La question du pouvoir des géants du numérique et des données personnelles n’est pas nouvelle, mais la proposition de loi du sénateur communiste Alexandre Basquin propose de s’attaquer à des acteurs moins connus du grand public que Google ou Meta, les « data brokers » (courtiers de données). Ces quelque 4000 entreprises s’appellent Acxiom, Epsilon ou Cambridge Analytica – pour la plus célèbre d’entre elles depuis l’utilisation des données de Facebook par l’équipe de Donald Trump lors de la campagne présidentielle de 2016 – et représentent un marché global de 400 milliards d’euros.
Un « intérêt légitime » des entreprises à traiter des données
Alexandre Basquin compare le modèle économique de ces intermédiaires à celui des grands groupes pétroliers, en ce qu’il repose sur l’extraction, le raffinage et la revente des données personnelles à d’autres acteurs. « L’extraction passe principalement par les applications, même les plus innocentes comme Candy Crush, qui mettent en place un ‘consentement arraché’ des données par des conditions générales d’utilisation illisibles. Le raffinage de ces données est ensuite organisé par ces algorithmes qui segmentent l’audience jusqu’à la prédiction. Enfin, ces données sont revendues à des entreprises qui pourraient être intéressées, mais aussi des administrations, des Etats, ou des partis politiques », développe le sénateur communiste.
Le commerce de ce pétrole du XXIème siècle qu’est la donnée pose des problématiques éthiques, mais aussi d’accaparement des ressources par un marché « pas du tout réglementé » et que « le grand public ne soupçonne pas. » D’après le sénateur qui n’est lui-même pas présent sur les réseaux sociaux, la réglementation actuelle n’est pas assez protectrice des utilisateurs. Le sénateur du Nord met notamment en cause l’article 6 du désormais célèbre Règlement général sur la protection des données (RGPD) qui garantit un « intérêt légitime » des entreprises à collecter des données lorsque leur traitement a lieu dans le cadre de la relation client, à des fins de prospection, pour prévenir la fraude ou pour garantir la sécurité du réseau.
« Les géants du numérique n’existent qu’à travers nous »
« Il faut des mesures beaucoup plus radicales », estime Alexandre Basquin, qui défend une mesure « plus radicale » : l’interdiction pure et simple de la collecte et de la vente de données personnelles à des tiers. « C’est un enjeu civilisationnel », affirme-t-il en misant sur un « sursaut citoyen » sur cette question.
Face à la puissance d’acteurs « que l’on traite comme des chefs d’Etat », le sénateur communiste voit d’abord dans son initiative un moyen de « démocratiser » et « politiser » une question technique auprès du grand public. « Facebook se vante de compter 3 milliards d’utilisateurs, mais à la fin, ces géants du numérique n’existent qu’à travers nous », veut croire Alexandre Basquin.