Couvre-feu à 21h : « Un reconfinement » pour le secteur de la culture

Couvre-feu à 21h : « Un reconfinement » pour le secteur de la culture

Face au couvre-feu à 21h mis en place dans certaines métropoles, les sénateurs dénoncent « le coup de massue » donné aux entreprises culturelles dont une partie de la programmation se fait en soirée.
Alexandre Poussart

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« C’est un véritable désastre pour le secteur de la culture », estime Jean-Raymond Hugonet, sénateur Les Républicains, après l’annonce d’un couvre-feu à 21h dans certaines métropoles durant les six prochaines semaines. Les salles de cinéma, de théâtre, de spectacle vivant devront renoncer à leur programmation à partir de cet horaire. « Pourquoi 21h et pas 22h pour faciliter la programmation des salles de cinéma et des salles de spectacles ? C’est encore une décision sans concertation », regrette le sénateur de l’Essonne. 

« On sacrifie la culture et la restauration » 

« C’est un reconfinement du secteur culturel » estime Pierre Ouzoulias, sénateur communiste. « Mais Emmanuel Macron aurait dû le dire clairement. Nous sacrifions pour des raisons sanitaires la culture et la restauration. Les Français auraient pu le comprendre et en contrepartie la solidarité nationale serait venue en aide massivement à tous ces professionnels. »

Avancer les horaires des spectacles ?

Certains établissements travaillent déjà à avancer les horaires des représentations. « A l’Opéra de Rouen, on va faire en sorte que le concert se termine à 20H30, mais ce n’est pas évident », explique la sénatrice centriste de Seine-Maritime Catherine Morin-Desailly. « Ce couvre-feu révolutionne notre mode de vie latin », s’inquiète Laure Darcos, sénatrice LR de l’Essonne. « Cela signifie qu’on devra vivre à l’anglo-saxonne, quitter le travail à 17h, dîner à 18h, et aller au spectacle à 19h. Cela va être très compliqué. Peut-être que les 2-3 jours de télétravail préconisés par Emmanuel Macron pourraient nous permettre d’adopter ce mode de vie. »

Un protocole sanitaire strict dans les lieux culturels

Ce couvre-feu est perçu d’autant plus comme une injustice par les acteurs concernés que les lieux culturels recevant du public ont déjà mis en place des protocles sanitaires strictes pour réouvrir. « Les spectacles se tiennent dans des conditions sanitaires drastiques, débattues avec le gouvernement, avec des jauges de spectateurs, le port du masque, de la distanciation », rappelle Catherine Morin-Desailly. « Je ne vois pas pourquoi je prends plus de risque à aller dans une salle de cinéma le soir que dans un RER bondé le matin », se demande Pierre Ouzoulias. Ce jeudi après-midi, le Premier ministre Jean Castex a annoncé que la règle d’1 siège occupé sur 2 serait imposée dans les salles recevant du public assis. Pour les lieux recevant des visiteurs debout, comme les musées, les jauges devront être adaptées pour respecter un espace de distanciation de 4 mètres carré.

Des dérogations au couvre-feu pour ces activités culturelles ?

La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, doit échanger aujourd’hui et demain avec les professionnels du secteur pour s’adapter à ce couvre-feu. 

Faut-il mettre en place des dérogations pour les spectateurs de ces événements culturels ? « Le ticket de spectacle serait un justificatif pour aller au-delà de ce couvre-feu. L’assouplissement de cet horaire de 21h permettrait d’épargner le secteur », explique Laurent Lafon. « Ce serait formidable », renchérit Laure Darcos, « cette dérogation inciterait beaucoup d’habitants des métropoles confinés chez eux le soir à aller au spectacle ! »

Un accompagnement économique pour un secteur fragilisé

Avant l’annonce de ce couvre-feu, les pertes de chiffres d’affaires en 2020 pour le spectacle vivant s’élevaient à 72%. Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a indiqué ce jeudi après-midi que tous les secteurs touchés par cette nouvelle mesure, et notamment le secteur culturel, auraient accès au chômage partiel, au fonds de solidarité et au prêt garanti par l’Etat. Le plan de relance consacre également 2 milliards d’euros à la culture. « Il ne faut pas que cet argent, prévu pour la relance de toutes ces professions, ne serve à financer des mesures d’urgence », alerte Laurent Lafon, très inquitet pour l’avenir de tous ces métiers. « Quand on perd des artistes, on ne les retrouve pas le lendemain à Pôle emploi », conclut Pierre Ouzoulias.

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