Femme et poussette bebe

Congés parentaux : deux sénateurs souhaitent réformer le système d’indemnisation

Instaurée le 1er janvier 2015, la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), qui permet d’indemniser des parents interrompant partiellement ou totalement leur contrat de travail et mieux répartir les congés entre les sexes, ne donne pas entière satisfaction. Le Sénat se penche sur une réforme du système.
Thomas Fraisse

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« Une nouvelle réforme est nécessaire ». La réponse du rapport des sénateurs Olivier Henno (UC) et Annie Le Houerou (SER) est sans appel : la réforme votée en 2014 par le Parlement, qui modifie le complément de libre choix d’activité (CLCA) en prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) n’est pas efficace. Disponible à tous les jeunes parents d’un enfant de moins de trois ans, à condition d’avoir travaillé au moins huit trimestres entre les deux et les cinq dernières années (en fonction du nombre d’enfants à charge), l’indemnisation PreParE est attribuée de manière individuelle dès lors qu’un parent cesse complètement ou partiellement son activité professionnelle. « Le montant de la prestation dépend de la quotité d’activité professionnelle : 430 euros pour une interruption totale de travail, 278 euros pour un temps de travail inférieur ou égal au mi-temps et de 160 euros pour un temps de travail entre 50 % et 80 % », note les rapporteurs.

Mise en place au 1er janvier 2015, l’instauration de l’indemnité PrePaRe devait, d’après l’exposé des motifs de la loi, permettre aux parents de mieux répartir leurs « responsabilités parentales au sein du couple pour qu’elle ne joue plus systématiquement en défaveur des femmes ». L’idée était donc de permettre aux femmes de retourner plus vite à l’emploi en déléguant une partie de la charge de garde des enfants à leur conjoint. Selon les prévisions de 2014, l’assiette globale des bénéficiaires devait s’étendre, en particulier pour les pères.

Toutefois, la loi n’a pas eu l’effet escompté. Si en 2011, les parents étaient presque 524 000 à demander le CLCA, ils ne sont dix ans plus tard qu’un peu plus de 220 000 en ce qu’il concerne la PreParE, soit une baisse de 58 %. Pire encore, selon les sénateurs, « la réforme de 2014 a amplifié la désaffection des bénéficiaires pour la prestation ». Alors que le Parlement avait comme objectif le seuil des 100 000 pères indemnisés par an, ils ne sont que 15 000 à bénéficier du système, soit une baisse de 4 000 personnes par rapport à 2014, et ne représentent que 6 % des bénéficiaires. Ainsi, entre 2014 et 2022, ces diminutions en pagaille ont conduit à une contraction de dépenses annuelles d’environ 1,2 milliard d’euros. « C’est bien la preuve que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Est-ce bien le cas ? À l’époque, le souci n’était-il pas de faire des économies budgétaires ? Si c’était l’objectif, il est réussi », se désole le sénateur Olivier Henno.

Redorer l’attractivité du système

« Ça fait partie des questions fondamentales liées à la branche famille : tenter d’identifier ce qui explique la difficulté de maintenir un taux de natalité qui permet le renouvellement des générations dans notre pays. La situation est critique. Il y a vraiment urgence ! », alerte Olivier Henno. Cette perte d’attractivité de la PreParE est, selon lui, un rouage supplémentaire à une natalité dans une situation catastrophique. Les deux sénateurs proposent donc, dans leur rapport, de redonner de l’attractivité au système pour tenter d’infléchir les courbes. « Les hommes ne veulent toujours pas sacrifier leur carrière, les femmes ne le veulent plus. Le résultat ce sont moins d’enfants. Il ne faut pas que les enfants signifient un sacrifice », martèle le sénateur.

De prime abord, Annie Le Houerou et Olivier Henno se penchent sur le montant des indemnités. « L’indemnisation des congés parentaux a considérablement perdu en attractivité en raison du faible montant de la prestation. En 2023, elle ne représente qu’un tiers du salaire minimal interprofessionnel de croissance (Smic) », estime le rapport. Olivier Henno ajoute : « On ne peut pas imaginer que le montant de la PreParE soit inférieur au RSA ». Ainsi, la première proposition des sénateurs est d’aligner le montant de l’indemnité sur le RSA, soit actuellement 607,75 euros, ce qui correspond à une augmentation de 41 % par rapport au montant d’indemnisation actuel. Dans l’idéal, Olivier Henno souhaite même aller plus loin. « Il faudrait une PreParE où l’on introduit une proportionnalité. C’est vraiment la clé. Par exemple à hauteur de 70 % du revenu ». Pourtant, bien qu’elle ait été discutée, cette proposition n’est pas formulée dans le rapport voté par la commission des affaires sociales.

« Le gouvernement devrait prendre à bras le corps le problème de la natalité »

La réforme de 2014 n’a pas apporté que son lot de déconvenues. L’un des objectifs de cette dernière, à savoir favoriser l’emploi des femmes après leur congé maternité, a été rempli. France Stratégie met en lumière dans sa dernière étude sur le sujet que presque 40 % des mères de jeunes enfants occupent un poste à temps plein, soit une augmentation de neufs points par rapport à 2014. Pour favoriser le retour à l’emploi, les sénateurs pensent, cependant, qu’il faut aller encore plus loin. Ils proposent d’encourager à recourir à la PreParE accompagnée d’un travail partiel, en supprimant les conditions d’accès. D’après le rapport, à la sortie d’une PreParE à taux partiel, 90 % des parents exercent un emploi contre 57 % pour ceux à taux plein.

« Il faudrait faire un effort auprès des employeurs pour que quelqu’un qui saisisse la PreParE ne soit pas pénalisé. Aujourd’hui, l’âge du premier enfant est passé de 29 à 31 ans », s’émeut Olivier Henno. « Il y a des hésitations à enfanter donc on procrastine ». Permettre aux parents de jeunes enfants de percevoir un revenu plus conséquent et d’être assurés de trouver un emploi à la sortie du congé sont donc des clés indispensables, selon la commission des affaires sociales, en ce qu’il concerne la politique en matière de natalité. Or, Olivier Henno ne se fait pas d’illusions : « Nous, on pourrait déposer une proposition de loi, mais on améliore seulement la marge. Il ne faut pas uniquement des effets d’annonce. Le gouvernement devrait prendre à bras le corps le problème de la natalité. On ne fera pas l’économie d’une grande loi famille, dont l’impulsion devra être gouvernementale ».

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