Droits de l’enfant : une délégation au Sénat bientôt sur les rails

Droits de l’enfant : une délégation au Sénat bientôt sur les rails

Le Sénat poursuit l’examen du projet de loi de finances pour 2023. Plusieurs parlementaires militent pour la création d’une délégation parlementaire dédiée au droit de l’enfant. Le sénateur des Hauts-de-Seine Xavier Iacovelli (RDPI) a déposé une proposition de loi en ce sens qui sera examinée en séance le 8 décembre. Interview.
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Par Lauriane Nembrot

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Six délégations parlementaires existent déjà au Sénat : droits des femmes, entreprises, Outre-mer… Pourquoi est-il pertinent, selon vous, de créer une délégation sénatoriale dédiée à la protection de l’enfance ?

Les enfants qui sont en général beaucoup plus vulnérables, je pense notamment à ceux qui sont en situation de pauvreté, ceux qui sont porteurs de handicap, ceux qui sont victimes de violences, ont besoin qu’il y ait des évolutions. Selon un rapport de l’UNICEF, il y a eu une évolution positive sur la question de la prise en compte des droits de l’enfant au cours de ces trois dernières décennies. Mais il nous reste encore beaucoup à faire et à accomplir pour garantir la pleine réalisation des droits de l’enfant en France.

Pourquoi est-il important de créer une telle délégation maintenant ?

Je ne suis pas favorable à la multiplication des groupes, des commissions, des délégations. Donc j’entends cet argumentaire. Mais je n’arrive pas à entendre l’argumentaire qui concerne l’enfant. C’est un sujet majeur dans notre pays. Je pense qu’une délégation permettrait de considérer l’enfant autrement que comme une personne qu’on doit forcément protéger, mais comme un sujet de droit à part entière. À partir du moment où on a une politique de l’enfance qui est transversale, qui touche aussi les affaires scolaires et culturelles, la commission des lois, les affaires sociales. Je pense sincèrement qu’on gagnerait en qualité de travail parlementaire avec la création d’une délégation.

 

On a des défis à relever de façon pérenne qui justifient d’avoir une délégation spécifique pour le droit de l’enfant.

 

En quoi la délégation parlementaire pourrait-elle compléter le travail des commissions ?

Les commissions fonctionnent, sauf qu’il n’y a pas d’élément qui concentre et qui coordonne toute cette politique de l’enfance. Et cela n’enlève rien encore une fois aux commissions. On voit bien que la délégation aux entreprises a été créée, alors que ça dépend entièrement de la commission des Affaires économiques… Et pourtant, la délégation aux entreprises n’enlève rien à la commission des Affaires économiques. Donc on voit bien qu’aujourd’hui si on est capable de créer une délégation aux entreprises, je pense qu’on peut le faire pour les enfants.

Le travail sur le temps long est-il nécessaire, voire vital, pour traiter de ces questions-là ?

C’est indispensable. Dans la configuration actuelle, la question de l’enfance est gérée par plusieurs commissions. Elle est gérée au niveau de la commission des Affaires sociales sur l’aspect santé, protection de l’enfance, la cyber et pédocriminalité, l’inceste au niveau de la commission des lois.

Si cet outil est si nécessaire, pourquoi est-ce que la délégation pour les droits de l’enfant n’existe pas encore ?

Je ne peux pas vous le dire. Ça fait vingt ans que le milieu de l’enfance demande sa création. Il y a eu plusieurs rapports, il y a même eu une proposition de loi du président Jacques Barrot (UMP) qui avait été votée à l’Assemblée nationale, en 2004. Mais elle n’a jamais été inscrite au Sénat.

 

Une délégation permettrait de considérer l’enfant autrement que comme une personne qu’on doit forcément protéger mais comme un sujet de droit à part entière.

 

Qui ferait partie de cette délégation ?

Ses membres ne seraient que des sénatrices et des sénateurs qui ont une appétence sur la question de l’enfance et qui ont envie de travailler sur cette question. Je pense que ce serait uniquement du positif, du plus pour le Parlement. Plusieurs sénateurs l’ont dit : les sujets ont évolué. Aujourd’hui, il y a la question de l’enfance en danger, mais l’enfance en général est de plus en plus prégnante dans le débat et dans notre société. Et je pense que le Sénat mériterait de s’adapter à la situation qui change. Et ça ne remet pas en cause les groupes et les délégations qui existent déjà. Mais je pense qu’on a des défis à relever de façon pérenne qui justifient d’avoir une délégation justement spécifique pour le droit de l’enfant.

Si la délégation est créée, quels seront, selon vous, les sujets traités en priorité ?

Il y a plein de sujets. Je pense par exemple à la question de la santé mentale des enfants. Elle dépend de la commission des affaires sociales. Mais aujourd’hui, il y a un vrai sujet qui s’est accentué depuis l’apparition de la crise sanitaire. On a vu une augmentation fulgurante des envies suicidaires et des passages à l’acte chez les jeunes. On doit aussi évoquer la pratique sportive, l’accès à la culture. En plus des affaires scolaires et de la culture, il y a la question de la cyber pédocriminalité. Avec tout le développement des réseaux sociaux C’est un vrai sujet. Il y a la nécessité de protéger beaucoup plus les enfants et les jeunes de cette cyber pédocriminalité. Il y a aussi la question de l’inceste, même s’il y a effectivement les commissions qui vont travailler là-dessus, je pense qu’on a besoin d’avoir un suivi sur ces questions-là.

 

Contrairement aux commissions, les délégations parlementaires ne sont pas dépendantes du temps législatif.

 

Mais la délégation parlementaire pourra-t-elle répondre efficacement à tous ces enjeux ?

L’avantage d’une délégation c’est qu’elle n’est pas contrainte par des textes et par du temps. Contrairement aux commissions, les délégations parlementaires ne sont pas dépendantes du temps législatif. Les délégations ont plus de liberté pour travailler sur le temps long. Tous ces éléments nous permettraient d’alimenter sur le temps long le travail des commissions.

Une délégation prend le temps de se saisir ou d’être saisie sur tel ou tel sujet. On n’est pas du tout dans une configuration contrainte comme peuvent l’être les commissions. Là, au sein d’une délégation, on a le temps de faire des auditions, on a le temps d’aller sur le terrain, on a le temps d’alimenter une réflexion et de surtout de travailler sur la prospective et réfléchir à comment on peut faire évoluer la politique de l’enfance et familiale dans notre pays.

Une délégation similaire existe à l’Assemblée nationale depuis le 13 septembre. Qu’en pensez-vous ?

Je salue pleinement cette initiative. On gagnerait en symétrie à faire de même au Sénat. Ça fait vingt ans qu’on en faisait la demande. La délégation fonctionne, c’est très bien. Les auditions par cette commission ont commencé depuis mi-octobre. Et il y a une volonté partagée, au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, de travailler sur la question de l’enfance.

Mais je ne vous cache pas que j’aurais préféré qu’elle passe par la loi au moment de sa création pour qu’elle soit pérennisée. Là, cette délégation est une volonté du bureau. Et ce que le bureau fait, le bureau peut le défaire. Je pense que passer par une proposition de loi aurait permis de sécuriser la création de cette délégation.
 

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