De la Rome antique à l’État islamique : la destruction du patrimoine comme trophée de guerre
« On ne peut pas ne pas s’émouvoir, ça fait mal ». A l’évocation des destructions patrimoniales au Moyen-Orient, c’est avec ces mots que Bariza Khiari, vice-présidente de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH) réagit. En 2015, les sites archéologiques de Palmyre, Ninive et Hatra, ainsi que les villes de Mossoul et de Racca, ont été les principales cibles des exactions de l’Etat islamique. Pourquoi le patrimoine est-il la cible des combattants ? Quelle en est la symbolique ? Ce phénomène est-il nouveau ? C’est à ces questions que répondent Guillaume Erner et ses invités dans Un monde en docs, sur Public Sénat.
Par Flora Mansiet
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Le patrimoine, cible des guerres de tout temps
« Le lien entre la destruction d’un patrimoine et les conflits armés est immémorial », introduit Vincent Négri, juriste, chercheur à l’Institut des Sciences sociales du Politique. « De tout temps lorsqu’on a fait la guerre, on s’en est pris à la culture de l’autre, pour effacer son identité et substituer un ordre culturel à un autre ordre culturel » explique-t-il.
A Londres, à Berlin, à Paris, il faut rappeler que nos institutions sont archi pleines d’œuvres détruites ailleurs. C’est ça le sort du patrimoine
Les Romains déjà, avant Jésus-Christ, n’avaient pas hésité à détruire et spolier les œuvres et le patrimoine. Napoléon lui aussi s’en est pris au patrimoine de ses adversaires. Si bien que nos propres musées existent en partie suites aux destructions et aux captations commises au cours des siècles par nos grandes puissances européennes : « Pour qu’un temple mésopotamien se trouve au Louvre, il faut bien qu’il ait été détruit quelque part. À Londres, à Berlin, à Paris, il faut rappeler que nos institutions sont pleines d’œuvres détruites ailleurs. C’est ça le sort du patrimoine », rappelle Bruno Nassim Aboudrar, professeur en histoire et théorie de l’art à l’Université Sorbonne Nouvelle.
"Au nom du patrimoine" de Thomas Raguet
Pour comprendre les destructions commises par l’État islamique au Moyen-Orient et les replacer dans un temps long, Bruno Nassim Aboudrar insiste sur une distinction : « Il y a d’un côté l’iconoclasme, c’est-à-dire la destruction des images, qui existe depuis des siècles. De l’autre, il existe une notion beaucoup plus politique qui est celle du vandalisme. Le vandalisme est né à la Révolution française. Dans le cas de Daesh, on assiste à un mélange des deux, ce qui est assez exceptionnel ».
Un paroxysme atteint par l’Etat islamique ?
Ce qui change aujourd’hui avec Daesh c’est que les images circulent et nous heurtent
Daesh est-il allé plus loin dans les exactions que ce à quoi nous avions assisté auparavant ? Pourquoi ses actions contre le patrimoine ont-elles tant ému ?
« L’histoire des destructions et des captations de patrimoine est une histoire longue mais ce qui change aujourd’hui avec Daesh, c’est que les images circulent et nous heurtent », reprend Vincent Négri. Des images, mises en scène et relayées en masse sur les réseaux sociaux, sur lesquelles on y voyait des hommes armés détruire à coups de marteaux des œuvres ancestrales ou faire exploser des mosquées et des mausolées.
« Ce qui nouveau et paradoxal avec l’État islamique, c’est qu’ils ont détruit des éléments de leur propre culture », ajoute Bariza Khiari.
…Qui a éveillé les consciences
« Après la destruction de Palmyre, l’Occident a pris conscience que nous perdions tous quelque chose, affirme la vice-présidente d’ALIPH. Cette prise de conscience commence à porter ses fruits aujourd’hui face aux crimes commis par Daesh ».
C’est aussi ce que pense Ernesto Ottone, sous-directeur général pour la culture de l’UNESCO qui se félicite que la communauté internationale s’empare du sujet : « Depuis 20 ans, il y a des condamnations verbales, mais surtout de nouvelles résolutions internationales qui parlent directement de crime de guerre » rappelle-t-il. Ainsi, en 2016, un combattant islamiste a été jugé et condamné pour des actes de destruction du patrimoine devant la Cour pénale internationale.
Pour aller plus loin :
Vincent Négri, Le patrimoine culturel, cible des conflits armés(2014 – Bruylant)
Bruno Nassim Aboudrar, Les dessins de la colère, (2021 - Flammarion)
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