Dérogations aux distances d’épandage retoquées : « Une grande victoire contre les pesticides » pour les sénateurs écologistes
Contraires à la Constitution. Voici ce que vient de statuer le Conseil constitutionnel sur les dérogations aux distances d’épandage de pesticides voulues par le ministère de l’Agriculture. « Un revers politique pour le gouvernement et surtout une première victoire qui en appellera d’autres », se félicitent les sénateurs écologistes.

Dérogations aux distances d’épandage retoquées : « Une grande victoire contre les pesticides » pour les sénateurs écologistes

Contraires à la Constitution. Voici ce que vient de statuer le Conseil constitutionnel sur les dérogations aux distances d’épandage de pesticides voulues par le ministère de l’Agriculture. « Un revers politique pour le gouvernement et surtout une première victoire qui en appellera d’autres », se félicitent les sénateurs écologistes.
Public Sénat

Par Antoine Comte

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

« C’est une victoire à petits pas avant les grands pas ». La sénatrice écologiste de Paris Esther Benbassa est ravie : « On grignote pas à pas et on arrive à faire valoir nos exigences environnementales qui vont dans le bon sens et qui sont majoritaires chez les Français ».

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel vient tout juste de rendre son verdict sur la méthode d’élaboration des chartes locales permettant de réduire les distances de sécurité entre les habitations et les zones d’épandage de pesticides. Et il est sans appel : elle est anticonstitutionnelle.

3 mètres pour les cultures dites hautes, 5 pour les basses

Ces chartes d’engagement conclues à l’échelon départemental « après concertation avec les personnes ou leurs représentants » résidant à proximité des zones concernées, ne respectent pas les règles de la Charte de l’Environnement inclue dans le préambule de la Constitution, estime le Conseil des sages. Ces règles prévoient en effet une consultation générale du public pour toute décision qui peut avoir un impact significatif sur l’environnement.

Fin 2019, le ministère de l’Agriculture avait fixé les distances minimales à respecter entre les zones d’épandage de pesticides et les habitations : 5 mètres pour les cultures dites basses (légumes et céréales), et 10 mètres pour l’arboriculture (arbres fruitiers ou vignes). Mais le gouvernement avait aussi pris un décret pour mettre en place des dérogations ramenant ces distances à 3 mètres pour les cultures hautes et 5 pour les basses, dans le cadre de ces fameuses chartes d’engagement départementales.

En les retoquant, le Conseil constitutionnel donne donc raison aux associations environnementales qui avaient déposé de nombreux recours contre ce décret gouvernemental, et met un sérieux coup derrière la tête du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.

« C’était du grand foutage de gueule »

Une « très bonne nouvelle » dont se réjouit Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste au Sénat. « Ces chartes étaient vraiment du grand foutage de gueule. Je le vois chez moi dans l’Isère sur la culture de la noix où aucune association environnementale n’avait été consultée, alors que cela avait été le cas pour une association de chasseurs. Je veux bien que les chasseurs soient considérés comme les premiers écologistes de France, mais bon là franchement, je ne vois pas le rapport avec l’épandage », tacle le sénateur.

Guillaume Gontard va même plus loin et reproche au gouvernement d’avoir voulu faire plaisir avec ces chartes départementales au syndicat départemental qu’est le FNSEA. « Quand vous vous rendez compte que seulement 1 % du budget du ministère de l’Agriculture est consacré à la politique de réduction de ces produits dangereux pour la santé, ça en dit long. Nous avons un ministre qui va totalement à rebours de ce que souhaite la population, et surtout les agriculteurs », râle l’élu isérois.

Un combat mené par le Sénat depuis longtemps

Un combat qui ne date pas d’hier pour les sénateurs. Fin 2018 avant l’adoption par le Parlement de la loi Egalim favorisant l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, le Sénat avait en effet fait passer de nombreux amendements notamment par la voix du sénateur EELV Joël Labbé.

Il y a quelques semaines, des sénateurs socialistes, écologistes ou encore communistes ont également interpellé Julien Denormandie sur le sujet lors des questions d’actualité au gouvernement du mercredi, et 27 d’entre eux avaient aussi cosigné un courrier à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour dénoncer le système d’évaluation de formulants toxiques dans 14 produits pesticides.

Et les sénateurs engagés sur ces sujets comptent bien continuer à s’investir dans cette lutte. « Je réaffirme mon plein soutien aux courageux élus locaux qui ont pris des arrêtés anti-pesticides et j’invite du gouvernement à revoir sa copie en la matière », promet la sénatrice écologiste Sophie Taillé-Polian. « Nous allons continuer pour faire connaître nos revendications, vous pouvez en avoir l’assurance », confirme Esther Benbassa.

Interrogés, la FNSEA et les sénateurs de la majorité gouvernementale n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

Partager cet article

Dans la même thématique

Dérogations aux distances d’épandage retoquées : « Une grande victoire contre les pesticides » pour les sénateurs écologistes
8min

Société

Voitures en bout de course, hélicos hors d’âge, loyers qui plombent les comptes : le numéro 1 de la gendarmerie alerte devant le Sénat

Malgré un budget en légère hausse de 200 millions d’euros en 2026, la gendarmerie nationale est contrainte à des « renoncements » multiples, alerte son directeur général, Hubert Bonneau. Face à une hausse de la délinquance et des missions diverses, y compris l’appui aux armées, en cas de guerre face à une autre nation, ses moyens sont insuffisants, juge le patron de la gendarmerie.

Le

SNCF la greve du 21 novembre 2024 en forme ultimatum.
5min

Société

Sabotage sur le réseau SNCF : « Surveiller un tel réseau, c’est quasi-impossible » estime-t-on au Sénat

Après des actes de malveillance qui ont paralysé plusieurs lignes importantes du réseau ferroviaire dimanche et lundi, le ministre des Transports a pointé la difficulté technique de sécuriser 28 000 km de voies. Les parlementaires pointent la même difficulté, alors que les acteurs du ferroviaire soulignent tous un « sous-investissement chronique » dans les infrastructures.

Le

Covid-19 Saint Denis hopital Delafontaine
6min

Société

« C’est une plaisanterie ! » : le choix de repousser encore l’examen au Sénat des textes sur la fin de vie divise l’hémicycle

L’examen de la proposition de loi sur le droit à l’aide à mourir n’a pas été inscrit à l’agenda du Sénat dans les prochaines semaines. Même situation pour le texte sur l’amélioration des soins palliatifs. Si la droite s’inquiétait d’un délai trop serré pour étudier ces questions sensibles avant le budget, la gauche dénonce, elle, « un prétexte de calendrier » pour repousser les débats.

Le