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Congé parental : les propositions d’Aurore Bergé reprennent les conclusions d’un rapport sénatorial

En annonçant, dans Ouest-France, vouloir augmenter l’indemnisation et réduire la durée du congé parental, la nouvelle ministre des solidarités, Aurore Bergé a relancé la réflexion sur les aides aux jeunes parents. Sans approfondir son raisonnement, la ministre reprend l’une des solutions avancées par un rapport sénatorial pour encourager le recours au congé parental.
Henri Clavier

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 « Aurore Bergé a dû lire le rapport que nous avons écrit ! », se félicite le sénateur centriste du Nord, Olivier Henno. En effet, la commission des affaires sociales a adopté, le 23 juin, un rapport d’information intitulé « réformer l’indemnisation des congés parentaux pour donner un vrai choix à la famille » dont Olivier Henno est le co-rapporteur et dont les propositions d’Aurore Bergé semblent inspirées. Distinct des congés maternités et accueil du jeune enfant (paternité), le congé parental permet à chaque parent de bénéficier d’une interruption totale ou partielle de travail afin de s’occuper d’un nouveau-né. En cas d’interruption totale de l’activité, l’indemnisation s’élève à 430 euros par mois, le montant est ensuite dégressif en fonction du temps de travail effectué (278 euros pour une activité inférieure ou égale à un mi-temps et 160 euros pour un temps de travail entre 50 à 80 %). Pour rappel, le système a fait l’objet d’une refonte, en 2014, avec la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et a ainsi réduit la durée du congé parental de deux à trois ans.

Un congé parental de moins en moins plébiscité

Force est de constater que la réforme de 2014 n’a pas apporté les résultats escomptés. En effet, le congé parental reste presque exclusivement féminin et ignoré par les pères. Une insuffisance pointée par le rapport qui souligne que « selon le Haut conseil de la famille de l’enfance et de l’âge (HCFEA) la prestation s’est dévalorisée de 38 % au regard du salaire mensuel par tête (SMPT) depuis 1994 ». Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires a dangereusement chuté passant de plus de 520 000 en 2011 à environ 220 000 en 2021. Logiquement, le nombre de pères bénéficiaires a « décru de 19 000 en 2014 à 15 000 en 2020 ».

 « Quand on compare à d’autres secteurs comme la vieillesse ou la maladie, la famille est un des secteurs où l’Etat accompagne le moins, c’est incompréhensible. Le dispositif n’est pas incitatif, la fiscalisation et la proportionnalité des indemnités (en fonction du temps de travail) sont des aberrations », déplore Olivier Henno. La plupart des acteurs politiques et associatifs appellent en effet à une nouvelle mouture du congé parental. « Il y a des dispositions à modifier comme l’impossibilité pour les deux parents de toucher chacun une indemnisation », souligne Elsa Foucraut, porte-parole de l’association Parents & Féministes. Alors que la situation se dégrade, Olivier Henno y voit un « véritable choix de société, il y a urgence à ce que le gouvernement réinvestisse le champ de la politique familiale, délaissé depuis 10 ans ».

 « L’indemnisation est le problème clé du recours au congé parental qui s’est effondré depuis la réforme de 2014 »

 « L’idée d’Aurore Bergé est pertinente, l’indemnisation est le problème clé du recours au congé parental qui s’est effondré depuis la réforme de 2014, c’est ce que nous identifions dans notre rapport », rappelle Olivier Henno. « Le minimum du minimum, j’en fais une question de dignité, c’est de porter l’indemnisation au niveau du RSA, mais même à ce niveau c’est insuffisant. Il faut tendre vers le SMIC, rapidement », continue le sénateur du Nord. Malgré un climat de réduction des dépenses publiques la manœuvre ne semble pas irréaliste pour Olivier Henno qui avance que « la branche famille de la sécurité sociale est excédentaire de 2 milliards d’euros, donc les moyens existent. C’est un choix politique d’utiliser cet excédent pour compenser les déficits des autres branches et non pour abonder le congé parental ».

La faiblesse de l’indemnisation proposée encourage également le conjoint bénéficiant du revenu le moins élevé à prendre le congé parental. « Agir sur l’indemnisation est essentiel, cependant si on agit uniquement sur cet élément, on peut imaginer un recours plus important mais très féminin. Il faut donner une liberté de choix et éviter une répartition des rôles entre parent principal et secondaire. On observe déjà une tendance au retour des femmes à la maison », affirme Elsa Foucraut.

 « Il faut allonger la durée du congé paternité et revaloriser le service public de la petite enfance »

Si l’augmentation de l’indemnisation peut effectivement favoriser le recours au congé parental, cela ne garantit pas d’être préservé d’une répartition genrée. Une nouvelle réduction de la durée du congé peut d’ailleurs être perçue comme un obstacle. « On ne peut qu’être vigilant sur la durée, la réforme de 2014 a raccourci le temps de congé et a eu pour principal effet de réduire le recours au congé parental. C’était avant tout pour des motifs budgétaires », prévient Elsa Foucraut. « Le congé parental est une compensation pour la garde d’enfants. Le raccourcir n’est pas forcément une mauvaise idée dans la mesure où un congé de deux ans peut avoir une dimension excluante pour des mères trop longtemps éloignées du marché du travail », analyse Catherine Bonneville-Morawski, créatrice et directrice générale du cabinet-conseil Eragina spécialisé dans le développement des carrières et du leadership des femmes.

De manière générale, une plus grande implication des pères semble fondamentale pour permettre un recours plus important au congé parental. « Pour assurer un équilibre Femmes-Hommes dans le congé parental, il faut allonger la durée du congé paternité et revaloriser le service public de la petite enfance. Ces mesures permettraient au parent ayant le revenu le plus important de bénéficier du congé, même à temps partiel », souligne Elsa Foucraut.

 

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