Depuis les attentats de 2015, des progrès ont-ils été faits dans la lutte contre la radicalisation ?

Depuis les attentats de 2015, des progrès ont-ils été faits dans la lutte contre la radicalisation ?

Alors que s’ouvre ce mercredi le procès des attentats du 13 novembre 2015, retour sur les différentes mesures prises pour lutter contre la radicalisation islamiste.
Alexandre Poussart

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La lutte contre la radicalisation islamiste a longtemps été considérée comme un des échecs de la politique antiterroriste en France. « Un fiasco », si on reprend les termes du rapport de la mission d’information du Sénat sur le sujet, publié en 2017.

Les centres de déradicalisation : un projet mort-né

En ligne de mire d’abord, les centres de déradicalisation. En mai 2016, quelques mois après les attentats du 13 novembre 2015, le Premier ministre de l’époque Manuel Valls promet un centre de réinsertion des personnes radicalisées par région. Le premier centre est ainsi ouvert en Indre-et-Loire à Pontourny, mais ferme un an plus tard à cause du manque de résultats. Un échec déjà annoncé par les sénateurs de la commission d’enquête sur la radicalisation. Dans ce centre créé avec une capacité d’accueil de 25 places, seulement 9 personnes y ont résidé, au plus fort de son activité, et aucun n’a suivi le programme jusqu’à son terme. « Nous l’avions visité, le 3 février 2017, et à cette époque, une seule personne était présente. C’était inutile, « se souvient alors la sénatrice écologiste Esther Benbassa, à la tête de cette mission d’information. Le rapport de cette mission sénatoriale préconisait de mettre « l’accent sur l’individualisation, l’accompagnement sur mesure et la transversalité de la prise en charge » et d’assurer une meilleure resocialisation et réinsertion.

Des progrès dans la déradicalisation en milieu ouvert

Une leçon retenue dans les programmes de déradicalisation sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Ces programmes ont pris en charge en milieu ouvert des personnes condamnées pour des faits de terrorisme, dans le cadre d’un suivi individuel. A raison de plusieurs heures par semaine, l’individu radicalisé réalise des entretiens avec une équipe de psychologues, d’éducateurs et de référents religieux. » « C’est une méthode inspirée du Danemark où on réinsère l’individu radicalisé en lui trouvant un stage, un logement. C’est très efficace », explique Esther Benbassa.

Une méthode qui a porté ses fruits en France. Selon une étude de l’IFRI (Institut français des relations internationales), publiée en février dernier, « Parmi les dizaines de condamnés pour terrorisme, suivis en milieu ouvert, aucun n’a récidivé. » Cependant tout n’est pas parfait : « Depuis octobre 2018, 9 détenus de droit commun susceptibles de radicalisation sont retournés derrière les barreaux dont un lié à des menaces d’attentats. »

La prison, enjeu de prévention

Pour éviter la radicalisation terroriste en prison, les gouvernements successifs n’ont pas été avares en plans de prévention. Sous François Hollande, des unités dédiées pour les détenus radicaux ont été mises en place et en juin 2016, des programmes de prévention de la radicalisation ont été lancés dans 27 prisons.

Deux ans plus tard, le Premier ministre Edouard Philippe annonce un nouveau plan national de prévention de la radicalisation, centré sur la prison. 1500 places supplémentaires sont prévues dans les quartiers dits « étanches » abritant uniquement des détenus radicalisés. Les quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER), où la dangerosité des prisonniers est évaluée pendant plusieurs mois, doivent passer de trois à sept.

« De grands plans ont été annoncés mais il n’y a pas d’outils de contrôle et de suivi. L’évaluation de la lutte contre la radicalisation en prison est une catastrophe », déplore Nathalie Goulet, sénatrice centriste, à la tête d’une commission d’enquête sur les réseaux djihadistes en 2015. « On devrait également s’améliorer sur le statut des aumôniers dans les prisons car ils pourraient œuvrer dans la lutte contre la radicalisation. Mais rien n’a été fait sur ce point. « La sénatrice note néanmoins une avancée : « Des progrès ont été réalisés dans le renseignement pénitentiaire, qui a été développé et bien intégré aux autres services de renseignement. »

Encadrement renforcé des écoles hors contrat

Le contrôle par l’Etat des écoles privées hors contrat a été renforcé pour éviter l’endoctrinement des enfants. Une mesure qui s’inspire d’une proposition de loi de la sénatrice centriste Françoise Gatel. Toute ouverture d’une école privée hors contrat doit désormais faire l’objet d’une autorisation préalable. Le projet de loi de lutte contre le séparatisme est allé encore en plus loin en permettant au préfet de s’opposer à l’ouverture d’une école privée hors contrat soutenue par un Etat jugé « hostile » à la République.

Lutte contre la radicalisation dans les quartiers : « Le compte n’y est pas »

Pour les sénateurs de la majorité de droite sénatoriale, le projet de loi de lutte contre le séparatisme, débattu au printemps dernier, aurait pu mieux faire. « Dans la lutte contre la radicalisation islamiste au quotidien, dans les quartiers, le compte n’y est pas », estime la sénatrice (LR) Jacqueline Eustache-Brinio, qui a mené une commission d’enquête sur le sujet. En effet, plusieurs mesures votées par la droite du Sénat sur ce texte (interdiction du voile dans les sorties scolaires, pour les mineures, du burkini dans les piscines) ont été au final retirées par la majorité des députés LREM à l’Assemblée nationale, considérant qu’elles n’avaient aucun lien avec le séparatisme et la radicalisation islamistes.

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