Crimes de guerre en Ukraine : quelle est la compétence du parquet antiterroriste français ?
Le parquet national antiterroriste (Pnat) français a ouvert plusieurs enquêtes pour crime de guerre commis au préjudice de ressortissants français en Ukraine depuis l’invasion de la Russie. Il y a quelques mois un arrêt de la Cour de Cassation avait fortement limité la compétence de la justice française en matière de crimes internationaux. Explications.

Crimes de guerre en Ukraine : quelle est la compétence du parquet antiterroriste français ?

Le parquet national antiterroriste (Pnat) français a ouvert plusieurs enquêtes pour crime de guerre commis au préjudice de ressortissants français en Ukraine depuis l’invasion de la Russie. Il y a quelques mois un arrêt de la Cour de Cassation avait fortement limité la compétence de la justice française en matière de crimes internationaux. Explications.
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Ce sont désormais quatre enquêtes ouvertes par le parquet national antiterroriste (Pnat) français depuis l’invasion russe d’Ukraine. Après celle qui a fait suite au décès du journaliste franco-irlandais, Pierre Zakrzewski, le 14 mars près de la capitale ukrainienne, le parquet a annoncé ce mardi avoir lancé de nouvelles investigations pour des faits commis à Marioupol (sud de l’Ukraine) entre le 25 février et le 16 mars, à Gostomel (région de Kiev) entre le 1er et le 12 mars et Tcherniguiv (nord) depuis le 24 février, date à laquelle les troupes russes ont envahi l’Ukraine, a précisé le Pnat, dans un communiqué.

Le parquet explique que les faits « susceptibles d’être qualifiés de crimes de guerre » sont « matérialisés par des atteintes volontaires à l’intégrité psychique, des attaques délibérées contre des personnes civiles ne prenant pas part aux hostilités, des privations délibérées de biens indispensables à la survie de personnes civiles et/ou des attaques délibérées contre des biens à caractère civil, des vols, destructions et détériorations de biens ».

Qu’est-ce que le parquet national terroriste et qu’elles sont ses missions ?

Il a été créé par la loi de programmation (2018-2022) et de réforme de la justice. Mis en place en juillet 2019, il est compétent dans la répression des crimes et délits terroristes, les crimes et délits relatifs à la prolifération des armes de destruction massive et les crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Cette dernière compétence relevait auparavant d’une section du parquet de Paris.

Quelle est la compétence du Pnat ?

Sur le principe, la justice française peut ouvrir des enquêtes pour des faits commis en dehors du territoire français, si une victime est française, si l’auteur du crime de guerre allégué est français ou si l’auteur de l’infraction a sa résidence habituelle sur le sol français. Mais des « verrous » lorsqu’il s’agit de crimes internationaux.

« La compétence universelle » permet aux magistrats des pays signataires du statut de Rome qui crée la Cour pénale internationale, de juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides, même s’ils ont été commis à l’étranger. Néanmoins, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, nécessitent une « double incrimination » pour être poursuivis en France. C’est-à-dire que cette incrimination doit être reconnue par le pays dont l’auteur présumé est ressortissant.

Un arrêt de la Cour de cassation vient limiter la compétence universelle de la France

Or en novembre 2021, un arrêt de la Cour de cassation avait fait grand bruit. La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire avait jugé la justice française incompétente pour poursuivre Majdi Mustafa Nema, un ex-soldat de Bachar al-Assad, mis en examen à Paris pour complicité de crimes contre l’humanité, au motif que la loi syrienne ne réprime pas les crimes contre l’humanité. De quoi mettre en arrêt la quarantaine d’enquêtes préliminaire menées par les 26 magistrats du Pnat en matière de crime contre l’humanité.

Il est à noter que la Russie n’a pas, elle aussi, signé le statut de Rome.

Un des combats du sénateur Jean-Pierre Sueur

Cet arrêt avait suscité l’embarras de l’exécutif. Dans un communiqué commun, la Chancellerie et le ministère des affaires étrangères étaient « prêts » à faire évoluer la législation sur la compétence de la justice française en matière de crimes internationaux. Pourtant deux ans plus tôt, le gouvernement s’était opposé aux amendements en ce sens déposés par le sénateur socialiste, Jean-Pierre Sueur. Le vice-président de la commission des lois avait réussi à obtenir que le crime de génocide puisse être réprimé en France en l’absence de cette condition de double incrimination, mais pas les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

Hasard du calendrier, ce lundi 4 avril, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a infirmé l'arrêt la Cour de cassation en décidant que Majdi Mustafa Nema, pouvait être mis en examen en France et possiblement jugé pour torture ou acte de barbarie, disparition forcée, crime de guerre et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime ou d’un délit de guerre ». La Cour d’appel a motivé sa décision par le fait que «le  nombre d’autres crimes et délits de guerre tels que définis dans le code pénal français sont prévus par équivalence dans la législation syrienne, et sont conformes à la volonté affichée de ce pays de lutter contre ces infractions ».

 

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