Débats télévisés : qu’en pense Alain Duhamel ?
Pionnier, Alain Duhamel fut le premier à organiser un duel télévisé entre les deux candidats à la présidentielle. En compagnie de Jacqueline Baudrier, il présente le face-à-face entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand en 1974, un évènement inédit à l’époque. Plus de quarante ans après, cette pratique s’est imposée comme une tradition dans la campagne. A l’occasion de l’enregistrement de l’émission l’Info dans le Rétro, il nous livre ses souvenirs et son analyse du traitement médiatique des derniers débats.

Débats télévisés : qu’en pense Alain Duhamel ?

Pionnier, Alain Duhamel fut le premier à organiser un duel télévisé entre les deux candidats à la présidentielle. En compagnie de Jacqueline Baudrier, il présente le face-à-face entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand en 1974, un évènement inédit à l’époque. Plus de quarante ans après, cette pratique s’est imposée comme une tradition dans la campagne. A l’occasion de l’enregistrement de l’émission l’Info dans le Rétro, il nous livre ses souvenirs et son analyse du traitement médiatique des derniers débats.
Public Sénat

Par Béatrix Moreau

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Qu’est ce qui a changé après le premier débat télévisé de 1974 ?

Le duel télévisé introduit une dimension de personnalisation du politique, une dramatisation de l’évènement mais induit aussi une plus grande mobilisation de l’électorat. La première émission est suivie par 25 millions de personnes, c’est un évènement à l’époque.
Cela oblige les politiques à devenir des professionnels de la télévision, ce qu'ils n’étaient pas auparavant. Certains s’étaient entrainés comme Valéry Giscard d’Estaing, les autres étaient, sinon des débutants, du moins des amateurs, comme François Mitterrand en 1974.

Les candidats aujourd’hui savent à quoi s’attendre, sont-ils pour autant mieux préparés ?

Les duellistes du second tour sont surement mieux préparés techniquement qu’auparavant, mais ce n’est pas forcément plus facile pour eux. Avec la banalisation des débats télévisés, il faut vraiment quelque chose de fort pour réussir à marquer des points pendant le duel final.

Le rôle des journalistes a-t-il lui aussi évolué parallèlement ? Ont-ils justement à déconstruire cette préparation ?

C’est peut être un peu optimiste de dire « déconstruire ». Au départ, il y avait un cahier des charges qui interdisait de poser des questions, c’était la condition du débat imposée par les candidats. Ils voulaient bien qu’on lance des thèmes mais refusaient les questions et à fortiori les relances.
C’était ça ou ils ne venaient pas, et comme on avait besoin d’eux…
Progressivement cela s’est assoupli mais de façon extrêmement modeste par rapport à ce qui se fait aux Etats-Unis. Le rôle des journalistes pendant le débat y est beaucoup plus influent, beaucoup plus important, beaucoup plus exigeant !

Alain Duhamel se souvient du duel présidentiel de 1974 : "Nous n'avions pas le droit de poser de questions"
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A l’heure où les candidats ont leur propre chaine sur Internet, ont-ils encore intérêt à participer à un débat télévisé ?

Evidemment ! Le public, l’affluence ne sont pas les même ! Pendant le débat de l’entre deux tours, ils sont assurés d’être vu par 15 à 17 millions de personnes, ce que ne permettent pas les réseaux sociaux !
En plus, il y a un effet de dramatisation qui n’existe que lors d’un duel à la télévision. Sur les réseaux sociaux, il n’y a pas de duel, il y a des performances individuelles, mais ce n’est pas du tout pareil.

La nouveauté de cette campagne, le débat à 11 candidats, était-elle une bonne idée d’après vous ?

C’était inévitable mais impossible. Du point de vue démocratique il n’y avait pas de raison de ne pas le faire, mais un débat à 11 n’est pas un débat. C’est une succession de déclarations, d’interjections et, dans le meilleur des cas, d’apostrophes.

Un intérêt pour la démocratie, mais un intérêt aussi pour le téléspectateur ?

Oui. Les téléspectateurs ont regardé jusqu’au bout, ce qui prouve leur intérêt pour la politique, mais aussi leur stoïcisme. Regarder un débat de 4h jusqu’à minuit et demi, il faut vraiment avoir envie de savoir ce qui va se passer, s’il va y avoir un dérapage. Tout le monde l’espère. Il y en a eu deux ou trois, c’était très bien.

 

Selon vous, un débat peut il faire basculer une élection ?

Rarement, le débat peut influencer une élection mais ne fait pas changer d’avis ceux qui le regardent. En revanche, il peut les ancrer dans leurs convictions et les mobiliser. Il ne faut pas croire que l’abstention est répartie de façon égalitaire entre les candidats, c’est cette mobilisation qui peut faire l’élection.

Qui est le candidat le plus performant médiatiquement dans cette campagne ?

Mélenchon par ce qu’il a fait. Macron par ce qu’il n’a pas raté.

Certains parlent aujourd’hui d’une « drôle » de campagne présidentielle, vous êtes d’accord avec eux ?

Oui, et cela est dû à plusieurs phénomènes. Les trois forces dominantes traditionnelles, le PCF, le PS et la droite gaulliste sont débordés. Les deux favoris des sondages ne sont pas passés par des primaires, ce sont des candidats autoproclamés. Marine le Pen a hérité du FN et Emmanuel Macron a fondé et incarne son parti « En Marche ! ».
L’autre fait marquant de cette campagne c’est sa judiciarisation. En 2002, Jacques Chirac était aussi pris dans des affaires mais l’ampleur n’était pas la même, tout comme le traitement médiatique qui en avait été fait. L’histoire des élections c’est aussi celle d’une déférence déclinante, le face à face entre François Fillon et Christine Angot (lors de l'émission politique de France 2 - NDLR)  en est l’expression caricaturale. 

 

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