Dépénalisation de la prostitution en Belgique : « Une loi qui va protéger les clients et les proxénètes », dénonce Laurence Rossignol

Dépénalisation de la prostitution en Belgique : « Une loi qui va protéger les clients et les proxénètes », dénonce Laurence Rossignol

En Belgique, une loi vient de dépénaliser la prostitution. Les personnes prostituées auront les mêmes droits que les travailleurs indépendants. Pas de quoi satisfaire l’ancienne ministre des droits des Femmes qui a porté la loi de 2016 instaurant la pénalisation des clients, y voit « une libéralisation du marché du sexe » dont les personnes prostituées seront les premières victimes. 
Simon Barbarit

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Un statut, une protection sociale, une mutuelle… Une loi votée il y a trois mois qui entre en vigueur ce mercredi sort la prostitution de l’illégalité et surtout accorde aux personnes prostituées les mêmes droits que les travailleurs indépendants. « La Belgique est devenue le premier pays européen à dépénaliser la prostitution. Le proxénétisme reste un crime, mais les prostitué.e.s disposent désormais d’un statut », écrivait en mars dernier le site internet RTL Belgique.

Le terme « dépénaliser » peut ici prêter à confusion. Rappelons qu’en France, comme dans beaucoup d’autres pays dans le monde, l’activité prostitutionnelle en elle-même n’est pas sanctionnée. La loi du 13 avril 2016 a instauré la pénalisation des clients, une infraction punie d’une amende de 1500 euros, l’amende et qui peut aller jusqu’à 3750 euros en cas de récidive.

« En France, on confond toujours proxénétisme avec traite d’être humain »

De même, le code pénal punit l’activité de proxénétisme, un délit puni de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. « La dépénalisation de la prostitution veut dire que, comme la Nouvelle Zélande, la Belgique cesse de pénaliser les parties tierces qui ne commettent pas d’abus. Ça peut être le gérant d’un salon, un bailleur… C’est une des principales revendications du mouvement TDS (travailleurs du sexe) », se félicite Cybèle Lespérance porte-parole du Strass (Syndicat du travail sexuel) avant d’ajouter : « En France, on confond toujours proxénétisme avec traite d’être humain. Je travaille en Airbnb avec une collègue et je pourrai être poursuivie pour proxénétisme. Avec mon mari, nous faisons attention à avoir des comptes séparés. Il ne peut pas venir me chercher après le travail car il pourrait être poursuivi pour proxénétisme ».

« C’est un marché mafieux qui bénéficie de soutiens compassionnels »

La nouvelle loi belge prévoit en effet que tous les tiers qui soutiennent l’activité prostitutionnelle « ne peuvent plus être poursuivis, sauf en cas de profit anormal ». « Sur quels critères, va-t-on considérer qu’un profil est anormal ? Toutes ces lois qui prétendent protéger les personnes prostituées ne protègent en réalité que les clients et les proxénètes », déplore de son côté la sénatrice PS, Laurence Rossignol.

L’ancienne ministre des droits des Femmes qui a porté la loi de 2016 alerte sur « l’expansion du marché du sexe ». « C’est un marché mafieux qui bénéficie de soutiens compassionnels mais qui ne vise qu’à libéraliser le marché du sexe et d’en faire un business comme les autres. En Allemagne, dix ans après la légalisation de la prostitution en 2002, ce marché a été multiplié par quatre pour atteindre 14 milliards en 2013 », rappelle-t-elle.

« En Allemagne, ce n’est pas la même chose. Le modèle allemand est un modèle réglementariste qui oblige à travailler en salon. C’est un système a deux vitesses qui favorise l’exploitation car plus il y a de partie tierces plus les risques d’abus sont importants », souligne quant à elle Cybèle Lespérance.

En France, c’est l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) qui est compétent depuis 1958 pour réprimer les infractions relatives à la traite des êtres humains à vocation sexuelle et le proxénétisme », comme l’expliquait le mois dernier devant le Sénat, la commissaire divisionnaire à la tête de l’Office, Elvire Arrighi.

1300 « clients » sont verbalisés chaque année

Mais pour Laurence Rossignol, la loi de 2016 est insuffisamment appliquée. L’année dernière, la délégation aux Droit des femmes adressait une lettre ouverte au gouvernement sur la mise en application jugée encore trop faible du texte. Les signataires soulignaient que depuis 2016, seulement 1 300 « clients » sont verbalisés chaque année, avec 50 % des procédures en région parisienne.

De même en cinq ans, 2 % des personnes prostituées auraient eu recours au dispositif d’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (AFIS), proposée aux personnes prostituées en parcours de reconversion, introduit par la loi.

En 2022, le texte ne fait toujours pas l’unanimité. Notamment la pénalisation du client qu’elle a introduite, vue par une partie des concernés et militants comme une mauvaise mesure mettant en danger les personnes prostituées,

 

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