minutes, 68 % des femmes se disent favorables à ce congé menstruel, un chiffre montant jusqu’à 78 % pour les 15 - 19 ans. Si ces opinions se maintiennent dans les prochaines années, elles pourraient devenir un enjeu majeur du ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes.

Au Sénat, Hélène Conway-Mouret prend les devants

Au Sénat, la mesure semble encore discutée. Mélanie Vogel, sénatrice d’Europe Ecologie Les Verts, avait déjà proposé un congé menstruel en novembre 2022, dans le projet de loi de finances pour 2023. L’amendement a finalement été rejeté, ce qui ne décourage pas la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret, rédactrice d’une nouvelle proposition de loi « visant à garantir la santé et le bien-être des femmes au travail, en proposant un congé menstruel ». « Il s’agit d’instaurer dans le Code du travail un dispositif facultatif permettant aux femmes souffrant de règles douloureuses de déposer un à deux jours de congé maximum dans le mois » précise Hélène Conway-Mouret. En plus d’être facultatif, ce dispositif serait flexible, avec la possibilité de prendre un jour de télétravail, à défaut d’opter pour un jour de congé. « J’aime à penser qu’un consensus [au Sénat] peut se dégager sur les congés menstruels » commente-t-elle.

Concernant l’avis médical, la sénatrice et ses collaborateurs ont tenu à préciser que le dispositif ne nécessiterait aucune prescription. « On ne peut pas demander à une femme souffrant de douleurs menstruelles de se déplacer chez le médecin pour obtenir un justificatif alors même que certaines ne peuvent même pas se rendre sur leur lieu de travail » détaillent-ils.

Promesse de campagne d’Anne Hidalgo, le Parti Socialiste a par ailleurs déjà instauré un congé menstruel pour ses membres depuis le 7 novembre dernier. D’après un communiqué du PS, cette mesure a pour but d’améliorer « la qualité de vie au travail et plus particulièrement le bien-être des femmes ». Il complète un autre dispositif déjà existant au sein du parti, celui des protections périodiques gratuites. Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, avait d’ailleurs salué ces « conquêtes féministes ». Selon l’Ifop, 92 % des Françaises plébiscitent la distribution gratuite de protections hygiéniques dans les établissements publics, et 81 % souhaitent leur remboursement par la Sécurité sociale.

Parmi les acteurs non favorables, certaines associations féministes

Certaines associations féministes, comme Osez le féminisme, se sont positionnées contre en appelant à investir la recherche et en dénonçant les risques de discriminations à l’embauche. « L’intention est bonne » mais « c’est une fausse bonne idée », expliquait la porte-parole de l’association Fabienne El Khoury sur France Info. La création d’un congé menstruel pourrait ainsi ralentir la recherche à ce sujet, n’apportant aucune solution aux femmes ayant des règles douloureuses. Selon la sénatrice Conway-Mouret, « cette position est entendable et se défend. Trop souvent, les femmes ont fait l’objet de discriminations par le passé ». La sénatrice, comme la porte-parole, s’accordent à dire que la reconnaissance de ces douleurs est une bonne chose, dans une société où les règles restent un sujet tabou. Entre associations, personnalités politiques et opinion publique, la loi espagnole semble avoir donné un regain d’intérêt au débat, qui pourrait s’inviter au Parlement français dans les prochains mois.

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