Robert Badinter – archives
ROBERT BADINTER, MINISTRE DE LA JUSTICE A LA SORTIE DU PREMIER CONSEIL DES MINISTRES DU GOUVERNEMENT DE PIERRE MAUROY EN 1981, PARIS, FRANCE.//SICCOLIPATRICK_Badinter.001

Dépénalisation de l’homosexualité : l’autre combat de Robert Badinter

En 1981, l’ancien Garde des Sceaux a soutenu la proposition de loi visant à dépénaliser l’homosexualité, aux côtés de Gisèle Halimi.
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Alors qu’en 1791, la France était le premier pays au monde à abolir les infractions réprimant l’homosexualité, le régime de Vichy les a rétablies en 1942. La loi Forni, rapportée par la députée Gisèle Halimi, et soutenue par Robert Badinter, sera finalement promulguée le 4 août 1982. Le texte, du nom du député socialiste Raymond Forni, alors président de la commission des Lois, abroge définitivement le « délit d’homosexualité ».

Une promesse de campagne de François Mitterrand

« Il n’est que temps […] de prendre conscience de tout ce que la France doit aux homosexuels », a déclaré Robert Badinter à la tribune de l’Assemblée Nationale le 20 décembre 1981. Le garde des Sceaux portait alors la voix d’une promesse de campagne faite quelques mois plus tôt par François Mitterrand. Fraîchement élu, le président de la République de l’époque avait décidé d’amnistier en août 1981 toutes les personnes ayant été condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982.

Dans son ouvrage Liberté, libertés, paru en 1976, Robert Badinter avait déjà commencé à travailler sur le concept de liberté, à la demande de François Mitterrand. Il avait notamment développé la notion de « liberté au corps » et déclarait au micro de Bruno Masure qu’ « il était temps de proclamer le droit au corps de tous, y compris des homosexuels, qui doivent être traités comme les autres ».

Sous Vichy, deux dispositions discriminatoires pénalisaient les relations sexuelles entre personnes de même sexe. D’une part, l’homosexualité était considérée comme une circonstance aggravante dans les cas d’outrage public à la pudeur. D’autre part, quiconque ayant « commis un acte impudique ou contre-nature avec un mineur du même sexe » pouvait encourir jusqu’à trois ans de prison et 20 000 francs d’amende. Bien que mineures civilement, les personnes concernées étaient majeures sexuellement. La proposition de loi socialiste visait donc à abolir un traitement différencié entre les hétérosexuels et les homosexuels.

Porter réparation aux personnes condamnées

Pendant les débats parlementaires, les associations LGBTQ + avaient largement soutenu le texte. Au mois de juin 1982, 15 000 militants avaient défilé à Paris comme le rappelle cette archive de l’INA. Ils réclamaient la suppression du texte de 1942, qualifié alors de « vestige du gouvernement fasciste de Vichy ».

La loi sera finalement adoptée le 27 juillet 1982 par l’Assemblée Nationale, avant d’être promulguée le 4 août 1982. Plus de 40 ans après, le sénateur socialiste Hussein Bourgi a déposé une proposition de loi visant à porter réparation aux personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982. Selon divers travaux de recherche, entre 10 000 et 50 000 personnes, principalement des hommes, ont été condamnés pour ce motif sur cette période.

Au mois de novembre, les sénateurs ont reconnu la responsabilité de l’État français dans la mise en place de politiques discriminatoires envers les homosexuels. Toutefois, la proposition d’une réparation financière de 10 000 euros  minimum n’a pas été retenue par la majorité. Le texte a été transmis en première lecture à l’Assemblée Nationale.

Myriam Roques-Massarin

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