Dix ans ont passé. Le 13 novembre 2015, Paris fut frappée au cœur. En quelques heures, la capitale sombrait dans la terreur, trois commandos armés, agissant au nom de l’organisation État islamique, semaient la mort aux abords du Stade de France, sur les terrasses animées du Xᵉ et du XIᵉ arrondissement (Le Petit Cambodge, La Bonne Bière, La Belle Équipe, Casa Nostra, le Comptoir Voltaire) puis dans la salle de concert du Bataclan, où plus de 90 personnes furent tuées. Au total, 130 morts, des centaines de blessés, et un pays plongé dans la stupeur. Dix ans plus tard, la Fondation Jean-Jaurès et l’Ifop, en partenariat avec le Théâtre de la Concorde et la Bellevilloise, ont cherché à mesurer ce qu’il reste du 13 novembre dans la mémoire collective. Leur enquête, menée à la fin d’octobre 2025, révèle une empreinte toujours profonde.
Une mémoire encore vive, surtout à Paris
Selon l’enquête, 60 % des Parisiens se souviennent précisément de ce qu’ils faisaient au moment des attaques, contre 42 % des Français en moyenne. Pour Jérémy Peltier, codirecteur général de la Fondation Jean-Jaurès, « le 13 novembre met en lumière une mémoire vive » particulièrement ancrée à Paris.
Le Stade de France, le Bataclan, le Carillon ou le Petit Cambodge sont entrés dans l’histoire. Des lieux de fête et de rencontre sont devenus des repères de mémoire, ancrés dans le paysage de la capitale.
Des émotions contrastées, dix ans après
La France a changé, mais les émotions demeurent. À l’échelle nationale, la colère reste le sentiment dominant (47 %), même si elle a reculé de dix points depuis 2015. La peur, elle, a gagné du terrain (+ 10 points), pour atteindre 23 %. Chez les Parisiens, c’est la peine qui domine (56 %), devant la colère (39 %). La capitale garde la trace sensible de ce drame. « Ces attentats furent un traumatisme national, mais aussi les attentats d’une ville », résume Jérémy Peltier. « Ils font désormais partie intégrante de la mémoire de ses rues et de ses habitants. »
Dix ans après, 83 % des Français considèrent les attentats comme un acte de guerre, une lecture partagée par 77 % des Parisiens. Le 13 novembre reste un moment de rupture, marquant un avant et un après dans le récit national.
Des habitudes bouleversées
Pour 60 % des Français et des Parisiens, les attentats du 13 novembre ont changé durablement leur manière de percevoir la vie. À Paris, 31 % des habitants disent avoir modifié leurs habitudes quotidiennes depuis 2015, évitant certains lieux ou événements, contre 24 % dans le reste du pays. « Ce changement se ressent dans l’atmosphère même de la capitale, analyse Jérémy Peltier. Paris, théâtre macabre de cette année 2015, a perdu une part de légèreté. Plus on se rapproche des lieux touchés, plus ce sentiment est tangible. »
Un tiers des Parisiens estime d’ailleurs que la ville est moins festive qu’avant les attentats, un constat encore plus fort dans les Xe et XIe arrondissements.
Une mémoire partagée et entretenue
Malgré le temps, le besoin de mémoire reste largement partagé. Plus de 80 % des Français, et près de 9 Parisiens sur 10, jugent important de commémorer ces attentats, une hausse de sept points par rapport à 2016, « illustrant peut-être l’impact du « bruit de fond terroriste » qui a suivi le 13 novembre 2015 » analyse Jérémy Peltier.
Pour beaucoup, commémorer n’est pas raviver la peur, mais affirmer une fidélité, celle aux victimes, à la liberté, et à la vie ordinaire que les terroristes avaient voulu abattre.