Déserts médicaux : plus d’un quart des enfants vivent sans pédiatre à proximité

Déserts médicaux : plus d’un quart des enfants vivent sans pédiatre à proximité

Dans une carte publiée mardi, l’UFC Que choisir alerte sur la fracture sanitaire du pays et pointe du doigt les pénuries de spécialistes à accès direct ainsi que les dépassements d’honoraires. 
Public Sénat

Par Sandrine Tran

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Le sujet n’est pas nouveau, mais les chiffres sont toujours aussi inquiétants. Ce mardi 8 novembre, l’UFC Que Choisir a mis en ligne une carte interactive des déserts médicaux français en ciblant les médecins en accès direct, c’est-à-dire ceux dont le rendez-vous n’est pas conditionné à un passage chez le médecin généraliste au préalable. Résultats : près d’un quart de la population vit dans une zone en manque de pédiatres, de gynécologues et d’ophtalmologues.

La publication de la carte entre en écho avec l’actualité puisque le projet de loi de financement de la sécurité sociale - qui possède notamment des mesures de lutte contre les déserts médicaux - est en ce moment même examiné au Sénat, après avoir été adopté sans vote à l’Assemblée nationale, pour cause de recours à l’article 49.3 par Elisabeth Borne.

27,5 % des Français vivent loin d’un pédiatre

Ainsi, l’association de consommateurs a calculé la part de la population vivant loin de médecins spécialisés. Et les chiffres sont alarmants : 27,5 % des Français habitent à une distance supérieure à 45 minutes de route d’un cabinet de pédiatrie. Pour les gynécologues, ce sont au total 23,6 % des Français, soit 11,6 millions de femmes qui vivent dans un désert médical, ces zones où la densité médicale est « au moins 60 % inférieure à la moyenne nationale ». Côté ophtalmologie, 19 % de la population vit éloignée d’un spécialiste.

« Si les déserts médicaux sont moins importants pour les généralistes (2,6 % de la population), commente l’association, la situation n’en reste pas moins préoccupante puisque 23,5 % des usagers éprouvent des difficultés pour accéder à moins de 30 minutes de route à ce maillon essentiel du parcours de soins. »

Fracture financière

Mais la fracture n’est pas seulement géographique, elle est aussi financière. L’association alerte aussi sur les dépassements d’honoraires : « Pour la plupart des spécialités, il devient de plus en plus difficile de trouver des médecins qui respectent les tarifs de la Sécurité sociale. Ainsi, près de 7 patientes sur 10 résident en désert médical en termes d’accès aux gynécologues en secteur 1 (sans dépassement d’honoraires) à moins de 45 minutes de chez elles, et près d’un enfant sur deux réside en désert médical pour ce qui est de l’accès aux pédiatres au tarif de la sécurité sociale. Dès lors, les dépassements d’honoraires, loin d’être « choisis », sont bel et bien subis par les usagers. »

Une situation d’autant plus alarmante lorsque l’on sait que le frein financier représente 29 % du renoncement aux soins des patients.

Des mesures d’incitation à l’installation trop faibles

L’association remet en cause les mesures d’incitation à l’installation menées par les pouvoirs publics depuis 15 ans. Elle demande aux législateurs de ne plus permettre aux médecins de s’installer en zones surdotées « à l’exception du secteur 1 (tarif de la Sécurité sociale) quand la situation l’exige », de fermer l’accès au secteur 2 (à honoraires libres) et de supprimer les aides publiques aux médecins ne respectant pas le tarif de la Sécurité sociale.

Mais alors comment résoudre le problème ? Si la fin du numerus clausus au profit d’un numerus apertus est effective depuis la rentrée 2020 dans les facultés de médecine, il faudra tout de même compter une dizaine d’années avant d’en voir les conséquences, et la France ne retrouverait qu’en 2030 le nombre de médecins généralistes qu’elle avait en 2020, date à laquelle elle a perdu 5 000 généralistes.

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Une quatrième année d’internat pour les médecins généralistes

D’ici là, plusieurs pistes sont sur la table, notamment celle d’adjoindre une quatrième année d’internat obligatoire aux étudiants en médecine générale dans des zones tendues. Cette idée est à l’origine de la proposition de loi de Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat. Une proposition de loi adoptée, mais qui a peu de chance d’aboutir telle qu’elle, puisque le gouvernement a intégré un dispositif similaire au budget 2023 de la Sécurité sociale.

Bruno Retailleau s’en était d’ailleurs agacé, reprochant au gouvernement sa manière de faire : « Nous avons vu que vous avez repris cette réforme dans le PLFSS, je pense que vous l’avez fait de façon précipitée, sans beaucoup de concertation et sans en définir les modalités, ce qui a pu raidir un certain nombre de syndicats, notamment d’internes », a-t-il accusé.

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La proposition est en effet fortement décriée par les syndicats d’internes de médecine générale qui pointent du doigt des conditions de travail déjà difficiles lors de l’internat pour une rémunération qu’ils jugent également insuffisante au regard du nombre d’études (entre 23 695 et 27 042 euros brut annuels entre la première et la troisième année). Et interrogent également la pertinence d’une orientation dans des zones avec peu de formateurs et d’encadrants pour des étudiants. « Il s’agit ni plus ni moins qu’un déguisement pour une année d’exploitation supplémentaire des internes », dénonce le syndicat ISNAR-IMG dans un communiqué.

Du côté de l’UFC Que-Choisir, en parallèle à la publication de leur carte interactive, l’association de consommateurs lance un appel auprès des pouvoirs publics, en invitant les internautes à se mobiliser autour du #masanténattendpas sur les réseaux sociaux.

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