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Démographie : il y a désormais plus de décès que de naissances en France, une première depuis 1945

Alors que le croisement des courbes était censé avoir lieu en 2027, l’économiste François Geerolf constate, grâce aux chiffres de l’INSEE, que le nombre de décès a dépassé le nombre de naissances sur un an, entre mai 2024 et mai 2025. C’est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.
Emile Boissel-Dombreval

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Le jour de croisement des courbes est arrivé. Entre mai 2024 et mai 2025, 651 200 personnes sont mortes pour 650 400 naissances. Cette révolution démographique va très probablement s’inviter dans les débats politiques dans les prochaines années tant elle pose des questions pour notre modèle social.

Le 16 janvier 2024, Emmanuel Macron avait appelé à un « réarmement démographique » de la France. Le président de la République avait alors annoncé un plan contre l’infertilité et un congé de naissance pour relancer la natalité. Il réagissait au bilan démographique de l’INSEE pour l’année 2023 dans lequel était observée une baisse des naissances de 6,6% par rapport à 2022. Force est de constater que ces annonces n’ont en rien inversé les tendances.

Un croisement des courbes plus précoce que prévu

En mars 2025, l’Institut national d’études démographiques (INED) publiait un rapport intitulé « La population de la France va-t-elle diminuer ? » dans lequel les chercheurs Gilles Pison et Laurent Toulemon constataient que le solde naturel français (différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès en France) était passé entre 2019 et 2024 de 140 000 à 17 000. Les chercheurs projetaient alors un solde naturel négatif en 2027.

Un solde naturel négatif compensé par un solde migratoire positif

Malgré le net ralentissement du solde naturel, la population française a augmenté de 169 000 habitants en 2024, soit une hausse de 0,25%, mais principalement grâce à un solde migratoire positif. Selon le rapport de l’INED, « la croissance tient pour les neuf dixièmes à l’excédent des entrées sur les sorties du territoire (solde migratoire, estimé à 152 000 par l’Insee) et pour un dixième à l’excédent des naissances sur les décès (solde naturel) ». La population française va ainsi continuer à augmenter sur les deux prochaines décennies selon l’INED. Le solde migratoire deviendrait le seul facteur de croissance de la population française et devrait donc compenser la baisse de la natalité. Un plafond devrait être atteint dans les années 2040 avec 70 millions d’habitants.

Un phénomène expliqué par la baisse de la fécondité et la hausse de la mortalité

Dans un autre rapport paru le 9 juillet, l’INED constate que la fécondité a diminué en France ces dernières années. Alors que l’on comptabilisait deux enfants par femme en 2014, ce chiffre est descendu à 1,6 en 2024. Selon les auteurs du rapport, les jeunes souhaitent de moins en moins d’enfants : « La baisse des intentions de fécondité est beaucoup plus marquée pour les jeunes adultes de moins de 30 ans : le nombre total d’enfants souhaités a diminué de 0,6 enfant en moyenne en 20 ans. Il est passé de 2,5 à 1,9 enfant souhaité pour les femmes et de 2,3 à 1,8 pour les hommes ». En 2024, 663 000 naissances ont été recensées, soit le niveau le plus faible depuis la Seconde Guerre mondiale.

Selon l’INED, « les intentions de fécondité ont diminué dans tous les groupes sociaux, quels que soient le sexe, l’âge, le pays de naissance, le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle ou le niveau de vie ». Toutefois, les personnes inquiètes pour l’avenir et plus soucieuses de l’égalité de genre ont tendance à moins vouloir d’enfants que les personnes pas inquiètes ou plus traditionnalistes.

Face à cette tendance baissière de la natalité, on observe une tendance haussière de la mortalité du fait du vieillissement des personnes nées durant le « baby-boom ». Ce double phénomène mène donc vers un solde naturel négatif qui est appelé à se prolonger dans le temps.

Un phénomène européen

Au niveau de l’Union européenne, le solde naturel est négatif depuis 2012. La France faisait partie des derniers pays de la zone à pouvoir revendiquer un solde naturel positif. En 2023, 21 des 27 pays de l’Union présentaient un solde naturel négatif. La France était par ailleurs largement en tête parmi les grands pays européens. Seuls la Suède, Chypre, le Luxembourg, l’Irlande et Malte se targuent d’être dans les pays où les naissances excèdent les décès. Enfin, la France avait en 2022 et en 2023, l’indice conjoncturel de fécondité le plus élevé de l’Union européenne, selon l’INED. Cette inversion du solde naturel français classe désormais la France dans la majorité des pays de l’UE.

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