Coronavirus : « Les contrats d’assurance n’avaient pas prévu ce type d’aléa »

Coronavirus : « Les contrats d’assurance n’avaient pas prévu ce type d’aléa »

Restaurants, salons de coiffure, les pertes d’exploitation de milliers d’entreprises touchées par le coronavirus ne sont pas couvertes par les contrats d’assurance. Le secteur va débloquer 200 millions d’euros. Insuffisant pour beaucoup, qui réclament un « état de catastrophe naturelle sanitaire ».
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Par Samia Dechir

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Depuis qu’elle a dû fermer son salon de coiffure parisien, Karima Chamon perd 2000 euros par jour. Très vite, elle a parcouru le contrat de l’assurance qu’elle paie 61 euros par mois, et s’est rendu compte que ses pertes d’exploitation ne seraient pas couvertes. « C’est dramatique pour les petites entreprises. Moi j’ai la chance d’avoir un peu de trésorerie pour tenir un ou deux mois, et d’avoir un mari qui travaille, parce que là je ne vais pas rentrer de salaire. Mais honnêtement je n’attendais rien de mon assurance, je la prends parce que c’est obligatoire ».

200 millions d’euros promis pour le mois de mars

Mercredi 25 mars, lors des questions au gouvernement, les sénateurs ont interpellé Édouard Philippe sur le sort de ces milliers de petites et moyennes entreprises. Face au coronavirus, elles ne peuvent pas faire jouer leur assurance comme lors d’une catastrophe naturelle ou un incendie. « Les contrats d’assurance n’avaient pas prévu ce type d’aléa » a reconnu le Premier ministre. Mais l’exécutif assure que le secteur est mobilisé, en participant au fonds de solidarité « à hauteur de 200 millions d’euros pour le mois de mars » pour soutenir les TPE et indépendants. Les assureurs se sont également engagés à maintenir les droits des entreprises qui ne seraient plus en mesure d’honorer leurs cotisations. Enfin, gouvernement et assureurs réfléchissent à la création d’un nouveau type de couverture lié à ce type d’aléa.

 

Edouard Philippe: « Les contrats d'assurance n'avaient pas prévu ce type d'aléas »
03:00

Un fonds de gestion des risques sanitaires à l’étude

Mais pour l’instant, « le gouvernement n’apporte pas vraiment de réponse », juge le sénateur Jean-Pierre Decool. L’élu du groupe Les Indépendants-République et Territoires propose la création d’un fonds national de gestion des risques sanitaires. Sur le modèle de ce qui existe aujourd’hui pour les calamités agricoles, il serait alimenté à la fois « par des cotisations supplémentaires, et une subvention inscrite au budget de l’État ». Avec d’autres parlementaires, il réfléchit à une proposition de loi. « Aujourd’hui la couverture assurantielle ne prend pas en charge les pandémies. C’est une carence. Il est important de faire des propositions pour mettre en place un dispositif pour l’avenir ». Mais l’avenir, c’est trop loin pour le restaurateur parisien Stéphane Jégo. « On nous dit qu’on va réfléchir à de nouveaux contrats pour l’après. C’est-à-dire que pour la prochaine pandémie on aura peut-être quelque chose. Mais en attendant on fait quoi ? On ferme ! »

Décréter « l’état de catastrophe naturelle sanitaire »

Depuis la fermeture, son restaurant « L’ami Jean » perd 9000 euros par jour. « Quand j’ai appelé mon assureur, tout ce qu’on m’a répondu c’est “ce n’est pas prévu par les contrats”, impossible de discuter » regrette Stéphane Jégo. Le 17 mars, il a lancé une pétition, pour appeler le Ministre de l’Économie Bruno Le Maire à décréter « l’état de catastrophe naturelle sanitaire ». Un terme qui n’existe pas juridiquement, mais qui permettrait, selon lui, une indemnisation des entreprises par les assurances. Car les contrats prévoient bien une couverture des risques liés aux catastrophes dites naturelles. Sa pétition a déjà recueilli plus de 80 000 signatures.

« Leurs 200 millions d’euros, c’est du mépris »

À la tête de 18 salariés, ce patron ne demande pas l’indemnisation de l’intégralité de ses 9000 euros de pertes journalières, mais au moins une partie. « Les 200 millions d’euros que les assurances ont mis au pot, c’est du mépris. En 2018, ils ont fait un chiffre d’affaires de 220 milliards d’euros, et le secteur des réassurances 234 milliards d’euros. On n’est pas stupides, on ne veut pas mettre leur secteur par terre. Mais il faut que les assureurs nous écoutent, il faut arriver à un compromis ! » juge le restaurateur.

« Les assurances doivent prendre leurs responsabilités »

Un geste, c’est aussi ce qu’espère Yohan Chouraqui, président de l’entreprise Hexagone Manufacture, qui fabrique des robots nettoyants pour piscines à Argenteuil. Sur son chiffre d’affaires des quinze derniers jours, il estime la perte à 90%. Non couverte par son contrat d’assurance, qu’il paye 20 000 euros par an. « Il faut aussi les comprendre » juge le chef d’entreprise, « ils ne peuvent pas encaisser le choc pour toutes les entreprises françaises à la fois ». Pour Yohan Chouraqui, ce n’est pas aux assureurs d’assumer les ventes qui ne se feront pas à cause du coronavirus. Mais elles doivent « prendre leurs responsabilités » pour tout ce qu’on peut concrètement chiffrer, tous les contrats et ventes déjà conclus, et qui ne pourront pas être honorés. « Par exemple, moi j’ai des contrats de maintenance sur des robots avec des piscines fermées qui évoquent le cas de force majeure pour suspendre le contrat. Est-ce que dans ce cas-là, c’est à l’assurance de prendre en charge ? Je pense que oui.»

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