Déconfinement par territoire : « Hormis le Finistère, la circulation du virus est très élevée partout »

Déconfinement par territoire : « Hormis le Finistère, la circulation du virus est très élevée partout »

Le ministre de la Santé est « ouvert à l’idée d’une approche territoire par territoire dans la levée des mesures ». Une annonce saluée par Jean-Luc Fichet, sénateur PS du Finistère, département le moins touché par le virus. « Ça pourrait être judicieux si on était certains, qu’on n’est plus dans une période épidémique violente », tempère le sénateur LR Alain Milon.
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Ça commence à aller (un peu) mieux. Mais beaucoup reste à faire. Dans un entretien accordé au Télégramme, le ministre de la Santé, Olivier Véran, constate une légère amélioration sur le front de l’épidémie de covid-19. Pas de quoi encore sauter de joie cela dit. « Depuis cinq jours, nous amorçons une décroissance de l’épidémie. Il y a moins de nouveaux cas au quotidien : on était montés à 40.000, on est aujourd’hui aux alentours de 33.000 cas chaque jour en moyenne », souligne le ministre de la Santé. Les mesures de freinage n’ont jamais un effet immédiat. Il faut bien compter 10 jours pour en voir les effets, et même plus sur les entrées à l’hôpital, le temps que la gravité des symptômes se déclarent. L’impact sur les réanimations et, in fine, les décès, apparaît encore après.

Quel calendrier ?

Reste que ces chiffres de circulation du virus restent très élevés, ce qui semble dire que les mesures prises ne sont pas suffisantes. Toujours est-il que l’exécutif planche sur le déconfinement et à la réouverture. Sur ce plan, Olivier Véran donne une nouvelle information : « Je suis ouvert à l’idée d’une approche territoire par territoire dans la levée des mesures de freinage, comme j’y étais favorable lors de leur mise en place », annonce le ministre. « Lorsqu’on envisage de lever un certain nombre de contraintes, il faut regarder la situation épidémique dans chaque territoire, la situation hospitalière et, de façon générale, le niveau de saturation des hôpitaux en France », précise-t-il.

Pour rappel, l’interdiction des déplacements interrégionaux court jusqu’au 3 mai. Il faut voir si le gouvernement maintien ou pas ce calendrier et autorise les déplacements à partir de cette date. Dans une interview à CBS, Emmanuel Macron a affirmé dimanche que « nous allons progressivement lever les restrictions début mai ». Quant à la réouverture des commerces ou des terrasses, le chef de l’Etat avait fixé l’horizon de la mi-mai. Le ministre de la Santé ne précise pas si, dans son esprit, ce relâchement territorialisé des mesures concerne les déplacements entre régions et/ou la réouverture des commerces.

« On est absolument favorables à cette approche territoriale », affirme Jean-Luc Fichet, sénateur du Finistère

Si Olivier Véran fait cette annonce au Télégramme de Brest, cela n’a rien lieu du hasard. Avec 91 cas pour 100.000 habitants, le département du Finistère est en effet celui où le taux d’incidence est le plus faible de métropole. Avec un taux de 211, la Nouvelle aquitaine a aussi un taux plus faible que la moyenne nationale, qui est à 353. En comparaison, il est encore énorme en Ile-de-France, avec un taux d’incidence de 556, ou de 520 dans les Bouches-du-Rhône.

On pourrait ainsi imaginer qu’un département comme le Finistère voit les mesures allégées avant les autres. Une perspective bien reçue localement. « Evidemment, on est absolument favorables à cette approche territoriale. Depuis le début, on a cette chance d’avoir un département moins touché que d’autres régions, comme la Bretagne dans son ensemble », réagit Jean-Luc Fichet, sénateur PS du Finistère.

L’interdiction d’aller sur la plage, lors de chaque confinement, a laissé des traces et plus d’un Breton circonspect. « Les gens sur la plage ou qui naviguent ne sont pas les plus exposés. Etre entouré de trois côtés par la mer, ça fait partie de nos rares privilèges. Et c’est quand même un département très venté, donc ça joue à l’extérieur », où le risque de contamination est très faible, souligne le socialiste.

« Dans l’immédiat, je ne pense pas que ce soit réalisable », affirme Alain Milon

Si cette perspective peut réjouir les Bretons, est-elle pour autant réalisable ? « Ça pourrait être judicieux si on était certains qu’on n’est plus dans une période épidémique violente. Or je ne suis pas sûr que pour l’instant, on y soit arrivé. Qu’Olivier Véran fasse l’annonce pour la suite, oui. Mais dans l’immédiat, je ne pense pas que ce soit réalisable », estime le sénateur LR du Vaucluse, Alain Milon.

« Le problème est qu’on a encore nos hôpitaux qui sont à flux tendus. Et qui ont des difficultés pour assurer ce qui doit être fait habituellement, car les lits de réanimation sont occupés », constate ce médecin et ancien président de la commission des affaires sociales du Sénat. Alain Milon ajoute :

Je pense que c’est plus une annonce pour satisfaire la population, qu’une annonce réalisable immédiatement.

« Emmanuel Macron reste sur un calendrier qui est déconnecté de l’évolution épidémiologique »

Même doute de la part du sénateur apparenté PS Bernard Jomier. Il se dit « un peu étonné, car ça n’a de cohérence que s’il y a grande hétérogénéité entre territoires ». « Si des territoires ont un niveau de circulation très faible du virus et d’autres un niveau élevé, c’est tout à fait cohérent de ne pas imposer des restrictions. Dans ce cas, c’est la bonne méthode. Mais ça doit s’accompagner de limitations de déplacement. Mais je n’ai pas le sentiment qu’on en soit là. La réalité, c’est que hormis le Finistère, la circulation du virus est très élevée partout sur le territoire », souligne le président de la mission d’information du Sénat sur les effets des mesures de restrictions sanitaires. On est en effet encore loin d’une grande hétérogénéité. « Le virus est extrêmement élevé partout. Il semblerait qu’il y ait l’ébauche d’un plateau, mais qui est à un niveau extrêmement élevé », met en garde le sénateur de Paris.

Reste que Bernard Jomier se dit « certain que le gouvernement va lever un certain nombre de mesures. Mais on sera bien au-dessus de ce qu’on était à la levée du confinement il y a un an. Certes, on a l’outil de la vaccination, qui va bien nous aider. Mais son déploiement est encore trop lent ». « Le chef de l’Etat a annoncé qu’il maintenait le calendrier, y compris la réouverture des écoles. C’est dans six jours donc. Il reste sur un calendrier qui est déconnecté de l’évolution épidémiologique. C’est un choix que fait le chef de l’Etat qui est dans la même stratégie : accepter un niveau élevé du virus. On ne lie pas reprise des activités et circulation faible du virus, comme en novembre », décrypte Bernard Jomier.

Un choix périlleux selon le socialiste. « Dans quelques semaines, on va certes reprendre une partie des activités, mais sans avoir d’autre stratégie sur le virus. Or va-t-on maintenir cette stratégie avec tous les risques, notamment avec l’apparition de variants, ou contrôler de façon plus importante le virus ? », interroge Bernard Jomier.

« Mettre un peu de tension dans le système est nécessaire », selon un responsable de la majorité présidentielle

Au sein même de la majorité, certains soulignent que les efforts ne doivent pas être relâchés. Ce matin, lors du petit-déjeuner de la majorité, l’un des participants est ainsi « intervenu pour dire qu’il fallait faire attention à ne pas tomber dans trop de volontarisme, si on parle de réouverture de terrasses, pour ne pas induire un changement de comportement », raconte ce responsable de la majorité, selon qui « mettre un peu de tension dans le système est nécessaire ». Autrement dit, il ne faut pas que les choses soient prises comme acquises, ce qui amènerait les Français à relâcher leurs efforts trop tôt.

Alain Milon « souhaite », lui, qu’on arrive à tenir ce premier objectif du 3 mai. « C’est souhaitable car tout le monde en a ras le bol. Si ça ne se fait pas, on risque d’avoir de plus en plus de gens qui ne respectent plus le confinement. Donc on a tout intérêt à ce que le 3 mai, les déplacements puissent se faire à nouveau. Mais c’est le virus et les variants qui décident. Et pas Macron » dit-il. Quoique. Depuis le mois de janvier et le changement de stratégie, quand l’exécutif a décidé de ne pas confiner malgré la montée des chiffres, le chef de l’Etat a tenté de reprendre la main sur les horloges. Même contre le covid-19. Mais Olivier Véran met en garde : « Avec le covid-19 et ses variants, nous ne sommes jamais à l’abri de mauvaises nouvelles… » Et il ajoute : « Nous sommes toujours à un niveau très élevé de l’épidémie et la descente n’est pas encore suffisamment rapide et tranchée. Il nous faut continuer nos efforts ».

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